Partage de la valeur : entre progrès réels, souhaitables et à renforcer
Si le partage de la valeur générée par leurs activités économiques est un sujet récurrent, il est pourtant loin d’être complètement nouveau. Dans ce contexte, l’annonce récente du versement de 2 Md€ aux salariés par le groupe Stellantis a été présentée comme exemplaire. Si elle l’est incontestablement, l’ampleur de son ambition reste à nuancer.
Le partage de la valeur : un sujet ancien et récurrent
Dès lors que plusieurs contributeurs à la valeur économique créée par l’entreprise sont reconnus comme tels, il apparait légitime de tenter de pérenniser les contributions apportées par les « parties prenantes ». C’est l’une des préconisations de la fameuse Théorie des Parties Prenantes popularisée par Freeman (1984) qui remet en cause la vision jusque-là proposée par Friedman (1970), selon laquelle la contribution des entreprises doit d’abord s’orienter vers les financeurs que sont les actionnaires.
Les annonces récentes de Stellantis sont à repositionner dans le contexte plus global des débats entourant le partage de la valeur. Promesse de campagne du Président Emmanuel Macron, la mise en place d’un « dividende salarié » se veut constituer un mécanisme de partage de la valeur vu comme l’un des « grands chantiers de la majorité » par le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire. L’examen approfondi des chiffres montre toutefois, qu’au-delà des annonces et des incontestables avancées, la marche vers un partage équilibré de la valeur ne semble pas si rapide.
Partage de la valeur chez Stellantis : des progrès à nuancer
En dépit des difficultés du secteur automobile, le bénéfice mondial du groupe Stellantis s’élève pour 2022 à 16,8 Md€, soit une hausse de 26 % par rapport à 2021. La partie de ce bénéfice redistribuée aux actionnaires et aux salariés s’élève à 7,7 Md€, soit 45,8 % du bénéfice, l’essentiel de ce dernier étant conservé pour autofinancer la modernisation des usines. Cette part bénéficie aux actionnaires en contribuant à faire monter le cours des actions, représentant donc une plus-value potentielle pour les actionnaires (même si les salariés peuvent y voir de bonnes nouvelles en termes de pérennité pour leurs postes). Les 2 Md€ versés aux salariés représentent finalement 200 millions de plus que l’an dernier, soit une augmentation de 11,1 %, un pourcentage bien inférieur à celui de la hausse des dividendes de 28,8 %.
D’autres parties prenantes à ne pas oublier
Ce cas illustre l’avancement des débats sur le partage de la valeur au sein des grandes entreprises. Les salariés sont loin de bénéficier autant que les actionnaires des bons résultats lorsque ceux-ci sont présents. Bien sûr, ils auraient moins à souffrir d’éventuels mauvais résultats, préservant leur emploi et leur salaire lorsque les actionnaires y perdraient bien davantage. Mais l’annonce de Stellantis doit être prise pour ce qu’elle est : une action visant à un rééquilibrage partiel, plutôt qu’un réel changement de priorité.
Surtout, nous n’évoquons ici que deux parties prenantes que sont les actionnaires et les salariés. Ce faisant, nous restons bien loin des préconisations de la Théorie des Parties Prenantes, qui rappelle le rôle des clients, des fournisseurs, des prêteurs… Les grands distributeurs commencent certes à faire bénéficier à leurs clients, sous forme de baisses de prix, des performances économiques enregistrées ces derniers mois. Mais à l’heure où les achats représentent 60 % du chiffre d’affaires en moyenne, la majeure partie des salariés dont dépendent la performance d’une entreprise ne se trouvent plus à l’intérieur de ses murs, mais chez ses fournisseurs et sous-traitants. De grands oubliés des politiques et pratiques de redistribution des bénéfices.
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