Mesures économiques, sociales, fiscales : ce qui change en 2019
Loi de finances 2019, transformation du CICE en allégement de charges, mesures Macron pour le pouvoir d’achat… en 2019, l’environnement social et fiscal des entreprises connaît de multiples transformations. Quels sont les principales dispositions pour l’entreprise et les impacts pour les salariés ? Des experts apportent leur éclairage pour bien intégrer ces mesures.
La vraie révolution pour les entreprises en 2019 ? “C’est d’abord le prélèvement à la source, pointe d’emblée Rodolphe Ferrier, président du Comité local des banques de l’Isère. Un changement majeur pour les 38 millions de contribuables, et un alourdissement certain de la charge administrative des entreprises, qui deviennent l’organe collecteur.” La réforme génère des frais supplémentaires pour les TPE, contraintes d’externaliser ce service auprès de leur cabinet d’expert-comptable. Des frais en sus aussi pour la mise à jour des logiciels lorsque ces entreprises gèrent les fiches de paie en interne. Pour autant, le prélèvement à la source constitue un “vrai progrès pour les salariés en termes de visibilité de leur budget, sans décalage d’un an”, observe Damien Dreux, président de l’Ordre des experts-comptables Auvergne-Rhône-Alpes, qui se dit “confiant dans l’adoption rapide” du nouveau système par les entreprises, malgré les retards observés en fin d’année dans l’envoi des Déclarations sociales nominatives (DNS).
Le CICE transformé
Le basculement du CICE en allégement de cotisations sociales employeurs est l’une des grandes mesures entrées en vigueur cette année. Initié en 2013, le dispositif du CICE visait à réduire le coût du travail pour renforcer la compétitivité des entreprises. Il permettait aux sociétés imposées au régime réel de bénéficier d’un crédit d’impôt assis sur le montant annuel brut des rémunérations, dans la limite de 2,5 Smic (soit 44 954,10 euros pour 2018). Initialement fixé à 4 %, son taux avait été progressivement relevé, avant que la loi de finances 2018 ne le ramène à 6 % pour les rémunérations versées à compter de 2018. Or, ce crédit d’impôt est transformé depuis le 1er janvier 2019 en une baisse des cotisations patronales d’assurance maladie, pour un montant équivalent. S’y ajoute une diminution des cotisations d’assurance chômage et des régimes complémentaires au niveau du Smic et jusqu’à 1,6 Smic. Si le passage d’un système à l’autre implique une année de transition difficile pour l’État (baisse des cotisations patronales dès janvier 2019 + remboursement des créances d’IS des “années CICE”), il va offrir aux entreprises “un niveau de trésorerie inégalé”, affirme Rodolphe Ferrier.
Une efficacité amoindrie ?
Revers de la médaille : la diminution des cotisations patronales va mécaniquement augmenter les bénéfices des entreprises,rehaussant du même coup le montant de l’impôt sur les sociétés. Un effet dit de “retour d’IS”, pointé par Isabelle Courbière, associée au sein du cabinet d’audit et d’expertise comptable Mazars : “Le CICE avait pour avantage de ne pas être fiscalisé. Ici, l’effet de la diminution des cotisations sociales patronales est amoindri par l’augmentation de l’IS (qui reste au même taux cette année). La diminution progressive du taux est attendue à partir de 2020, pour passer à 25 % à l’horizon 2022.” Cette hausse prévisible de l’IS sera partiellement compensée, dès le 1er octobre prochain, par une diminution de 4 % des charges sur les bas salaires. Le taux maximum d’allégement de charges sociales sur les bas salaires devrait ainsi passer de 28,54 % à 32,6 %. Il faut en déduire que les secteurs où les salaires sont plus élevés resteront pénalisés par la disparition du CICE, d’où une moindre compétitivité. Pour autant, certains experts positivent. Le CICE était souvent jugé complexe, avec un effet décalé sur la trésorerie d’un an, et jusqu’à trois ans, selon le mode d’imputation. Une baisse des cotisations présente aujourd’hui l’avantage d’une meilleure visibilité : “Le coût du travail, sans effet report généré par le CICE, est calculé dès l’embauche. L’impact à court terme sur l’emploi pourrait donc être favorable”, estime ainsi Rodolphe Ferrier.
