Le Cours de la vie : à suivre, sans hésitation…

C’est donc la vie qui va et qui, comme le dit joliment l’enseigne du restaurant, suit son cours. Accordé à celui, vif et limpide, du Vénéon, qui se faufile entre les pierrailles tout au long de cette haute vallée qu’il a creusée, depuis La Bérarde jusqu’aux portes de Bourg-d’Oisans. Mathilde Dubay, formée en lycée hôtelier à Marseille, a eu très vite envie de prendre de l’altitude, après être passée pour parfaire son apprentissage par de belles maisons. Avec son compagnon Stephan Kupferlé, ils ont commencé par exploiter une auberge communale, à Clavans, dans le Haut-Oisans, avant de trouver – ce qui répondait à leur désir de vivre dans un vrai village plutôt qu’en station – lieu et maison à leur convenance. C’est donc à Venosc, dans une belle bâtisse en pierres datant du XVII^e siècle entièrement restaurée, qu’ils sont donc venus en 2019 ouvrir un restaurant-bistrot. Le cadre y est accueillant, avec sa grande salle voûtée et, juste au-dessus, le bar, avec son zinc et ses casiers à vins, que prolonge la terrasse, sur une petite placette pavée, où l’eau coule à la fontaine.

Une gastronomie raffinée, toute de fraîcheur et de saveur

Lui officie en salle et en cave, où il a constitué un trésor de plus d’une centaine d’appellations, regroupant nombre de petits producteurs travaillant des vins éthiques et des cépages oubliés, souvent locaux. Comme le persan, cultivé en Maurienne, ou la verdesse, dans le Grésivaudan. Elle est aux fourneaux. Son impératif à elle, c’est la fraîcheur. Celles des produits locaux, des saisons, des goûts. Elle se plaît à exalter les plats d’ici d’épices venues d’ailleurs, dans des préparations inattendues, où l’originalité va toujours de pair avec la finesse : un pluma de porc aux abricots qu’accompagne son crumble noisettes, des gambas poêlées au curry dans une émulsion coco-yuzu. On le voit bien avec le ceviche de daurade royale servi en entrée, avec sa rondelle de betterave dans une sauce fine où le citron se marie à l’ananas et se relève de persil ciselé et de pépins de grenade. Et les linguines qui suivent (faites à Bourg-d’Oisans) se parfument de petits légumes croquants, pois gourmands, pointes d’asperges, courgettes jaunes, brocolis, pignons de pin, le tout dans une émulsion odorante de parmesan et de lard colonnata. Quant au dulcey final, il offre sous sa coupole de mousse de chocolat blanc de chez Valrhona un cœur au fruit de la passion sur un praliné feuillantine qu’empanachent chantilly, framboise, abricot, groseilles. Pour rester dans la note du haut pays, le tout s’accommode on ne peut mieux avec l’amertume mousseuse d’une « Mariolle », la bière brassée juste à côté, à Saint-Christophe-en-Oisans. Et l’eau fraîche, forcément, du Vénéon. Du cours du ruisseau au Cours de la vie…

Jean Serroy

Infos clés

Lire Mathilde et Stephan : un certain art de vivre.