Bouillon Archers, la bonne formule

C’est toujours Les Archers, toujours la même implantation en plein cœur de la ville, toujours le même cadre accueillant et la même grande peinture murale de Carrier. Mais la brasserie, qui fait partie des meubles et de la mémoire grenobloise, a fait place depuis septembre 2023 à une nouvelle formule : un bouillon. Désireux de redonner flamme à une table qu’ils sentaient ne plus correspondre tout à fait à l’air du temps, Jérôme et Marilyn Rousset, toujours aux commandes, lui aux fourneaux, elle en salle, ont décidé de modifier sinon l’esprit, du moins la forme de leur établissement, en le tournant vers ce type de restauration inspiré des restos populaires parisiens. Mais ils ont bien pris garde qu’en le faisant devenir bouillon, le lieu n’en reste pas moins fidèle à son enseigne des Archers. Car là est la bonne surprise : rien pour le coup de cette cuisine de cantine passe-partout, sans âme et sans saveur, qui fait l’ordinaire de nombre de pseudo-bistrots donnant dans la fast-food déguisée. Le fond de sauce reste bien ici celui d’une cuisine familiale, où tout est préparé maison, par un chef qui s’y connaît en qualité de produits et de plats. Formé à la cuisine lyonnaise (avant de reprendre en 2015 Les Archers, le couple s’était fait une solide réputation en officiant, tout proche, au Lyonnais), Jérôme Rousset sait mieux que personne ce qu’est une andouillette de chez Bobosse, des pieds de porc panés ou des quenelles de brochet Nantua. Et cela se sent dans l’assiette. 

Bouillonnant, pour tout dire

C’est sensible dès l’entrée, en commençant par cet incontournable qu’est l’œuf dur mayonnaise. Pas de ces maigres œufs de batterie où le jaune est aussi pâle que la sauce qui les accompagne, mais trois portions bien fournies, empanachées d’un nuage aérien de mayonnaise maison, goûteuse, rehaussée d’un toupet de persil. Pour suivre, délaissant les pourtant attirants bœuf mironton sur sa purée, tripes à la tomate et leurs pommes vapeur ou saucisson lyonnais sur ses pommes chaudes, on peut sans remords s'abandonner à l’indémodable et chiraquienne tête de veau grand-mère : servie en médaillon roulé sur sa sauce gribiche, elle répond aux meilleures exigences de la tradition. Et, pour donner une note plus locale au dessert, laissant de côté la tentante tarte aux noix, on peut opter résolument pour la coupe de glace chartreuse, arrosée de son petit verre de verte. Le tout accompagné d’un verre de saint-nicolas-de-bourgueil, juste frais ce qu’il faut, et l’on s’en sort pour 23,50 €. Qui dit mieux ? À moins, pour faire plus fort encore, que l’on s’en tienne à la formule du jour qui propose, pour 17 €, entrée, plat et dessert. Pas facile de faire simple, bon et pas cher. Le pari est ici tenu. Et la fréquentation ne trompe pas : c’est plein, animé, mêlé, chaleureux. Bouillonnant, pour tout dire. 

Jean Serroy

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Jérôme et Marilyn Rousset : un bouillon à la grenobloise