Défiscalisation des heures supplémentaires : le retour
Cette année 2019 est aussi marquée par plusieurs mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des Français. Un effort qui se traduit notamment par l’exonération des heures supplémentaires et complémentaires des cotisations sociales salariales. Initialement, la loi de financement de la Sécurité sociale avait prévu une baisse des cotisations sociales d’assurance vieillesse de base, à compter du 1er septembre prochain. Anticipée au motif de l’urgence économique et sociale, cette mesure a donc été avancée. Et amplifiée : la loi prévoit ainsi l’exonération d’impôt sur le revenu de ces heures supplémentaires et complémentaires dans une limite de 5 000 euros par salarié et par an. Une précision toutefois : les cotisations sociales patronales continuent d’être dues sur ces heures supplémentaires. Quant à la prime d’activité, entrée en vigueur en 2016, elle est revalorisée en 2019. Versée par la CAF, elle atteint 80 euros mensuels pour un salarié au Smic, et s’applique ensuite de manière dégressive jusqu’à un salaire net de 1 500 euros. La mesure concerne aussi tant les créateurs que les commerçants ou les exploitants agricoles, sous certaines conditions de chiffre d’affaires : inférieur à 82 200 euros pour les commerçants, à 32 900 pour les professions libérales. Au 1er février, plus de 650 000 foyers supplémentaires avaient fait leur demande pour la prime d’activité (pour 1 million de nouveaux bénéficiaires estimés).
Prime exceptionnelle pour les salariés
Autre mesure destinée à renforcer le pouvoir d’achat : la possibilité pour les entreprises de verser à leurs salariés une prime exceptionnelle d’un montant maximum de 1 000 euros. Celle-ci présente plusieurs avantages : exonérations des cotisations sociales, de la taxe d’apprentissage et FPC, de l’impôt sur le revenu. “Attention ! rappelle Damien Dreux, cette mesure ne s’applique que pour les primes versées aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018. Elle doit également concerner l’ensemble du personnel.” Autre condition : la rémunération perçue en 2018 doit rester inférieure à trois fois la valeur du Smic. Peu de cadres sont donc concernés. Pour être défiscalisée, cette prime doit être versée au plus tard le 31 mars prochain, suite à une décision unilatérale de l’employeur intervenue au plus tard le 31 janvier dernier. L’employeur garde aussi la main : il a la possibilité de jouer sur plusieurs critères objectifs pour déterminer le montant de la prime, par exemple le taux de présence effective dans l’entreprise ou la rémunération. “Il ne doit toutefois en aucun cas faire preuve de subjectivité”, pointe maître Jérôme Cesbron, pour la chambre des notaires de l’Isère.
Une loi de finances 2019 sans bouleversement majeur ?
Toujours très attendue par les dirigeants d’entreprises, la loi de finances apporte traditionnellement son lot de nouvelles, plus ou moins bien appréciées. La cuvée 2019, reconnaissent nombre d’experts, ne restera pas aussi riche de mesures que celle de l’an passé. “La loi de finances 2018 avait instauré la flat tax et la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière, conduisant d’ailleurs à pénaliser certaines personnes, précise Damien Dreux. Rien de tel dans la loi de finances 2019, qui contient surtout de nombreuses petites mesures touchant en majorité les grandes entreprises.” À leur égard, des innovations sont introduites pour prévenir les conflits potentiels entre droit français et droit de l’Union européenne, et remédier à certaines ambiguïtés entre les deux régimes. Notamment à propos de l’intégration fiscale, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, avec la fin du mécanisme de neutralisation, concernant les subventions et abandons de créances consentis entre sociétés d’un même groupe, également pour la quote-part de frais et charges (fixée à 12 %) sur les cessions de titres intragroupes.
