Grégory Vanel, enseignant-chercheur en économie politique internationale
Vers une « désintégration européenne » ?
Votre analyse met l’accent sur les risques d’éclatement de l’Europe. Pour quelles raisons ?
Le changement de logiciel est brutal pour un pays comme l’Allemagne, qui a fondé son modèle de développement sur l’ouverture globale de son économie, une politique d’excédents des comptes publics et des échanges extérieurs. Or celles-ci avaient un coût : une dépendance à plus de 50 % au gaz russe, une dépendance aux débouchés commerciaux chinois et américains, et une défense assurée par l’Otan. La guerre en Ukraine signe le désaveu de ce modèle, dans des proportions que l’on ne mesure pas encore complètement. Quel sera le choix de l’Allemagne ? Renforcer la mondialisation de son économie au détriment de l’intégration européenne ? Ou au contraire, s’insérer davantage dans la sphère européenne, en se déconnectant à terme de la Russie, et en réarmant au sein de l’Europe. Mais alors, avec quel mix énergétique ? Et comment interpréter la décision de l’Allemagne d’acheter des avions F35 aux États-Unis ? Derrière ces choix stratégiques, ce sont les institutions européennes, le devenir de l’euro, la pertinence de l’Union européenne telle que nous la connaissons, qui sont en jeu. Le risque est fort, avec les déséquilibres introduits par cette guerre, de voir les mécanismes d’intégration européenne devenir des processus de désintégration.
Quelle conclusion de plus long terme en retenir ?
La construction européenne ne peut plus se fonder naïvement sur le néolibéralisme et le libre-échange ! Car cela disloque les nations européennes, augmente leur dépendance, et les pousse au mercantilisme commercial. Aucune autre grande puissance ne fait d’ailleurs cette erreur. Si l’objectif est de bâtir une indépendance, une souveraineté, en maîtrisant des chaînes de valeur stratégique, alors cela a un coût. Des questions structurelles, non résolues depuis 1989, doivent à présent être mises sur la table !
E. Ballery
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