Vers un “capitalisme des parties prenantes” : les dernières nouvelles de l’Amérique
Les débats sur le rôle de l’entreprise dans la société demeurent animés, même si les tenants de la doctrine selon laquelle seule doit importer la maximisation de la valeur pour l’actionnaire sont de moins en moins nombreux et audibles. Dans ce contexte, la récente loi Pacte invite les entreprises françaises à redéfinir leur performance et les moyens engagés pour l’atteindre. À une conception étriquée de leur rôle dans la société, beaucoup d’organisations opposent désormais, en la mettant en œuvre, une vision plus globale, intégrant leurs impacts sociaux et environnementaux. Il en faudra bien plus pour corriger ce qui mérite de l’être, mais l’évolution est bienvenue. Allant dans ce sens, la récente déclaration en faveur d’un “capitalisme des parties prenantes”, signée le 19 août par 181 PDG(1) des plus grandes entreprises américaines, donne incontestablement un poids non négligeable aux évolutions en cours.
La Business Roundtable : une organisation influente
C’est en 1972 que John Harper, PDG du groupe Alcoa, et FredBorch, PDG de General Electric, créent la Business Roundtable regroupant les dirigeants des plus grandes sociétés américaines (211 membres aujourd’hui). L’objectif affiché était de faire entendre la voix de ces derniers dans le débat public au moment où l’hostilité des citoyens envers les grandes entreprises commençait à poindre et où la réglementation fédérale sur le marché du travail était perçue comme un danger. C’est cette organisation, ayant largement fait la preuve de son efficacité par le passé en infléchissant de façon sensible les décisions et politiques publiques américaines, qui a fait sensation en publiant un texte apparu particulièrement subversif de l’autre côté de l’Atlantique où la primauté des actionnaires est moins spontanément remise en cause.
Une conception de l’entreprise et de l’économie qui a fait ses preuves
Les signataires s’engagent à “fournir de la valeur à leurs clients”, à “investir dans les employés”, à “traiter équitablement et éthiquement les fournisseurs”, à “soutenir les communautés dans lesquelles ils travaillent”, à “protéger l’environnement” et à “générer de la valeur à long terme pour les actionnaires”. Rien de bien nouveau au regard de ce que préconise depuis les années 1970 la Théorie des parties prenantes. Rien de nouveau non plus au regard des pratiques des entreprises multicentenaires qui, et c’est sans doute la clé de leur pérennité, ont toujours su travailler pour l’ensemble de leurs parties prenantes, sans jamais sacrifier certaines d’entre elles. Une ambition limitée, mais nouvelle outre-Atlantique Finalement, l’ambition de la déclaration du 19 août semble limitée et peu novatrice à l’heure où le réchauffement climatique appelle sans doute des réponses d’un tout autre ordre. Les engagements pris ont toutefois le mérite de faire entrer dans une démarche nécessaire des acteurs de taille mondiale jusqu’ici peu impliqués, même si certains faisaient déjà plus que ce qu’ils promettaient. Si les actes sont au rendez-vous, le potentiel de diffusion des principes adoptés dans l’économie, auprès des PME notamment, sera, on peut l’espérer, important.
1 Parmi lesquels il est possible de citer les dirigeants d’Apple, Boeing, Johnson & Johnson, Amazon, JPMorgan Chase… Les entreprises multicentenaires ont toujours su travailler pour l’ensemble de leurs parties prenantes
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