Le partage, nouvelle valeur cardinale au bureau
Albane Grandazzi, professeure assistante à Grenoble École de Management en théorie des organisations et membre de la chaire Territoires en transition, étudie notamment les usages hybrides et alternatifs de l’immobilier de bureau.
Quelles sont les initiatives qui vous ont marquée dans l’évolution des espaces de travail ?
Le partage des usages de l’immobilier de bureau participe à des enjeux plus globaux que le seul partage des infrastructures. Par exemple, l’ouverture en 2021 de l’antenne grenobloise de l’association nationale des Bureaux du Cœur participe à faire de l’entreprise un lieu de solidarité pour les personnes en difficulté. L’objectif est de valoriser l’usage d’une partie de leurs locaux lorsqu’ils sont inoccupés (le soir après 18 heures ou le week-end), mais aussi d’offrir à ces personnes, déjà sur le chemin de l’insertion, un cadre social et de la disponibilité, pour une durée de trois à six mois. Il y a au sein des entreprises des volontés individuelles de se rendre utiles, des personnes qui souhaitent donner du sens à leur activité ou qui connaissent déjà la problématique de par leur engagement privé. Près de 300 personnes ont pu bénéficier du dispositif, grâce à l’engagement de plus de 150 entreprises en France.
Le partage des usages dans l’entreprise revêt-il d’autres aspects ?
Nous avons étudié le cas de Michelin, particulièrement investie dans ce domaine. Il y a au sein du groupe un enjeu très fort de marque employeur. À l’occasion de la refonte du siège à Clermont-Ferrand, l’entreprise a souhaité s’ouvrir davantage sur la ville. Elle a ainsi imaginé des espaces en rez-de-chaussée ouverts au grand public, tels qu’une brasserie, un lieu d’exposition temporaire, une serre ouverte à la visite présentant les plantes qui donnent le caoutchouc pour les pneus de Michelin… Il y a également un espace d’accueil des enfants des salariés hors du temps scolaire, animé par des personnes dédiées. Le comité social et économique Michelin en est l’acteur clé.
Comment se traduit le multi-usages dans la conception future des espaces de travail ?
La salle de réunion qui s’équipe d’une cuisine illustre cette évolution. Les espaces collaboratifs se multiplient aussi, aux dépens des bureaux individuels, grâce aux mètres carrés récupérés avec le flex office. Michelin a compris que pour doper son attractivité, il lui fallait encourager les initiatives sociales et sociétales en interne, notamment à travers le développement des espaces collaboratifs. Les salariés le ressentent comme un avantage. Si le multi-usages soulève de nouvelles questions, elles sont surtout d’ordre pratique : quelle gouvernance pour ces initiatives ? Quel accompagnement et quelle offre assurantielle pour l’entreprise qui accueille par exemple un sans-abri ?
R. Gonzalez
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