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Tourisme — Le 8 février 2017

Montagne : la communication s’engage sur de nouvelles pistes

Dans un contexte de concurrence renforcée, les stations de montagne doivent répondre à de nouveaux enjeux de promotion. Quelle est leur stratégie ? Comment les acteurs de la communication et du numérique accompagnent-ils leurs efforts de visibilité ? Stratégies médias, outils innovants… le point sur ces actions qui vendent et confortent l’identité des territoires d’altitude.

© Fotolia

Avec plus de 350 stations de ski, la France reste une terre d’élection pour le tourisme montagnard. Selon France Montagnes, le secteur a engrangé en 2016 plus de 9 milliards de recettes toutes activités confondues (dont 1,3 Md€ pour les remontées mécaniques) et emploie jusqu’à 120 000 personnes durant l’hiver. Quand la concurrence internationale fait rage, et face aux aléas climatiques, les massifs doivent redoubler d’efforts qualitatifs. Tout en s’attachant à d’optimiser chaque année leur domaine skiable, encouragées en ce sens par la Région et le Département, les stations iséroises ont aussi entrepris de renouveler leur discours. Avec un double enjeu : “Il s’agit pour elles à la fois de renforcer leur identité et de resserrer les liens avec leurs clients”, observe Sophie Mérindol-Bonnécuelle, dirigeante fondatrice d’InfluenSo by Le Service Kom. Membre du cluster Montagne, l’agence de communication basée à Saint-Ismier accompagne de nombreuses stations alpines dans la conception et la mise en œuvre de leur stratégie. Selon elle, ces stations ont intérêt à s’engager dans la définition d’une marque qui leur soit propre. Une marque fédératrice, “construite avec l’ensemble des acteurs de leur territoire pour afficher une totale cohérence”.

Maîtriser l’expérience Web

Ces marques doivent véhiculer des valeurs communes : sport, détente, famille, bien-être, ou encore nature. Elles se bâtissent d’abord sur le Net : “85 % des séjours sont préparés sur Internet”, chiffre Olivier Boursier. Le dirigeant de l’agence d’ingénierie touristique Alp’Evasion, à Grenoble, insiste sur la nécessité d’offrir sur son site une image “rassurante et qualitative”. Il pointe les multiples critères à surveiller : un référencement pertinent, une bonne visibilité, la véracité des contenus, la touche humaine, les différentes langues… “Le client étant infidèle par nature, c’est la qualité de l’expérience numérique qui peut faire la différence”, assure-t-il. La station de Chamrousse a pris conscience du défi. Elle a investi massivement l’an passé dans un nouveau site Web, comme pour signaler un nouveau départ. L’outil a été développé par Ingénie, agence Web dédiée au tourisme, basée au Cheylas : “La majeure partie de nos investissements en communication portent sur le Web. Nous avons voulu ce site responsive, bien sûr, pour coller aux pratiques mobiles, et très complet en matière de contenus, en y associant un module de réservation et une procédure poussée de gestion de la relation client”, confirme Franck Lecoutre, directeur de l’office de tourisme de Chamrousse. Dans le Vercors, Villard-de-Lans prépare également un site entièrement renouvelé. “­­­­Nous savons qu’il nous faudra miser davantage sur le digital. Ce futur site, plus facile à consulter, plus complet aussi, se concentrera en particulier sur les activités hors ski, tout en s’appuyant sur la marque Vercors, aujourd’hui très qualitative”, dévoile Fabrice Mielzarek, nouveau directeur de l’office de tourisme de la station.

