Nicolas Planchon, Cress AURA « Non, l’ESS ne vit pas d’aides »
Coprésident de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes aux côtés de Yannick Lucot, Nicolas Planchon estime que le secteur de l’ESS, si dynamique soit-il, peine encore à « être intégré comme une économie de droit commun ».
L’année 2024 célèbre les dix ans de la loi Hamon consacrant notamment un cadre juridique au secteur de l’économie sociale et solidaire. Qu’a-t-elle apporté plus généralement ?
Cette loi a eu trois principaux effets bénéfiques. D’abord, elle a permis d’inscrire dans le marbre une définition unique de ce qu’est l’économie sociale et solidaire. Deuxièmement, elle a délimité un cadre juridique et réglementaire. Enfin, la loi Hamon a mis la visibilité sur l’ESS et ses acteurs. En dix ans, le taux d’emplois a augmenté de 7,2 % pour atteindre à ce jour, en région Auvergne-Rhône-Alpes, 330 000 équivalents temps plein pour 28 000 établissements employeurs. Toutefois, alors que nous sommes un secteur dynamique, nous ne voulons pas être vus comme une alternative. Si depuis 2014 nous sommes en train de gagner la bataille des idées, nous estimons que l’ESS n’est pas encore intégrée comme une économie de droit commun.
C’est-à-dire ?
Certaines entreprises rencontrent plus de difficultés que celles de l’économie conventionnelle lorsqu’il s’agit de changer d’échelle, car elles sont soumises à des contraintes plus fortes à la fois pour accéder à l’investissement, mais également pour passer à la massification de leurs productions. Nous observons une frilosité des financeurs.
Quels types de structures composent l’ESS ?
À 80 %, le secteur est formé d’associations. Nous constatons une nette progression des sociétés coopératives au taux de pérennité à cinq ans de 79 %, contre 61 % pour l’ensemble des entreprises françaises, selon l’Insee. Par ailleurs, de plus en plus de sociétés commerciales obtiennent l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale. Il s’agit de PME traditionnelles s’inscrivant dans le champ des valeurs de l’ESS et dont la volonté est d’apporter du sens à leurs modèles et à leurs territoires.
Sans financements publics, le secteur serait-il fragilisé ?
Il est important de sortir des clichés. Nos entreprises sont plus pérennes dans le temps et ont une capacité de résilience bien plus forte. Concernant les associations, ce sont des entreprises dont le modèle contractuel est différent, soumises à des aléas importants lorsque les budgets publics sont en baisse. Mais je tiens à souligner qu’elles ne vivent pas d’aides. La majorité d’entre elles répondent à une commande publique avec des objectifs à tenir. La subvention représente alors le bon de commande. De plus, chaque structure, quelle qu’elle soit, a une obligation de rentabilité, mais non de lucrativité, contraire aux principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire. L’ESS n’est pas une économie du martyr.
Avez-vous constaté un engouement des travailleurs de l’économie traditionnelle pour l’ESS ?
Nous l’observons de façon très nette depuis la loi, mais surtout depuis 2020 et la crise sanitaire. Nombre de salariés, en particulier les cadres, sont en recherche de sens et engagent les démarches pour une transition professionnelle. Une partie d’entre eux portent des projets de création d’entreprise.
R. Charbonnier
Données sur l’ESS en Isère
4 000 établissements recensés (entreprises et structures)
46 000 emplois
10 %, la part des travailleurs de l’ESS dans la métropole de Grenoble
12 % des entreprises de la métropole font partie de l’ESS
Sources : Grenoble Alpes Métropole, Cress Aura
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