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Services — Le 6 février 2024

Guy Jullien, vice-président au développement économique de Grenoble Alpes Métropole : "Trouver les moyens de mettre en adéquation économie et écologie"

Pourvue de 166 parcs d’activité et zones économiques sur son territoire, Grenoble Alpes Métropole investira 57 M€ d’ici 2030 dans l’immobilier d’entreprise. Mais pour tenir compte d’un dynamisme toujours plus fort de l’industrie par rapport aux autres aires métropolitaines françaises, la collectivité doit encore renforcer les surfaces disponibles. Comment? Éléments de réponse avec Guy Jullien, vice-président au développement économique de Grenoble Alpes Métropole.

© Grenoble-Alpes-Métropole

Quel constat des forces et faiblesses du territoire dressez-vous, en matière d’immobilier d’entreprise ?

Guy Jullien : C’est un bilan contrasté. D’un côté, l’agglomération bénéficie d’un marché d’immobilier tertiaire très dynamique. Grâce au volume des opérations actées ou en cours de réalisation, nous avons le potentiel de répondre à la demande pour les cinq ans à venir. Le ralentissement relatif observé en 2023 est plutôt lié aux approches plus restrictives sur le plan financier : les projets dont les travaux ne sont pas encore lancés ont du mal à sortir de terre, car les banques conditionnent le financement des opérations à un taux de commercialisation d’au moins 50 %. Elles peinent donc à se concrétiser, y compris sur des zones très attractives comme la Presqu'Île, Inovallée, ou Grand’Alpe. Du côté des bâtiments tertiaires, la difficulté porte davantage sur le stock de bureaux obsolètes. Il faudra imaginer de nouvelles solutions pour faire évoluer ce parc.

Quelles pourraient être ces solutions ? Démolir pour reconstruire aux nouvelles normes ?

Ce sont des décisions à adopter au cas par cas. Il convient d’abord de lancer des études pour recenser l’état du vieillissement du parc, et à partir de l’existant, étudier les meilleures solutions à mettre en œuvre : requalification quand c’est possible, ou démolition/reconstruction soit en gardant la vocation économique, soit en imaginant des opérations mixtes (logement et activité). Mais notre principal souci, c’est bien le déficit de foncier productif… C’est pourtant une préoccupation sur laquelle l’agglomération travaille et investit. Mais les besoins des industriels, liés à la configuration du tissu économique local, sont énormes. Nos services sont sollicités toutes les semaines par des industriels en recherche de terrain ou de locaux…

Que met en place Grenoble Alpes Métropole pour répondre à ces besoins ?

La requalification des friches est notre priorité. À Champagnier, sur l’ancien site chimique Polimeri, nous avons aménagé la zone d’activités du Saut-du-Moine. Elle devait libérer 20 ha à partir de 2019, mais elle est déjà entièrement commercialisée, avec l’installation des sociétés SDCEM, Aledia, HRS, SteelHy… Actuellement, à Saint-Martin-le-Vinoux, il resterait peut-être 2 ha dans la zone industrielle. D’ici 2027, ce sont 7,5 ha qui seront créés sur l’ancienne friche Allibert pour des projets de production liés à la transition énergétique. Nous travaillons encore sur d’autres friches : Syntertech (10 ha à Veurey-Voroize), site repris par 6e Sens Immobilier, Houilles Blanches (5 ha au Pont-de-Claix), une zone que nous aménageons et dont la commercialisation démarrerait en 2026. Il reste aussi de tout petits lots sur le site des anciennes papeteries du Pont-de-Claix (8,2 ha aménagés). Enfin, 10 ha nouveaux pourraient être prochainement libérés à Domène, mais il s’agit là d’une création, et nous en sommes au stade des études. Dans ce domaine comme dans l’immobilier de bureaux obsolètes, il faut à présent apporter des réponses innovantes, tenant compte de la rareté du foncier disponible.

Quelles formes pourraient-elles prendre ? 

Nous n’échapperons pas à la thématique de la densification des parcelles et d’une production organisée en étages. Certes, elle s’effectue à des coûts supérieurs, mais nous avons une bonne compréhension sur le sujet des porteurs de projet. Grenoble Alpes Métropole a déjà adapté le PLUI, autorisant les bâtiments à monter jusqu’à 20 m en hauteur. Moins de parking, plus de hauteur permettront des gains d’emprise au sol.

Ensuite, il faudra examiner les mutations d’activités. En parcourant les sorties d’agglo, on ne peut qu’être frappé par les superficies occupées par les grandes zones commerciales. Il y aura ici des opportunités pour faire des acquisitions, en organisant, là où ce sera possible, une mutation en locaux pour l’industrie. Vers Alpexpo, nous réalisons une acquisition par préemption d’une dizaine d’hectares qui donnera lieu à une opération d’aménagement. D’autres tendances sont aussi à l’œuvre, à l’exemple de Becton Dickinson, qui a dissocié ses fonctions administratives situées en cœur d’agglomération, des fonctions productives qui récupèrent du coup la superficie libérée, ou peuvent s’éloigner encore de la ville.

À cet égard, Grenoble Alpes Métropole pourrait adopter des moyens financiers pour travailler en collaboration avec le Voironnais, le Grésivaudan, la Bièvre, dans le cas où une entreprise industrielle de l’agglomération ne trouverait pas de solution chez nous.

Comment percevez-vous les défis restant à accomplir ?

Nous vivons très clairement une transition d’une portée extraordinaire. La rareté de l’offre est l’occasion de mettre en adéquation écologie et économie, et les porteurs de projet commencent à bien entendre nos contraintes. Ils recrutent de plus en plus de jeunes talents qui mettent en avant ces valeurs de la RSE.

Je relève que 80 entreprises du territoire alpin se sont investies en 2023 dans la première édition de la Convention des entreprises pour le climat, et qu’une seconde édition, tout aussi fournie, démarre en 2024. La vision des acteurs économiques change. Ils comprennent l’obligation de réfléchir et réaliser différemment leurs projets d’immobilier d’entreprise. L’horizon de neutralité carbone s’applique à tous. Les entreprises s’y engagent, avec de vraies prises de conscience sur la sobriété énergétique, l’économie circulaire. C’est aussi au cœur de la réflexion de start-up, comme MagREEsource, Tolv ou Rosi Solar, ou des activités du BTP qui s’investissent dans le réemploi des matériaux. Une entreprise qui ne s’engage pas sur ces sujets n’a plus beaucoup d’avenir.

Pour autant, la rareté du foncier montre qu’il ne serait plus possible d’accueillir en région grenobloise des implantations comme STMicroelectronics ou Soitec en leur temps, ou même demain un projet de giga-factory…Est-ce souhaitable ?

L’un des paramètres qui doit nous guider est le nombre d’emplois créés par m2. À la lumière de ce critère, nous sommes heureux d’accueillir le centre de R&D et la ligne pilote de Verkor, mais certainement pas la giga-factory de Dunkerque. Quant à renforcer significativement le secteur de la micro-électronique, il se heurte à présent au souci de la ressource en eau. Nous sommes certes heureux de la présence des entreprises déjà installées en région grenobloise. Mais il convient de rester pragmatiques, et attentifs à tout autre projet d’envergure.

E. Ballery

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