À ma façon : de belle manière

On est en plein centre : quartier élégant, belles boutiques, bonnes tables où se retrouver entre amis. Surtout, comme c’est le cas ici, lorsque le restaurant qui vient de changer de direction a le bon goût de maintenir la qualité de la maison qu’on appréciait, tout en y apportant une touche personnelle originale qui séduit déjà. Le cadre, qui s’est éclairci de grandes fleurs Art déco sur les murs, n’a pas changé : toujours la salle en mezzanine où l’on grimpe en arrivant, et quelques tables en bas, à portée de cuisine, ce qui permet de voir le chef à l’œuvre et la flamme jaillir quand il fait flamber son crumble à l’ananas. Au service, Yanne Boisteault a le sourire et l’efficacité qui correspondent à l’esprit de la cuisine que développe aux fourneaux son compagnon Félix De Graauw : franche, fraîche, inventive. Le couple, dont c’est le premier restaurant personnel, s’est formé auprès de belles tables lyonnaises depuis une dizaine d’années, après un BTS d’hôtellerie-restauration, pour lui, et pour elle, après son école de commerce, en allant parfaire son apprentissage dans un hôtel-restaurant au Québec. Tous deux ont la passion de la gastronomie.

Croquant, craquant…

Cela se voit aux plats qu’ils proposent à la carte, et qu’ils mettent en valeur par un dressage finement stylisé, à déguster d’abord des yeux. La poêlée d’escargots est préparée dans une émulsion mousseuse d’ail noir sur un lit de dés de carottes et de cerneaux de noix. Le magret de canard qui suit, relevé au jus de thym, s’accompagne d’une purée de maïs fumée, agrémentée de grains de maïs grillés qui craquent sous la dent et de trois carottes, rouge, blanche et noire, plantées au garde à vous, qui croquent au palais. Quant au dessert qui clôture le tout, il ne porte pas pour rien son nom de « Retour en enfance » : le Nutella y est travaillé avec du mascarpone qui lui donne un côté crémeux et, présenté en boules rafraîchies, voit son côté sucré se fondre dans l’amertume d’un cacao noir et le piquant de griottes amarena, de petits cotons de barbe à papa parachevant la régression infantile. Et un pic saint-loup bio du Plan des Pratx vient apporter la fraîcheur en bouche qui convient à l’ensemble. Le menu de midi (qui fonctionne aussi en take away) change chaque semaine, offrant toujours le choix entre deux entrées, deux plats, deux desserts. La carte du soir suit les saisons, avec, chaque fois, des variations imprévues : une raviole à l’encre de seiche sur gambas à la sauce tonka ; un filet de bœuf sauce vierge aux noix et olives avec sa polenta truffée ; et des glaces maison aux parfums inattendus, comme en entrée ce sorbet au vin blanc doux qui accompagne le foie gras ou, au dessert, cet autre sorbet basilic nageant dans sa soupe de fraises. Le tout façon… à ma façon.

Jean Serroy

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