Gaz naturel en Europe : l’approvisionnement sera-t-il suffisant pour passer l’hiver ? À quel prix ?
La reprise économique post-Covid-19, et surtout la crise ukrainienne ont replacé le sujet de la sécurité d’approvisionnement énergétique au cœur des enjeux stratégiques de l’UE. En raison des contraintes techniques liées au transport et stockage du gaz naturel, mais également à la forte dépendance aux imports russes (40 % de la consommation de l’UE), la question d’un accès suffisant à cette énergie pour satisfaire la demande à court et moyen terme s’est posée dès le début du conflit en Ukraine.
Le gaz naturel est une énergie clé pour les pays de l’UE, puisqu’elle représente 25 % de la consommation totale d’énergie et qu’elle était considérée, juste avant le début du conflit ukrainien, comme une « énergie de transition » par la Commission européenne. La demande de gaz naturel est répartie plutôt uniformément au sein de l’UE entre la production d’électricité, l’industrie et les bâtiments (essentiellement chauffage). En France, les bâtiments représentent environ la moitié de la consommation de gaz naturel et la part allouée à la production d’électricité est davantage réduite, comparée aux autres pays de l’UE. Qu’il s’agisse d’usages industriels, de chauffage des locaux ou, indirectement, d’accès à l’électricité, les entreprises sont particulièrement exposées à une éventuelle rupture d’approvisionnement en gaz naturel.
Des volumes au rendez-vous, mais une explosion des prix
Un bon indicateur de la capacité de l’UE à satisfaire la demande est le niveau de remplissage des installations de stockage au début de l’hiver, au 1er novembre. Les capacités de stockage représentent environ un quart de la consommation annuelle de l’UE et, généralement, l’objectif de remplissage est fixé à 90 %. Un zoom sur les cinq dernières années montre que ce niveau a été approché, parfois dépassé, sauf en 2021 avec un remplissage à seulement 77 % au début de l’hiver. Ce déficit et la diminution des imports provenant de Russie pourraient empêcher le remplissage suffisant des réservoirs d’ici au 1er novembre. Au début de l’été, la Commission européenne a d’ailleurs rabaissé ses exigences à 80 % de taux de remplissage. La bonne nouvelle est que ce taux de remplissage a été atteint début septembre et un remplissage à plus de 90 % d’ici le début de l’hiver est tout à fait envisageable. Ce bon niveau de stockage a été rendu possible en grande partie grâce à la hausse significative des imports par gaz naturel liquéfié (GNL). L’accès aux cargaisons GNL a été facilité, entre autres, par le reroutage de livraisons initialement destinées à l’Asie et des prix significativement plus hauts en Europe. La mauvaise nouvelle est que l’accès au gaz naturel se fait maintenant à un prix dix fois plus élevé que celui connu jusqu’à présent et provoque en parallèle une explosion du prix de l’électricité. Les volumes de gaz naturel devraient donc être au rendez-vous pour cet hiver, mais la menace d’une rupture d’approvisionnement pour les entreprises s’est déportée vers une menace durable sur la facture énergétique. À court et moyen terme, des efforts de sobriété, d’efficacité énergétique et de diversification des approvisionnements sont nécessaires pour garantir la sécurité d’approvisionnement et maîtriser le coût du gaz naturel tout en poursuivant la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
E. Ballery
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