Réseaux sociaux : avec et sans modération

C’est aussi sur les réseaux sociaux que s’engagent les grandes batailles d’influence. Avec un changement majeur : “Le client s’est approprié la parole. Il devient puissant, s’exprime partout sur le web et fait ou défait la réputation”, pointe Olivier Boursier. Une analyse partagée par l’Alpe-d’Huez : “Le sens de nos messages, c’est d’abord donner envie, explique François Badjily, directeur de l’office de tourisme. On part du principe que c’est finalement la parole de nos clients qui est la plus crédible : nous leur proposons donc de s’exprimer sur leur expérience séjour, à travers les réseaux sociaux.” L’Alpe-d’Huez s’efforce de mener cette campagne toute l’année, en s’appuyant sur un vaste stock d’images, actualisées en permanence. Et en veillant à une modération assidue : “Les pages doivent être alimentées très régulièrement, avec des informations calibrées pour faire réagir. Il faut aussi être en mesure d’apporter des réponses rapides et argumentées”, souligne Patrick Dallut, fondateur de l’agence de communication Prisme à Grenoble, qui a accompagné Lans-en-Vercors et L’Alpe du Grand-Serre. Les Deux-Alpes ont également mis le paquet dans les réseaux sociaux : “Notre community manageuse répond à autant de questions que trois hôtesses d’accueil”, sourit Gilles Vanheule, le directeur de l’office de tourisme, où s’active une équipe digitale de trois personnes. La station injecte massivement images et vidéos sur Facebook et YouTube. Une récente opération avec Orange, qui a choisi les Deux-Alpes pour tourner une web série pour sa 4G, a encore accéléré le buzz. Plus que jamais, l’heure est à la viralité : “C’est la course aux “like”, aux commentaires et aux partages”, remarque Jérôme Burdet, gérant de Jour J, à Saint-Vincent-de-Mercuze. Pour promouvoir l’opération Skiez en Décalé menée par Isère Tourisme, l’agence a conçu l’an passé une série de petites vidéos humoristiques : “Un format très court, pas plus d’une trentaine de secondes en moyenne, et un acteur professionnel, pour accéder facilement à une audience massive”, résume Jérôme Burdet.

Gérer la relation client : la méthode douce

Mot d’ordre des stations : la fidélisation. Avant même la conquête : “Il est moins coûteux aujourd’hui de faire revenir un client que d’en acquérir de nouveaux”, admet Fabrice Mielzarek. D’où l’intérêt de tisser des liens durables, par la méthode douce de préférence. Dix fois par an, la station de l’Alpe-d’Huez s’adresse à ses clients par e-mail, sans forcer le trait commercial, mais de manière personnalisée. “Nos messages sont d’abord conviviaux et informatifs. Nous présentons les nouveautés de l’année, des bons plans pour optimiser leur futur séjour”, dévoile François Badjily. Le numérique permet aussi de mieux connaître les motivations et les centres d’intérêt du client. Les Deux-Alpes disposent d’un outil de gestion de la relation clients avec des données mutualisées, récupérées auprès de l’ensemble des acteurs, agences immobilières, remontées mécaniques... loueurs de matériel. “Notre base de données contient plus de 100 000 adresses qualifiées, incluant les numéros de mobile et les centres d’intérêt de chaque usager, ce qui permet de personnaliser nos messages, détaille Gilles Vanheule. Nous n’y associons pas d’offre promotionnelle. En revanche, chaque acteur mène librement sa politique commerciale à partir de ses propres données.” L’effort est payant : pour un investissement d’environ 260 k€, l’outil CRM des Deux-Alpes aurait généré la saison dernière un chiffre d’affaires de 1,5 M€ au total.

