Quatre tendances de l’immobilier d’entreprise grenoblois
Sous l’effet du renchérissement des taux d’intérêt et de la contraction des investissements, le secteur de l’immobilier d’entreprise a été confronté à un brusque retournement de marché. Bien que soumis aux mêmes tendances de fond, le marché grenoblois conserve des spécificités. Revue de tendances pour chaque segment d’activité, avec la Fnaim Entreprises de l’Isère.
1. L’immobilier de bureau : - 49 %
L’ampleur du recul de mètres carrés placés en 2023 peut légitimement inquiéter. Elle est toutefois à relativiser car l’année 2022 avait été une année record, à la fois en mètres carrés placés et en nombre de grandes transactions. Un peu plus de 49 233 m2 ont ainsi été placés en 2023, contre 97 478 m2 en 2022. Au regard de la moyenne décennale, la baisse des transactions est moindre, à –22 %. L’effet renchérissement des taux d’intérêt a incontestablement joué, la majorité des transactions s’effectuant de nouveau à la location, non à la vente. Une forme de retour à la normale par rapport au contexte exceptionnel de 2021 et 2022, cumulant taux bas, capacités d’investissement, volonté de fidéliser les salariés en proposant des bureaux attractifs en termes d’aménagement et aux dernières normes environnementales.
Un point de vigilance : le stock augmente fortement. Il s’établit à 139 800 m2, dont 22 800 m2 de programmes neufs en cours de livraison, et 56 800 m2 obsolètes. « En tenant compte des programmes en cours de construction, le stock du neuf représentera 58 921 m2, soit cinq fois la valeur de 2023 ! C’est beaucoup, et l’écoulement de l’offre prendra du temps. », souligne Hugues de Villard, président de la Fnaim Entreprises de l’Isère. Pour la première fois, le sud de l’agglomération (32 % des m2 transactés) passe devant Grenoble (30 %) et le Grésivaudan (30 %), entérinant le dynamisme des opérations à Échirolles et Saint-Martin-d’Hères, notamment. Le nord de l’agglomération représente 8 % de l’ensemble des transactions en 2023.
2. Les locaux d’activité : - 35 %
La baisse de la demande placée est réelle, passant de 158 847 m2 en 2022 à 102 577 m2 en 2023. Selon la Fnaim Entreprises, « le contexte économique et géopolitique plus défavorable en 2023 aura eu raison du cycle haussier, initié depuis 2020 ». Mais la première cause de ce recul est à rechercher ailleurs. La demande reste en effet dynamique. C’est plutôt la pénurie qui caractérise ce segment, les entreprises en recherche de nouveaux locaux ne trouvant pas d’offre disponible. L’absence de foncier et d’opérations neuves, conjuguée à un stock de locaux existant extrêmement faible, a créé une situation de tension inédite. La proposition en locaux neufs n’a jamais été aussi faible, avec seulement 908 m2 disponibles. Et aucune opération ne sera livrée sur le premier semestre 2024. Le stock de locaux existant représente à peine quatre mois d’activité, et ne correspond pas toujours à la demande. Or, les attentes des industriels, des start-up du territoire ou d’acteurs désireux de s’implanter, sont toujours extrêmement dynamiques. Ce sont ainsi beaucoup de projets d’extension, de développement, d’investissements industriels qui peinent à se concrétiser. Au regard de la surabondance de l’immobilier de bureau, cette pénurie de locaux d’activités, selon la Fnaim Entreprises, « doit nous interroger, et mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne immobilière pour un rééquilibrage nécessaire ».
3. Les commerces : - 40 %
Avec 240 m2 de surface moyenne, et seulement 37 transactions réalisées en 2023 (hors centres commerciaux), ce segment accuse le coup. La demande qualifiée, émanant tant des porteurs de projet que des enseignes nationales, est en chute libre, du fait de modèles économiques plus difficiles à trouver (inflation, recul de la consommation, refus de prêt, difficultés des grandes enseignes…). Le contexte d’émeutes urbaines en juin 2023 a aussi renforcé le climat d’incertitude. Les emplacements numéro un, situés sur les grandes artères commerçantes, tirent leur épingle du jeu, mais la vacance commerciale augmente. La demande reste dynamique à Saint-Égrève et Saint-Martin-d’Hères, empêchée toutefois par les contraintes réglementaires (PLUI, PPRI). Les difficultés annoncées de certaines enseignes en 2024 devraient encore contribuer à élever le taux de vacance. L’ouverture de Neyrpic, s’accompagnant de 50 000 m2 de surfaces commerciales supplémentaires, ne restera pas sans effet sur les flux de consommation.
4. L’investissement : - 21 %
Dans l’environnement national, l’attractivité relative du marché grenoblois pour les investisseurs détonne. En France, les transactions en investissement sont en effet passées de 29 Md€ à 14 Md€ en 2023, soit une chute de 52 %. Grenoble subit un recul bien moindre, à –21 % (120 M€ contre 150 M€ en 2022). Mais surtout, dans une conjoncture financière délicate (hausse des taux d’emprunt s’accompagnant d’une baisse de rendement des opérations), le marché reste supérieur à la moyenne décennale (104 M€). Dans ce contexte, les critères de sélection des investisseurs se durcissent : emplacement, haute performance énergétique, qualité du locataire, etc. Des opérations qualitatives entrant dans ces exigences ont permis de limiter la chute en 2023. Toutefois, peu de bâtiments sont encore à vendre en 2024. L’hypothèse d’un maintien de taux d’emprunt élevé contraindra les acteurs au report de leurs arbitrages, dans l’attente d’une inversion de tendances. Le 1er semestre devrait donc rester attentiste.
E. Ballery
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