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Accueil - Numérique — Le 21 août 2024

Les entreprises à l’ère de l’intelligence artificielle

Grâce aux nombreuses structures de R&D, à ses entreprises et à son institut MIAI, Grenoble occupe une place privilégiée dans le domaine de l’intelligence artificielle. Comment ses pratiques évoluent-elles ? Pour quels usages les entreprises s’en emparent-elles ? Quels sont les freins qui subsistent à son adoption ou sa généralisation ? Quelles perspectives les experts et acteurs locaux anticipent-ils d’ici à 2030 ?

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Souvent saluée pour son dynamisme technologique, Grenoble se distingue particulièrement dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA). Grâce à ses nombreuses structures de recherche et développement (R&D), à ses entreprises innovantes et à l’institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle (3IA) « MIAI Grenoble Alpes », - qui vient d’être reconduit par la labellisation MIAI Cluster (voir p.26) - la région occupe une place privilégiée sur la scène de l’IA. L’émergence de l’IA générative marque une étape cruciale dans cette révolution technologique, qui touche désormais tous les domaines d’activité, en particulier la santé, l’énergie, la mobilité et l’industrie 4.0.

L’IA au cœur des entreprises

Dans un rapport publié en mars 2024, la Commission de l’intelligence artificielle souligne l’importance de l’IA dans la transformation numérique des entreprises. À Grenoble, des leaders comme STMicroelectronics et Schneider Electric l’exploitent pour optimiser leurs processus et développer, entre autres, des solutions innovantes en gestion de l’énergie. 
Les start-up grenobloises participent pleinement à cette révolution, soutenues par des programmes comme France 2030, lequel consacre une part significative des 54 Md€ à l’IA afin de combler le retard technologique du pays. « Plus de deux milliards ont déjà été investis dans des projets sur toute la chaîne de valeur de l’IA, mentionne Vincent Rapp, responsable sectoriel Innovation spécialisé en IA à Bpifrance. Alors que 15 % des projets que nous soutenions avaient une composante IA il y a deux ou trois ans, ce chiffre est passé à 35 % aujourd’hui, avec une anticipation à 50 % d’ici 2027. »

L’IA pour quels usages ?

En partenariat avec Forvis Mazars France, l’institut AI for Sustainability de l’Essca a publié un baromètre sur l’intégration de l’intelligence artificielle dans les entreprises européennes et son impact sur la durabilité. Dans leur grande majorité, les dirigeants interrogés considèrent que l’IA améliore la productivité, réduit les coûts et assiste l’humain dans la prise de décision et l’expérience client. « Dans un monde de plus en plus connecté et truffé de capteurs, l’IA est essentielle pour traiter les données massives et optimiser divers processus, de la maintenance prédictive à l’aide à la décision », confirme Christine Vaca, directrice du pôle Expertise à la Satt Linksium. En tant que partenaire du MIAI Cluster, la Satt accompagne davantage de projets en lien avec l’IA.
Mais l’adoption de cette technologie par les sociétés n’est pas sans défis. Outre la complexité des algorithmes et le besoin de données massives, les entreprises doivent affronter des coûts conséquents de développement, des questions éthiques et réglementaires sur la protection des données, ainsi que des biais algorithmiques. Le manque de digitalisation et de compétences spécialisées constitue un frein supplémentaire, soulignant l’importance de formations adaptées. « Il est urgent d’investir dans les compétences, avec plus de formations pour comprendre les IA, avec leurs atouts et leurs limites, pour les intégrer à un niveau bien plus élevé dans les business models, », alerte Élise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, dans une étude récente.

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La formation, essentielle au déploiement de l’IA
Les besoins en compétences pour intégrer l’IA dans tous les domaines s’accroissent, et ont été pris en compte dans le cadre du projet France 2030.
Depuis sa création en 2019, l’institut MIAI a mis en place différentes actions qui ont permis de doubler le nombre d’élèves formés à l’IA à Grenoble (diplômes de master et d’ingénieur). En 2023, l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir – Intelligence artificielle » dont l’objectif était de massifier l’offre de formation en intelligence artificielle a été lancé, donnant la possibilité de passer à la vitesse supérieure et de poursuivre le développement de l’offre de formation en IA. C’est ainsi qu’est né le projet Efelia-MIAI, qui réunit différents partenaires dont Grenoble INP-UGA et l’UGA. Il est financé par l’État à hauteur de 6,4 M€. En s’appuyant sur l’environnement et l’expertise du MIAI Cluster, le projet permettra en particulier d’élargir l’enseignement de l’IA à tous les niveaux : du premier cycle universitaire (Licence, BUT) à la formation professionnelle et la formation tout au long de la vie, grâce à une approche interactive en ligne, en passant par les masters et les doctorats.

