Faire de la robustesse de son modèle économique une source de résilience
À l’heure de la rentrée, nombreux sont les dirigeants qui, conscients des crises systémiques à venir (environnementales, sociales, économiques…), cherchent à faire évoluer leurs organisations. Ils n’hésitent plus, et c’est heureux, à redéfinir les finalités mêmes de leur activité. Aucune entreprise qui fait l’effort de définir sa mission ou sa raison d’être ne fait de la recherche de la rentabilité maximale son objectif principal. Bien sûr, la communication est souvent mieux pensée et orchestrée que les réalisations. Ces dernières sont toutefois indéniablement de plus en plus ambitieuses et les organisations tentant d’inscrire leurs actions dans une logique de paix économique en témoignent bien. Il n’en demeure pas moins que les sources d’inspiration s’avèrent manquantes pour des dirigeants confrontés à la nécessité de « vendre » leurs bonnes idées à des financeurs (actionnaires ou prêteurs) peu enclins à valider ces dernières. À l’heure où la résilience face aux crises devient si importante, les écosystèmes naturels sont pourtant une source infinie d’inspiration pour les entreprises.
S’inspirer de la nature et du vivant
Le vivant nous donne de multiples exemples de résilience et plusieurs ouvrages récents sur le sujet fourmillent de bonnes idées pour les entreprises et organisations . Dans une récente tribune publiée dans le journal Le Monde (juin 2023) , Antoine Denoix (PDG d’AXA Climate) et Olivier Hamant (Biologiste, directeur de l’Institut Michel Serres) proposent, en cohérence avec l’un des enseignements essentiels tiré de l’observation de la nature, de préférer la robustesse à la notion de performance . La robustesse, qui caractérise les écosystèmes résilients, permet, selon les auteurs, de « mieux faire face aux imprévus » en « intégrant une dose d’inefficacité présente dans la nature ». L’exemple de la photosynthèse se révèle particulièrement illustratif : alors que les feuilles captent 100 % des rayons lumineux en provenance du soleil, le rendement de la photosynthèse s’avère inférieur à 1 %. C’est ce faible rendement qui permet aux plantes de gérer les variations de luminosité et de survivre quasiment en toutes circonstances (les plantes brûleraient durant l’été si le rendement était supérieur). De même, c’est le maintien de notre température corporelle entre 37° et 38°, alors que l’optimum pour les enzymes serait de 40°, qui nous donne des marges de manœuvre salvatrices en cas d’infection. Dans les deux cas, c’est la non-optimalité de la solution privilégiée par la nature qui permet de faire face aux difficultés lorsqu’elles surviennent.
Des pratiques concrètes inspirées de la robustesse du vivant pour les entreprises
La recherche de robustesse du modèle économique est peut-être un objectif commun acceptable (voire souhaitable) pour toutes les parties prenantes. Elle suppose de sortir du modèle d’optimisation qui s’est imposé ces dernières décennies : réduction de stocks et flux tendus, multiplication des fonctionnalités, sur-spécialisation et sur-sollicitation des salariés… Des salariés ou des fournisseurs moins mis sous pression et bénéficiant d’un cadre de travail plus serein peuvent, c’est évident, mieux servir les intérêts collectifs qu’en étant victimes de burn-out. En retrouvant ce que les Américains appellent du slack organisationnel (littéralement de la graisse ou des ressources excédentaires), il est possible de gagner en capacité à faire face aux imprévus, en résilience et en pérennité. Ce que l’on perd en efficience à court terme s’avère alors rapidement dérisoire.
Hugues Poissonnier
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