Résilience coopérative : les enseignements de l’industrie textile
Beaucoup a été dit et écrit sur la résilience et les supposées recettes miracles qui la sous-tendraient. Pas assez sur le rôle clé de la coopération entre entreprises. Ce dernier est particulièrement intéressant à observer dans l’industrie textile.
Une industrie aux pratiques inspirantes
L’industrie textile-habillement-distribution, (comment oublier, en effet, les distributeurs au rôle si structurant pour l’ensemble de la filière ?) est décidément une industrie de pointe. Ce n’est, certes, pas complètement le cas des produits (même si des textiles dits « intelligents » intègrent de plus en plus de composants issus des nanotechnologies). C’est indéniablement le cas, en revanche, des pratiques managériales. De par son caractère internationalisé – elle est l’une des industries qui l’ont été le plus tôt dans l’histoire – et impactant sur le plan social (industrie de main-d’œuvre, elle est devenue l’une des plus mécanisées) et au niveau environnemental (polluante et consommatrice d’eau, elle met entre les mains des consommateurs des produits ayant traversé des mers et des océans), l’industrie THD est en avance de phase par rapport aux autres industries. Elle fait face à des problématiques de sécurisation des approvisionnements et de robustesse des supply chains qui l’a placée aux avant-postes. Les réponses apportées au fil du temps, bien que propres aux enjeux de cette industrie, ont toujours inspiré les autres (y compris l’automobile ou l’aéronautique) lorsqu’elles se trouvaient confrontées à des défis similaires. Quelle industrie n’est désormais, confrontée à des problématiques d’approvisionnement et de responsabilité sociétale ? Aussi est-il intéressant d’observer comment les PME du textile ont su surmonter la crise économique. Toutes les autres peuvent y trouver des sources d’inspiration bienvenues.
La coopération, principal moteur de la résilience
Comme souvent dans ces colonnes, c’est la coopération entre entreprises (entre clients et fournisseurs, mais aussi concurrents) qui mérite d’être mise en lumière. Si la coopération, comme la compétition et son arsenal de pratiques plus ou moins licites, fait toujours partie des habitudes qui caractérisent cette industrie, la crise semble avoir eu, notamment chez les fabricants, un effet de catalyseur des démarches de rapprochement et de soutien mutuel. Née durant la crise, l’association Façon de Faire s’est donné pour objectif de « dynamiser le made in France dans l’industrie du textile, de la mode et de l’habillement ». Trouvant ses origines dans la volonté de répondre, en coopérant, à la pénurie de masques, elle contribue à renforcer les relations coopératives nées pour l’occasion et dépasse désormais largement cette dernière.
Qu’en retenir ? Entre autres, le fait qu’en matière de résilience, comme en matière d’innovation, le succès repose sur la coopération entre entreprises et organisations. C’est clairement la leçon offerte par une industrie qui, confrontée à une réduction constante depuis plus de dix ans de son chiffre d’affaires annuel, n’a pas attendu la pandémie pour penser la mise en œuvre de solutions. Après des années de concurrence exacerbée, ces dernières se rapprochent de pratiques qui, il y a longtemps déjà, avaient contribué à l’émergence et la puissance de la filière.
Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble École de Management et directeur de l’Irima
Commentaires
Ajouter un commentaire