Encouragement à la transformation numérique et aux déplacements propres
Beaucoup plus concret, et touchant un très large éventail d’entreprises, un dispositif de sur-amortissement est instauré pour les PME qui investissent, d’ici le 31 décembre 2020, dans la robotique et la transformation numérique. Cette déduction est portée à 40 % de la valeur d’origine du bien et s’applique sur la durée normale d’utilisation de l’équipement. Elle concerne aussi bien les équipements robotiques et cobotiques (collaboration homme-robot) que les imprimantes 3D et les logiciels de conception, fabrication et transformation. Sont également compris dans le champ d’application les machines de production à commande programmable ou numérique, les machines intégrées destinées au calcul intensif et les biens d’équipement de réfrigération ou de traitement de l’air utilisant certains types de fluides. D’autres biens sont concernés par le dispositif de sur-amortissement. “C’est le cas des entreprises qui investissent dans des poids lourds moins polluants, précise Isabelle Courbière. Ce sur-amortissement varie en fonction du type de carburant et du poids total autorisé en charge, de 20 à 60 %. Il concerne particulièrement les entreprises qui effectuent des livraisons en centre-ville.” Pour des véhicules acquis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, le sur-amortissement peut atteindre 60 % dans le cas des véhicules lourds compris entre 3,5 et 16 tonnes lorsqu’ils roulent au gaz naturel, au biométhanol, au carburant ED95, à l’électricité ou encore à l’hydrogène.
La transmission d’entreprise facilitée
Des dispositions s’intéressent aussi de près au patrimoine du dirigeant. La loi de finances 2019 contient ainsi plusieurs mesures destinées à faciliter la transmission d’une entreprise. “Pour le dirigeant, c’est une étape aussi décisive que complexe, que cette loi de finances veut enfin assouplir”, explique maître Jérôme Cesbron. À commencer par le coût de la transmission. Celui-ci peut être atténué si les titres cédés font l’objet d’un pacte Dutreil. Ce dispositif permet d’exonérer les transmissions à hauteur de 75 % de leur valeur. Condition : les titres doivent faire l’objet d’un engagement de conservation depuis au moins deux ans. Jusqu’ici, cet engagement était collectif, à savoir pris par le donateur avec un ou plusieurs autres associés. Désormais, une seule personne peut prendre l’engagement de conservation. “Autrement dit, le dirigeant peut préparer son projet de transmission sans en dévoiler la teneur à ses associés”, indique encore le notaire. Qui voit aussi dans cette mesure une extension du champ d’application du pacte Dutreil : “Cela signifie que le dispositif est étendu aux transmissions des sociétés unipersonnelles, EURL, Sasu, qui manifestaient un réel besoin.” Ce qui ne change pas en revanche, c’est l’engagement des bénéficiaires (héritiers, légataires, donataires) à conserver les titres transmis : la durée reste maintenue à quatre ans. Un allégement administratif cependant : les obligations déclaratives annuelles qui leur incombaient sont supprimées.
Souplesse à tous les étages
D’autres mesures modifient le cadre de la transmission en insufflant de la souplesse. Le dispositif du crédit-vendeur est ainsi étendu. Jusqu’ici réservé aux micro-entreprises (moins de 10 salariés, total de bilan ou chiffre d’affaires inférieur à 2 M€), il consiste à demander un étalement de l’impôt sur le revenu relatif à la plus value réalisée lors de la cession, dans le cas où le cédant accepte un règlement différé ou échelonné du prix. Pour les cessions intervenant à partir du 1er janvier 2019, l’étalement de l’imposition est élargi aux petites entreprises, sociétaires comme individuelles, employant moins de 50 salariés et présentant un bilan ou un chiffre d’affaires inférieur à 10 M€. C’est le même esprit qui préside au rachat des entreprises par leurs salariés. La loi de finances 2019 assouplit les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt pour les entreprises constituées à l’occasion de ce rachat. Il suffit que les droits sociaux soient détenus par une ou plusieurs personnes salariées, quel que soit leur nombre, tant qu’elles travaillent dans l’entreprise depuis au moins 18 mois à la date du rachat. “Cet avantage fiscal est prolongé jusqu’au 31 décembre 2022, offrant ainsi aux salariés repreneurs une meilleure visibilité de leur projet de reprise”, pointe Rodolphe Ferrier.
R. Gonzalez
A savoir
Le CICE est transformé depuis le 1er janvier 2019 en une baisse des cotisations patronales d’assurance maladie
Cette année 2019 est aussi marquée par plusieurs mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des Français
La loi de finances 2019 contient plusieurs mesures destinées à faciliter la transmission d’une entreprise
Pour des véhicules acquis entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, le sur-amortissement peut atteindre jusqu’à 60 %
D’autres mesures modifient le cadre de la transmission en apportant de la souplesse
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