Katsiaryna Zhuk, enseignante en géopolitique
« L’Europe se construit sur des crises »
La conflagration, au vu des questions non résolues depuis 2014, était-elle inéluctable ? Pour quelles raisons l’Europe ne l’a-t-elle pas vue venir ?
Les tensions et questions non résolues entre l’Europe et la Russie sont bien antérieures à 2014. Ce qui rend la coexistence aussi conflictuelle entre ces deux grands ensembles, ce sont 2 200 km de frontières communes non stabilisées au cours de l’histoire, et la volonté de chacun de s’étendre en influence. On peut ensuite spéculer sur le manque d’anticipation de l’Europe face aux événements du 24 février. La réalité de la menace se heurtait à une question de représentation fondamentale : l’Europe avait supprimé l’éventualité même d’une guerre conventionnelle. En ce sens, le monde ne sera plus comme avant février 2022.
Quels enseignements les entreprises peuvent-elles tirer des événements ?
Elles sont elles-mêmes des acteurs géopolitiques de premier plan, par les décisions qu’elles prennent : quitter ou non un marché, arrêter ou poursuivre leurs investissements, leurs achats, etc.
Quels revirements anticiper ? Et quels scénarios de sortie de crise envisager ?
La prise de conscience est majeure pour l’Europe, avec quatre grands thèmes à aborder de front : surmonter la dépendance stratégique en matière de défense vis-à-vis des États-Unis en mettant en place une force militaire autonome, et crédible par rapport à l’Otan ; faire face à la dépendance énergétique par une politique de diversification des États fournisseurs, regagner une autonomie en misant sur d’autres ressources que les énergies fossiles ; construire une véritable indépendance alimentaire et aux matériaux critiques. Et à plus long terme, remettre à plat l’ensemble des alliances de l’Europe, en faisant ressortir les ambiguïtés, les ressentiments qui peuvent exister, de façon beaucoup plus claire que par le passé. L’exemple de ce conflit doit être formateur.
E. Ballery
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