Incontournable technologie

Rentable, le numérique s’érige aussi en argument différenciant. La carte Ski Express permet aux clients réguliers de l’Alpe-d’Huez de ne payer qu’en fin de mois leurs prestations (forfaits, patinoire, salle de fitness, équipements divers) et de profiter en exclusivité d’opérations promotionnelles. Pas forcément liées au ski : “C’est aussi une carte qui incite le client à découvrir et pratiquer différentes activités, à un moment où il passe moins de temps sur les pistes”, observe François Badjily. À l’échelle du département tout entier, le lancement de la carte RFID Play Alpes permet aujourd’hui de s’abonner à 13 domaines skiables en Isère, sans passer par les caisses pour récupérer son forfait. Les bornes de paiement et le site web ont été conçus par JB Concept, spécialiste de la relation client à Grenoble, tandis que l’agence FX Com’Unik, à Eybens, a créé l’identité du produit. C’est enfin sur leur smartphone que les skieurs peuvent constater la différence, précisément avec le portail wifi captif de la station. À Grenoble, Neptune Internet Services (CA 2016 : 1,5 M€, 15 personnes) intervient auprès des stations pour les accompagner dans cette stratégie : “Elles ont compris l’intérêt d’un réseau wifi puissant pour développer une gamme de services innovants. Elles savent également que le portail captif est un outil de webmarketing : la page de connexion au wifi est soignée et propose du contenu de qualité”, précise Arturo Montes. Le président de Neptune Internet Services met aussi en garde : à l’heure de l’hyperconnexion, les stations doivent investir dans une bande passante de qualité professionnelle. “Il en va de leur image”, assure-t-il.

À chaque cible son média

Une chose est sûre : le redéploiement massif des stations à travers le numérique a entraîné une diminution de la communication print. “Il y a encore une dizaine d’années, on envoyait 90 000 brochures par la Poste. L’an passé, nous n’en avons imprimé que 30 000”, reconnaît Gilles Vanheule. Cette digitalisation a aussi modifié le public des voyages de presse :  “Nous invitons chaque année 500 journalistes du monde entier, mais pas seulement de la presse écrite. Nous accueillons de plus en plus de personnalités influentes sur Instagram et YouTube”, précise le directeur de l’OT des Deux-Alpes. Les réseaux sociaux n’ont pas enterré les autres supports. “Nous restons fidèles aux médias classiques, et notamment à la télé.” L’Alpe-d’Huez s’est récemment affichée sur Canal+ et Eurosport pour asseoir sa notoriété. Son mix media inclut aussi les radios, comme Virgin à l’échelle nationale et France Bleu Isère pour sa clientèle de proximité. “C’est aussi pour une question de souplesse, que ne permet pas l’affichage par exemple.” Les panneaux 4x3, Chamrousse ne les délaisse pas : “Nous sommes en recherche d’urbanité, et à ce titre nous devons être présents dans la ville”, confirme Franck Lecoutre. La moitié de ses clients provenant de la métropole grenobloise, la station olympique compte sur l’affichage pour s’offrir en local une visibilité récurrente.

L’affectif en première ligne

Les innovations les plus sophistiquées ne sauraient cependant se substituer au discours. “Avant de développer la technique, il faut avoir un concept de communication, et s’y tenir !”, avertit Patrick Dallut. En affichant le plaisir et le bien-être prodigués par la montagne et sa beauté. En insistant peut-être aussi sur l’affectif. À chacun sa manière pour faire grimper sa cote d’amour. Station modeste mais mythique, le col de Porte a été repris l’an passé en DSP par un entrepreneur, Didier Bic, directeur général de Kässborher France. C’est sur la plateforme de crowdfunding Ulule qu’il a choisi de financer une partie des investissements nécessaires au redéploiement du site chartrousin. “Nous avons atteint 36 000 euros pour un objectif de 30 000, ce qui a notamment permis d’installer un nouveau petit téléski et de développer le snowpark.” Au-delà de ce succès, l’opération a concentré l’attention des Grenoblois sur la revitalisation d’une station de proximité chère à leur cœur : “Combien sommes-nous à avoir appris à faire du ski au col de Porte ?”, sourit Didier Bic, qui compte aussi raconter l’histoire de la station sur un site dédié, alimenté par d’anciennes photos. “Les stations de ski doivent avant tout apprendre à fabriquer des souvenirs pour leurs clients”, confirme Olivier Boursier. L’émotionnel comme moteur d’avenir ?
R. Gonzalez

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