Saint-Antoine-l’Abbaye, la belle Ardente

Blotti entre les confins boisés du plateau de Chambaran et les premières collines de la Drôme, le pays antonin observe, par-delà les vagues de noyers, le spectacle du Vercors en cinémascope. Cette pittoresque nature semble ici toute à sa force quand soudain, au dernier virage de la D27, le village de Saint-Antoine-l’Abbaye impose sa solennité minérale. Comme veillant sur ses maisons de notables, elles-mêmes protégées par des remparts, l’église abbatiale doit sa naissance il y a près de neuf siècles à l’ordre des Antonins. Ces moines médecins se sont installés ici lorsqu’un seigneur local rapporta de Constantinople les reliques d’Antoine l’Égyptien, qui était censé guérir du mystérieux mal des ardents. Les milliers de pèlerins qui affluèrent ici chaque année de toute l’Europe à partir du Moyen-Âge sont devenus au XX^e siècle des touristes séduits par la majesté tranquille de Saint-Antoine-l’Abbaye.

Fragrances du succès

En 2022, près de 150 000 visiteurs sont venus musarder entre les pierres dorées du village. Ils sont même plus de 250 000 aux grands événements saisonniers : les foires, les festivals de musique ou de lectures, le Noël des lumières, et surtout la célèbre Médiévale, qui replonge chaque été Saint-Antoine-l’Abbaye dans les ors et les heurs de son histoire, ravivée par 200 artistes et 500 personnes en costume. Installé dans les bâtiments conventuels des XVII^e et XVIII^e siècle, le Musée départemental de Saint-Antoine ajoute aux atours touristiques du bourg. Il dévoile ses collections consacrées à l’histoire des Hospitaliers notamment. Il propose aussi, jusqu’au 10 décembre prochain, le parcours « Parfums d’histoire, du remède au bien-être », conçu et organisé par Annick Le Guérer, anthropologue spécialiste de l’odorat de renommée internationale.

Restauration de taille

Classée Monument historique dès 1840, l’abbaye est la clef de voûte (gothique) de l’attractivité antonine. Et s’inscrit aujourd’hui au cœur d’un ambitieux programme de restauration et de valorisation du patrimoine de la commune. Il y a urgence : la molasse qui compose la façade occidentale du monument a essuyé trop de bourrasques et l’érosion de ce grès calcaire efface peu à peu les trésors de son décor sculpté. Une première tranche de travaux démarrée à l’automne 2020 s’est achevée ce printemps, pour un coût de 2,6 M€ financé à 44 % par le Département et 40 % par l’État. Face à l’ampleur imprévue des outrages à réparer, une deuxième phase est programmée pour 2025. Heureux coup du sort, l’église abbatiale a été sélectionnée par la mission Stéphane Bern du Loto du patrimoine 2023, soutenue par le ministère de la Culture et FDJ, parmi 18 projets lauréats. Les fonds attribués prochainement compléteront l’aide financière du Département.

Aux petits soins

Les meilleurs tailleurs de pierre et sculpteurs ont été convoqués pour raviver les mille et un détails qui ornent la façade centrale de l’abbatiale. Leur talent n’a d’égal que celui des professionnels du tourisme, galvanisés par l’énergie du projet et son rayonnement national. Saint-Antoine-l’Abbaye compte aujourd’hui une quinzaine d’hébergeurs, en pleine campagne ou au cœur du village : chambres d’hôtes, cabanes perchées (Fontfroide), camping à la ferme, gîtes et autres lieux aux noms évocateurs (La Motte aux Bois, La Miellerie, La Grange du Haut…). Six tables honorent la gastronomie locale, inspirées des récoltes et des élevages d’ici, parfois dressées par les producteurs eux-mêmes (Le Bélier rouge). S’il guérissait hier les malades, Saint-Antoine soigne aujourd’hui les âmes en quête de beauté et d’authenticité.

R. Gonzalez

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