Avec Végétal, Chartreuse Diffusion distille sa diversification
Plus de quatre cents ans après sa création, l’illustre liqueur opère un virage stratégique majeur en choisissant de consacrer une part croissante de son activité à l’herboristerie et aux cosmétiques.
Le projet s’appelle Végétal. Il sera niché dans les 75 % restants du site historique de Chartreuse Diffusion à Voiron, quelque 12 000 m2 inoccupés depuis le déménagement de la production de liqueurs à Entre-deux-Guiers en 2019. L’entreprise patrimoniale va produire ici des infusions et de la gemmothérapie, toujours à partir des plantes cueillies par les moines de l’Ordre des Chartreux. « Cet espace ne sera donc pas une deuxième cave. Cette décision relève d’abord d’un choix monastique. Seuls trois Chartreux sont habilités à concevoir la liqueur et ne peuvent plus suivre la demande, en croissance permanente », éclaire Emmanuel Delafon. Le PDG de Chartreuse Diffusion (CA 2024 : 32 M€, 100 personnes) et le prieur de la Grande-Chartreuse estiment que le breuvage vert ou jaune doit rester monastique et qu’à ce stade de développement, il était nécessaire de « faire émerger autre chose », selon le même processus extractif. Quand bien même les ventes de bouteilles ont poursuivi leur envolée l’an passé (79 000 passages en caisse à la seule boutique de Voiron, soit 10 000 de plus qu’en 2023), les contraintes règlementaires et sanitaires pesant sur la consommation d’alcool et de sucre dans le monde somment Chartreuse Diffusion de diversifier ses risques. « D’autant qu’avec le réchauffement climatique, certaines plantes deviennent plus difficiles à trouver », pointe Emmanuel Delafon.
50-50 avec les liqueurs
D’autres communautés de Chartreux ailleurs dans le monde (quelque 500 moines de 22 monastères) pourront s’impliquer dans le projet Végétal. La production de tisanes et de macérats de bourgeons a d’ailleurs démarré. Une dizaine de références de tisanes et sept autres en gemmothérapie sont distribuées dans les pharmacies, les rayons parapharmacies et les boutiques. Chartreuse Diffusion a créé une société agricole pour cultiver en bio ses plantes aromatiques locales sur plus d’une trentaine d’hectares dès 2030, contre deux aujourd’hui. D’ici un an, Chartreuse Diffusion sera en capacité de produire des cosmétiques à base d’élixir. L’investissement global pour le projet Végétal (rénovation du bâti, installation des nouvelles lignes de production) s’élève à « plusieurs dizaines de millions d’euros » sur une dizaine d’années. Près de 5 M€ sont d’ores et déjà provisionnés pour l’exercice qui démarre. Tout est mis en œuvre pour qu’en 2040, « les ventes de produits bien-être et santé fassent faire jeu égal avec les liqueurs », vise le PDG.
R. Gonzalez
Commentaires
Ajouter un commentaire