Continuer à penser le changement et à agir
La survie comme préoccupation
« Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » La célèbre formule de Francis Blanche peut paraître saugrenue à l’heure où nos préoccupations concernent de plus en plus la survie (et à moins de 3 000 kilomètres d’ici, la survie immédiate pour des millions d’Ukrainiens ; tout comme le dernier rapport du GIEC confirme que de plus en plus d’espèces animales et végétales survivent difficilement, quand d’autres disparaissent chaque jour). Nos entreprises, auxquelles cette chronique est dédiée ont, elles aussi, d’une crise économique à l’autre, leur propre survie pour préoccupation principale.
Penser et préparer l’avenir quand même
Comment, dans un tel contexte, marqué par une telle instabilité et une telle difficulté à prévoir, continuer à préparer l’avenir ? D’abord, et c’est évident, en n’y renonçant pas. Ensuite, et c’est essentiel, en prenant ses responsabilités. De plus en plus nombreuses sont les organisations définissant leur mission ou leur raison d’être. Ce faisant, elles s’engagent toutes à considérer la rentabilité comme un moyen au service de « quelque chose de plus grand », véritable finalité de leur action. Pour complexe que puisse être la définition de ce « quelque chose », nos préoccupations apportent peut-être un peu de clarté : œuvrer à améliorer ce qui doit l’être (la contribution au bien commun, la création ou le renforcement du lien social, la continuation de la vie), à préserver ce qui peut l’être et qui est menacé de disparition (le lien social encore, mis à mal par le travail à distance, l’ouverture aux autres, l’empathie lorsque la menace réduit le champ attentionnel…).
Ne pas renoncer à la stratégie et à la poursuite d’une vision
Considérer pleinement ces missions me semble le meilleur rempart contre les velléités, naturelles et légitimes, mais assurément mortifères, de troquer la stratégie contre la tactique, faite de court-termisme et, partant, de renoncement au long terme. À l’heure où imaginer ce que sera l’entreprise ou l’organisation dans cinq ans n’a peut-être jamais été aussi difficile, la tentation de renoncer à la stratégie et à la poursuite d’une vision doit être grande pour de nombreux dirigeants. Tant de stratégies ambitieuses et bien pensées ont en effet été rendues caduques ces dernières années au gré des perturbations économiques, politiques, géopolitiques, climatiques… avec lesquelles il s’est agi de composer. Ce sont pourtant ces visions, si on leur donne du sens, qui peuvent sauver leurs organisations. Ce sont ces visions auxquelles il importe, tout en faisant preuve d’agilité, de ne pas renoncer. L’heure est venue, au contraire, de les affiner, de les affirmer au bénéfice des organisations qui les mettent en œuvre, de leurs partenaires économiques, de l’écosystème économique dans son ensemble, de la société. Et, c’est évident, de l’environnement naturel dont tout le reste dépend. « Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action. » Le conseil d’Henri Bergson, faisant écho à la formule de Francis Blanche, n’a peut-être jamais été aussi bienvenu pour les responsables – dans tous les sens du terme – d’entreprise.
Hugues Poissonnier
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