Rendre les modèles compréhensibles

L’un des principaux freins au déploiement plus massif de l’IA dans les entreprises, c’est la confiance. Avant de déléguer leurs activités à une IA, les industriels, quel que soit leur secteur, ont à cœur de comprendre comment les décisions sont prises par le système. Pour dissiper les inquiétudes et balayer les réticences, il est essentiel de rendre les modèles explicables. En outre, les entreprises doivent être en mesure de certifier que ceux qu’elles utilisent sont conformes aux exigences de leur secteur, ainsi qu’au RGPD et au règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA Act), qui impose depuis mars 2024 de certifier, contrôler et évaluer les systèmes d’IA.Dotée d’une réflexion avancée et active sur l’éthique, la France investit depuis plusieurs années sur le développement d’une IA de confiance, en particulier autour du programme Confiance.ai. Ce dernier réunit des acteurs majeurs tels que le CEA et l’Inria, ainsi que des industriels comme Atos, Air Liquide notamment. À Grenoble, XPDeep, l’une des 17 start-up fondées dans le cadre de l’institut MIAI, a fait de l’explicabilité des modèles son cœur de métier. Elle propose en effet un framework, une sorte de boîte à outils permettant de créer des modèles de deep learning, les modèles les plus complexes et les plus performants en IA. « En plus d’être le premier framework généraliste européen, notre système permet de générer l’algorithme et son explicabilité en même temps, explique Stanislas Chesnais, PDG de XPDeep. Initialement développée pour la santé, cette technologie révolutionnaire est applicable à tous les cas d’usage, dans tous les domaines. »

Les données, le nerf de la guerre…

L’accès aux données est un autre défi crucial pour les entreprises souhaitant intégrer l’IA dans leur activité, comme le révèle le baromètre de l’institut  AI for Sustainability. La qualité et la quantité des données sont souvent insuffisantes pour entraîner des modèles d’IA performants. Elles peuvent être dispersées à travers différents systèmes, compliquant ainsi leur collecte. Les préoccupations liées à la confidentialité et à la sécurité ajoutent une complexité supplémentaire, en particulier avec des réglementations strictes comme le RGPD.Pour pallier ce manque de « datas » en quantité, l’IA générative peut créer des données artificielles. Cela est particulièrement utile dans le domaine de la santé, où elles sont souvent rares ou confidentielles. À Grenoble, l’équipe Thoth de l’Inria travaille, par exemple, à développer des méthodes d’apprentissage robustes permettant aux modèles de s’entraîner sur des données qui manquent parfois de réalisme. « Une autre approche consiste à entraîner le modèle sur des lots de données majoritairement non annotées grâce à l’apprentissage autosupervisé », complète Karteek Alahari, chercheur au centre Inria de l’Université Grenoble Alpes.

L'avenir du campus Iseran d'Atos en suspens
Inauguré en octobre 2022 à Echirolles, le campus iseran d'Atos, entreprise spécialisée dans les secteurs de l'énergie, du calcul de haute performance et de l'intelligence artificielle, est un haut lieu d'innovation et de recherche dans le domaine de l'IA. Très endetté, le groupe doit toutefois choisir un repreneur. Les discussions sont en cours. Soucieux de protéger les activités stratégiques et sensibles d'Atos, l'Etat a d'ores et déjà fait une offre de rachat partielle à hauteur de 700 M€. Cette dernière est notamment valable pour les entités portant les activités de calcul haute-performance, et constitue une première étape dans la protection des activités stratégiques du groupe annoncée par le ministre de l'Economie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique en mars dernier. A suivre...

