Nous observons un renchérissement de l’acte de construire lié aux contraintes réglementaires
Comment la baisse d’activité de l’immobilier d’entreprise en 2023 rejaillit-elle sur la filière du bâtiment et des travaux publics ? Bertrand Converso, président de la FBTP de l’Isère, apporte son témoignage.
Quelles sont les spécificités du marché de l’immobilier d’entreprise perçues par les entreprises du bâtiment et de travaux publics ?
Depuis 2023, nous faisons face au renchérissement de l’acte de construire, liés à la mise en application des nouvelles normes et des règlements - RE 2220, zéro artificialisation nette, PPRT, PPRI, décret tertiaire. En post-covid, la filière du BTP avait déjà été confrontée à la rupture de ses chaînes d’approvisionnement. Dès 2022, la forte inflation des coûts de matériaux, liés à la hausse des prix de l’énergie, ont généré de nouvelles tensions : tout ce que nous avons dû acheter a pris au moins 15% d’augmentation. Nos entreprises ont dû aussi absorber la revalorisation des salaires. À présent, s’ajoute le coût de l’inflation réglementaire. Du fait de la pénurie de foncier, la tendance est à « reconstruire la ville sur la ville ». Mais cela prend plus de temps en études et revient plus cher, parce qu’il faut démolir, dépolluer en amont, et reconstruire dans des conditions souvent très contraintes, là où s’applique une multitude de textes (loi sur l’eau, loi Climat et Résilience…).
Quel est l’impact sur vos activités ?
Habituellement, les crises du BTP se ressentaient avec un effet retard en Isère par rapport au niveau national. Cette fois il n’en est rien. L’impact des nouvelles normes sur les coûts de sortie des opérations, ajouté à la pénurie de foncier, ont très tôt ralenti la construction. À telle enseigne que, en dehors des activités de la rénovation énergétique encore en pleine expansion, le nombre de défaillances dans le BTP en Isère est en hausse significative. Depuis six mois, les entreprises de gros œuvre n’ont pas renouvelé leurs carnets de commandes et libèrent de la main d’œuvre intérim, de grandes entreprises envoient également leur personnel sur d’autres chantiers en région, là où l’activité se maintient. Au niveau national, la fédération a pu mesurer que la crise de la construction affectant tous les segments – logement, immobilier d’entreprise, investissement… - susciterait la perte de 150 000 emplois en 2024…
La rareté du foncier se ressent aussi pour vos entreprises…
Nous connaissons une double contrainte : peu de zones d’activités acceptent des entreprises du BTP. Il faut reconnaître que pour des élus, nos activités ne sont pas aussi attractives que des bureaux tertiaires ou du coworking. Mais nous contribuons pleinement à la transition énergétique des bâtiments. Et plus nous sommes situés loin des chantiers des centres urbains, moins l’empreinte carbone du BTP se réduit ! La sécurisation des équipements devient aussi un point clé. L’une de nos entreprises s’est vu interdire de clôturer son terrain pour laisser passer la faune, ce qui est incompatible avec la sécurisation de nos parcs de matériel. Au-delà de contraintes légitimes et bien comprises, nous ressentons que des prétextes sont souvent opposés pour ne pas accueillir nos activités. Les surcoûts induits se payent sur toute la chaîne, à commencer par celle du logement, en crise, et qui souffre d’un manque d’offre par rapport à la demande.
E. Ballery
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