Sébastien Gökalp, directeur du Musée de Grenoble : l’un des musées les plus remarquables de France, le second pour l’art moderne
Arrivé à la direction du Musée de Grenoble en début d’année, Sébastien Gökalp porte un regard extérieur objectif sur la culture et son rôle pour la capitale des Alpes.
Quelle est la place du Musée de Grenoble dans le paysage culturel français ?
C’est sans aucun doute l’un des musées les plus remarquables de France. Il l’est au niveau architectural, bien sûr, qualifié de « machine à lumière » par ses concepteurs ; mais je crois que les Grenoblois n’ont pas toujours conscience des richesses qu’il recèle – je pense entre autres à Intérieur aux aubergines, incontestablement l’un des chefs-d’œuvre de Matisse. C’est d’abord un musée historique qui embrasse plusieurs siècles d’art ; mais il est également classé deuxième de France derrière le Centre Pompidou concernant l’art moderne. Il faut à ce titre citer André Farcy, son conservateur de 1919 à 1949, qui a largement contribué à l’établissement de cette collection unique, et est toujours considéré comme l’un des plus audacieux et des plus visionnaires du XXe siècle ! Le Musée de Grenoble est par ailleurs le quatrième dans le domaine de l’art égyptien et possède l’un des tout premiers fonds pour le XVIIe siècle, avec par exemple l’un des plus beaux Rubens et quatre magnifiques Zurbarán.
En quoi joue-t-il un rôle pour l’attractivité du territoire ?
D’un point de vue strictement touristique, pour l’instant, seuls les amateurs d’art se déplacent de loin, et notamment à l’occasion des expositions temporaires. Nous devons davantage nous rendre visibles pour notre collection permanente et le potentiel dont nous disposons et qu’on nous envie. Songez qu’avec un fonds de plus de 30 000 œuvres, nous sommes sollicités plus de 400 fois par an pour des prêts à des musées du monde entier ! Aller au Musée de Grenoble, c’est comparable à une visite au Louvre, mais sans faire la queue… Concernant l’attractivité dans le monde de l’entreprise, il faut savoir que pour les profils de type ingénieur, la culture est assimilée à un service : lorsqu’on déménage, on s’assure de la proximité d’une école, d’une crèche, mais aussi de l’existence d’une offre culturelle suffisante. Enfin, un musée du niveau de celui-ci peut être un atout pour la « marque Grenoble ». J’évoquerai deux exemples : le Guggenheim de Bilbao qui a offert un rayonnement international à une ville dont la population est moins importante que celle de notre métropole, ou La Piscine à Roubaix, dont la collection est bien moins prestigieuse que la nôtre.
Que représente l’exposition Miró pour le musée et le territoire ?
C’est évidemment une exposition exceptionnelle, à l’image de celles qui avaient été organisées pour Picasso, Chagall ou Kandinsky ! En partenariat justement avec le Centre Georges-Pompidou, elle regroupe 120 tableaux de ce géant du siècle dernier, parmi lesquelles les trois « Bleu » qui ont accompli un de leurs rares voyages hors de Paris et vont rester en dépôt à Grenoble. Elle met l’accent sur l’iconoclasme, l’énergie créatrice et la modernité de l’artiste en privilégiant les années 1960-1970, une période d’exil intérieur et d’expérimentation intense. Durant ces trois mois, nous attendons plus de 100 000 visiteurs, amateurs ou curieux de découvrir une œuvre au puissant pouvoir de fascination.
Philippe Napoletano
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