Mandat de Donald Trump : une repriorisation dangereuse de l’économie et du court terme
Dans une précédente chronique publiée en mai 2020 , j’insistais sur l’importance de faire de l’économie un moyen plutôt qu’une finalité. Face aux effets de la crise sanitaire, il s’agissait alors, pour nos dirigeants politiques, d’inverser l’ordre des priorités qui prévalait depuis plusieurs décennies et de disposer l’économie au service du bien commun. Dans le même esprit, la paix économique, promue depuis plusieurs années par une Chaire Unesco développée au sein de Grenoble École de Management, repose sur le fait de resituer l’économie à sa juste place. Fidèle à ses engagements, le 47e président des États-Unis a commencé, de son côté, à remettre l’économie au rang de finalité ultime en faveur de laquelle des moyens parfois dangereux pourront être mobilisés. L’écologie, mais aussi la diplomatie, risquent d’en faire les frais.

Une priorité rendue à l’économie
La bonne santé économique du pays est un objectif essentiel pour tout dirigeant politique. Elle n’est cependant qu’un objectif parmi d’autres que l’on regroupe dans les fameuses « fonctions régaliennes de l’État » – assurer la sécurité intérieure et extérieure, définir le droit et rendre la justice, émettre de la monnaie – auxquelles s’ajoutent, même si l’État n’est pour cela pas le seul acteur, l’éducation ou la préservation de l’environnement. L’économie n’a pas toujours été considérée comme la finalité ultime. Elle a parfois été remise à sa juste place ces dernières années, notamment sur le terrain de l’écologie. De façon assumée, la nouvelle administration Trump focalise son action sur l’économie, avec une recette simple, voire simpliste : augmenter le pouvoir d’achat des ménages américains pour renforcer la croissance en baissant les impôts, ces baisses étant compensées par d’importantes hausses des droits de douane. Si la politique économique envisagée a le mérite d’être claire et lisible, des conséquences négatives majeures sont à attendre à moyen terme.
Les dangers d’une surfocalisation sur les résultats économiques à court terme
Malgré la pertinence relative des mesures envisagées, les implications visées devraient être atteintes à court terme, encourageant le maintien des mesures dans la durée, en dépit du creusement très probable des inégalités. Les ménages les plus aisés seront ainsi les premiers bénéficiaires des réductions d’impôt quand les plus modestes seront les premiers touchés par les effets inflationnistes liés à l’augmentation des taxes sur les importations.
Prêt à risquer le retour de la guerre économique, notamment avec la Chine, dont les produits importés aux États-Unis verraient les droits de douane augmenter de 60 %, Donald Trump pourrait saper le peu de coopération internationale dont nous avons cruellement besoin pour répondre aux enjeux les plus importants : construction d’une paix durable et préservation de notre environnement. En plus de passer à côté de l’essentiel, subordonner la diplomatie et l’écologie à des finalités économiques risque de plomber les résultats attendus sur le long terme. Ancien secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan nous alertait pourtant il y a plus de vingt ans déjà, en affirmant qu’œuvrer collectivement contre le changement climatique allait coûter très cher, mais que ne rien faire coûterait beaucoup plus cher.
Hugues Poissonnier
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