L’économie à sa juste place
La crise économique qui trouve ses origines dans la crise sanitaire actuelle est d’ores et déjà une épreuve très difficile pour de nombreuses entreprises et de nombreuses personnes. Des entreprises disparaissent chaque jour.
Des emplois sont également supprimés. Le traitement de l’urgence sanitaire s’est imposé comme une priorité absolue dans la grande majorité des pays du Monde. L’économie n’est pas simplement mise au second plan. Elle est un moyen placé au service d’une cause qui la dépasse. C’est notamment le cas des entreprises sollicitées ou spontanément impliquées pour la fabrication de masques ou de matériel médical, dépassant leur fonction économique habituelle (citons ici l’engagement de nombreuses entreprises du secteur textile ou d’équipementiers automobile mobilisés pour réorienter leur outil de production vers les besoins médicaux). Alors qu’il semble, depuis plusieurs années, souvent si difficile de mettre l’économie au service du bien commun, celui-ci pouvant prendre la forme de la préservation du climat ou de la biodiversité (en dépit d’initiatives nombreuses mais insuffisantes), la pandémie à laquelle nous sommes confrontés aura permis de vérifier qu’il est bien possible de mettre l’économie, au moins temporairement, à sa juste place. Celle qui la rend plus grande et non secondaire. La question d’après-crise qui se pose, et je sais bien que l’urgence concerne aujourd’hui, sur le plan économique la simple survie pour beaucoup d’entreprises, est celle de la possibilité de mettre l’économie au service de la cité et de la vie, comme c’est le cas aujourd’hui.
Le possible retour rapide du « business as usual »
Le sociologue Bruno Latour l’évoquait récemment, le risque est grand de « gâcher cette crise » si nous passions à côté de l’occasion de changer ce qui mérite de l’être. Il n’hésite ainsi pas à évoquer les nécessaires « gestes barrières » à mettre en place face au retour de « la production d’avant », celle dont les effets délétères sur le climat et la vie ne font plus mystère. Ce faisant, il contribue à creuser l’écart entre ceux qui appellent de leurs vœux le retour le plus rapide possible au monde d’avant et ceux qui rêvent à un monde différent. Force est de constater, au regard de l’histoire des crises, que la tendance semble plutôt favorable aux premiers, même lorsque, comme en 2008, de nombreux acteurs s’engagent à changer leurs pratiques (court-termisme des stratégies, priorité donnée aux performances financières sur les performances « sociétales », etc…). Le caractère massif et inédit des aides déployées par les différents États, par l’Union européennes, et par toutes les organisations internationales ayant la possibilité de le faire, vise également un retour rapide « à la normale ». S’il est évidemment souhaitable pour de nombreux dirigeants luttant aujourd’hui pour la survie de leur entreprise, ce retour validerait la thèse de l’occasion manquée.
Ce que pourrait être une occasion saisie de remettre l’économie à sa juste place
Aux traitements symptomatiques (si l’on emprunte au vocable médical) qui doivent permettre de gérer l’urgence (sanitaire et économique) et qui reposent sur un soutien massif à l’activité, pourraient succéder des traitements étiologiques reposant principalement sur une conception de l’économie appréhendée comme un moyen plutôt que comme une fin. Transposée au niveau de l’entreprise, cette proposition, relevant de la paix économique, repose, comme aime le souligner mon collègue Dominique Steiler, sur le fait de considérer l’entreprise comme une organisation à finalité sociale (participer à la construction et au renforcement du lien social) et à moteur économique (la pérennité reposant sur une rentabilité minimale) plutôt que l’inverse. C’est à cette condition que les contributions ponctuelles au bien commun qu’il est possible d’observer aujourd’hui pourront s’inscrire durablement comme le fondement même des activités économiques.
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