Comment réinventer le commerce de centre-ville ?
Un fléchissement des chiffres d’affaires, une hausse des défaillances, « dans un contexte de ralentissement de l’économie » selon l’Insee, caractérisent l’évolution du commerce de proximité au niveau national. Quelle est la situation à Grenoble ? Comment se transforme le commerce ? Quelles actions et convictions l’association LabelVille, représentant plus de 300 commerces à Grenoble, et récompensée par un trophée du commerce en janvier, porte-t-elle pour préserver l’avenir et la pérennité du secteur ? Éléments de réponse auprès d’Emmanuel Lenoir, président engagé de LabelVille.
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À quoi tient votre implication pour le commerce ?
Emmanuel Lenoir : C’est d’abord une histoire familiale. Je suis né dans une famille de commerçants, avec des parents et grands-parents boulangers, qui se sont installés au 17 rue Bayard, à Grenoble, en 1942. Une carrière dans l’automobile m’a amené pour le groupe Renault de Grenoble à Singapour. C’est ma femme qui a repris l’entreprise familiale en 2011. Notre fils a suivi, formant la quatrième génération dans la société, et je les ai rejoints en 2017. Quatre autres boulangeries ont ouvert depuis à Grenoble, dont l’une aux Halles.
Vous dirigez une vraie PME…
EL : Nos cinq magasins et les laboratoires de production occupent 40 salariés, avec des livraisons entre 4 h et 13 h pour desservir nos magasins et les clients professionnels (restaurants, collectivités, collèges, lycées…). Comme toute entreprise, nous sommes soumis à des mutations fortes : crise énergétique qui a renchéri nos factures liées à l’utilisation des fours, hausse des charges salariales, poids de la réglementation, électrification de la flotte de véhicules de livraison, achats locaux pour nos approvisionnements (farines du Trièves ou du Nord Isère, œufs de la région…). Mais tout cela a un coût. Et il n’y a pas de client pour une baguette à 2 €. La limite de l’exercice est donc l’équilibre des prix à ne pas dépasser.
Pourquoi cet engagement pour LabelVille ?
EL : J’ai commencé comme président de l’UC des Halles où je représentais une vingtaine de commerçants. Je les côtoyais tous les jours, donc j’étais proche de leurs problématiques. Et naturellement, l’association LabelVille, à laquelle notre UC adhérait depuis 15 ans, m’a intéressé. Je pense qu’il faut s’investir pour sa ville. J’ai repris la présidence de LabelVille en plein Covid, en juin 2020. Nous avons depuis changé les statuts, recruté un manager de centre-ville, un animateur et une alternante en communication. Nos actions et événements prennent de l’ampleur, comme La Belle Braderie de septembre, qui contribue à redynamiser le centre-ville et obtient un bon impact en termes de chiffre d’affaires. Sa préparation représente une somme de contraintes (autorisations, sécurité, stationnement…). Pour autant, nous souhaiterions organiser un second événement au printemps. La carte cadeau que nous proposons aux particuliers et entreprises est aussi un outil clé pour nos commerces.
Quel diagnostic dressez-vous de la situation du commerce de centre-ville ?
EL : Les six prochains mois seront très difficiles. Nous le voyons à l’association : nous avons de nouveaux adhérents, mais aussi des disparitions de commerces… Il ne faut pas se tromper dans l’analyse des difficultés. Les années 2023 et 2024 ont été mauvaises, au plan national et pour toutes les villes comparables à Grenoble. La crise de pouvoir d’achat des ménages les a conduits à opérer des arbitrages dans leurs dépenses, dont ont pâti à la fois la grande distribution, le commerce de proximité, et même le e-commerce. Mais les indicateurs de chiffre d’affaires sont dépassés. Il faudrait plutôt analyser nos marges. Celles-ci se dégradent, face aux renchérissements des coûts que j’expliquais à l’instant, et parce que l’offre commerciale est supérieure à la demande. Or le numérique ne joue pas avec des règles identiques. Un commerce physique mobilise beaucoup d’argent, et l’évolution de la taxe foncière ne nous aide pas. Pour rester attractifs, les centres-villes devraient être aussi plus propres, plus sécurisés, conviviaux et ouverts à toutes les clientèles, de 7 à 77 ans, en termes de mobilité notamment, et offrir un stationnement en partie gratuit. Ceci pour valoriser nos atouts par rapport aux grands centres commerciaux, comme Grand Place ou Neyrpic par exemple.
Quelles seraient les pistes de solutions ?
EL : D’abord, le temps institutionnel doit être plus rapide. Les commerçants devraient pouvoir réagir plus rapidement lorsque les cycles s’accélèrent. Ensuite, derrière chaque constat, il faut des prises de décision. Quel urbanisme pour un centre-ville attractif ? Quels commerces ou services en pied d’immeuble ? Quel ombrage lorsque la température dépasse 35° dans les métropoles ? Comment faciliter la mobilité pour tous, y compris les familles ou les seniors ? Comme je le dis souvent, le plus beau centre commercial est en centre-ville de Grenoble ! Mais il est essentiel, si l’on veut pérenniser le commerce en France, d’approfondir la réflexion autour de nouveaux concepts et de réinventer les centres-villes, qui doivent rester attractifs et accessibles à toutes les clientèles.
E. Ballery
Le commerce de proximité sera encore là demain. Mais il a besoin d’un environnement plus favorable.
Infos clés
Association pour la promotion et la représentation des commerces de proximité grenoblois
Nombre d’adhérents : 300 environ
Siège : CCI de Grenoble
Effectifs : Un manager de centre-ville, un animateur, une alternante en communication
Financements : adhésions, partenaires, subventions de Grenoble Alpes Métropole, Ville de Grenoble, Région.
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