La frugalité en toile de fond

Si la consommation énergétique de l’IA n’est pas encore un frein à son développement dans les entreprises, elle n’en suscite pas moins des inquiétudes. Selon l’Ademe, le secteur du numérique représentait 2,5 % des émissions de carbone de la France en 2022. Mais la rupture est forte depuis 2012, date à laquelle se sont développés les modèles reposant sur l’apprentissage profond (ou deep learning). Ces progrès ont été rendus possibles grâce à l’utilisation de processeurs graphiques (GPU) pour les calculs nécessaires à l’apprentissage profond et au développement des données ouvertes sur internet. En outre, la croissance du secteur s’accélère, engendrant un doublement des besoins en puissance de calcul tous les cinq à six mois. Un nouveau palier a été atteint en 2023 avec l’explosion des modèles génératifs, tels que l’agent conversationnel ChatGPT. « Si l’apprentissage est énergivore, l’utilisation l’est bien plus encore », souligne Frédéric Desprez, directeur du centre Inria de l’Université Grenoble Alpes.Pour répondre à ces défis énergétiques, la course à la sobriété est au cœur des recherches, à tous les niveaux, depuis les objets connectés jusqu’aux data centers. Cette thématique fait partie des sujets transverses du nouveau MIAI Cluster qui entend développer une IA embarquée, frugale et de confiance. À l’Inria, plusieurs options sont à l’étude. « Il est possible de limiter l’impact de l’apprentissage en réduisant la quantité de données nécessaires grâce à l’adaptation des modèles, poursuit Frédéric Desprez. Pour réduire l’impact de l’utilisation, on peut aussi optimiser la précision et la taille des algorithmes afin d’ajuster la performance aux besoins, et utiliser des calculateurs en bordure de réseau. » Le centre est impliqué dans le PEPR* IA, dont les neuf projets ciblés (dont deux comprennent des chercheurs grenoblois) se concentrent également sur la frugalité et la confiance. Si Grenoble se positionne incontestablement comme un leader dans le domaine de l’IA, alliant innovation technologique et réflexion éthique, l’avenir des entreprises de la région dépendra de leur capacité à exploiter les avantages de cette technologie, tout en relevant les défis associés : une croissance durable, au bénéfice de la société tout entière.

* Programmes et équipements prioritaires de recherche

L. Marty

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Chiffres clés de l’IA en 2024

Au niveau mondial, un mouvement irrépressible
•    En 2024, le marché mondial de l’IA atteint plus de 196 Md$, avec une croissance prévue de 38,1 % entre 2022 et 2030.
•    83 % des entreprises dans le monde font de l’IA une priorité absolue dans leurs stratégies commerciales.
•    80 % des dirigeants du secteur de la vente au détail prévoient d’adopter la technologie IA d’ici 2025.
•    Environ 38 % des prestataires médicaux ont déjà adopté des systèmes informatiques dotés d’intelligence artificielle pour les assister dans le processus de diagnostic.
•    D’ici 2035, l’industrie manufacturière pourrait bénéficier d’une croissance impressionnante de 3 780 Md$ grâce à l’adoption de l’IA.
Source : Vision IA

La France est le premier écosystème pour l’IA en Europe
•    + 600 start-up en IA (+24 % entre 2021 et 2023).
•    50 % sont rentables ou envisagent de l’être d’ici trois ans.
•    76 start-up d’IA générative (son, texte, vidéo, image).
•    1er en Europe pour les projets d’investissements étrangers en IA.
•    1er hébergeur des centres de recherche et de décision en IA des leaders mondiaux : Google, Meta, Hugging Face, Dataiku, Tata Sons Accenture.
•    Les modèles actuels les plus puissants ont été entraînés ou développés en France : Llama 2, Llama 3, Mistral Large…
Source : ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mai 2024.

Les conséquences de l’IA sur l’emploi
•    Les secteurs les plus exposés à l'IA connaissent des gains de productivité 5 fois supérieurs aux autres secteurs.
•    Le nombre d'offres d'emploi en IA augmente à une vitesse 3,5 fois supérieure à celle de l'ensemble des offres d'emploi.
•    Les emplois qui nécessitent des compétences en IA offrent un avantage salarial allant jusqu'à 25 % sur certains marchés.
•    Les compétences recherchées par les employeurs évoluent à un rythme 25 % plus élevé dans les professions les plus exposées à l'IA. Pour rester pertinents dans ces professions, les salariés devront acquérir de nouvelles compétences.
•    En France, les offres d'emploi nécessitant des compétences en IA ont été multipliées par 7 depuis 2018.
Source : Baromètre mondial de l'emploi en IA 2024 du cabinet de conseil et d’audit PwC

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