Maintien de la politique monétaire non conventionnelle : attention au prix à payer
La nomination récente de Christine Lagarde à la présidence de la Banque centrale européenne, pour un mandat de huit ans, intervient dans un contexte de forte division au sein du conseil des gouverneurs concernant le nouveau programme de rachat de dette sur le marché approuvé en septembre. Impulsé par son prédécesseur, Mario Draghi, le quantitative easing s’est avéré à la fois utile et efficace pour contribuer à la relance des investissements et de l’activité lorsque celle-ci souffrait d’un ralentissement inquiétant en 2011 et 2012. Les conditions ayant fortement évolué ces dernières années, il est utile de questionner le maintien de pratiques dont les effets, loin d’être neutres, pourraient s’avérer délétères à plus ou moins court terme.
Une politique monétaire non conventionnelle bienvenue au début des années 2010
Les politiques dites non conventionnelles sont déployées lorsque les instruments conventionnels à disposition des Banques centrales (taux directeurs, réserves obligatoires…) se révèlent insuffisants pour permettre à ces dernières de tenir leurs objectifs (contrôler la masse monétaire et l’expansion du crédit pour atteindre les niveaux d’inflation et d’activité économique jugés souhaitables). Leur utilisation répond donc à la volonté de retrouver un impact sur la croissance et le taux d’inflation en jouant sur la liquidité du marché. L’assouplissement quantitatif (ou quantitative easing) a ainsi consisté, pour la BCE, à acheter des titres (essentiellement des bons du Trésor) pour inonder le marché de liquidités et faire baisser les taux d’intérêt en vue de faciliter l’accès au crédit (pour les ménages comme pour les entreprises). Si ces politiques ont bien fonctionné entre 2014 et 2018, elles n’ont pas fait disparaître, et ce n’était d’ailleurs pas leur vocation, les causes structurelles de l’absence d’inflation.
Un maintien de cette politique désormais contesté
Bien que fragile, la reprise de l’activité est désormais confirmée au regard des principaux indicateurs économiques, les contestables (la croissance et tout ce qu’elle ne veut pas dire) et les moins contestables (les nombreuses créations d’emplois récentes). L’inflation, de son côté, solidement installée autour de 1 % (hors énergie) ne menace pas de s’effondrer. Dans un tel contexte, l’exploration de zones inconnues caractérisées par des taux d’intérêt négatifs peut sembler à la fois superflue et dangereuse. La seule justification possible, et sans doute réelle, de la politique monétaire (ultra)expansionniste actuelle serait de solvabiliser des États européens fortement endettés. L’ambition est louable au regard des effets potentiels d’une crise de solvabilité (accroissement non maîtrisé de la dette publique, renforcement nécessaire de la pression fiscale, ralentissement brutal de l’activité…). Les dangers associés à une telle politique ne doivent toutefois pas être négligés : dispense au final néfaste des États d’apporter les nécessaires corrections à leurs politiques budgétaires ; création d’une bulle immobilière dangereuse ; découragement de l’épargne elle aussi nécessaire au financement des investissements indispensables à réaliser, pour le climat notamment ; perte d’indépendance de fait de la BCE ; contrainte d’aller toujours plus loin pour se prémunir de dangers (qu’elle a elle-même contribué à générer…).La mise en oeuvre d’une véritable action pour le climat qui, loin des préconisations orthodoxes, figure parmi les engagements novateurs pris par Christine Lagarde, serait bienvenue. Elle requiert cependant des marges de manoeuvre dont tend à se priver elle-même la BCE en confirmant des orientations contestables. Les choix (réduits) qui s’offriront à elle en 2020 seront cruciaux, pour l’atteinte des objectifs (plus divers qu’il n’y paraît) qui sont les siens.
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