Matières premières : une pénurie plaidant pour la stratégie des trois R
C’est l’une des conséquences les plus fortes et durables de la crise sanitaire et économique. La pénurie de matières premières, qui concerne tant le bois que les métaux, le plastique, le verre ou les semi-conducteurs, affecte de nombreuses filières industrielles. Automobile, agroalimentaire, bâtiment, électronique, métallurgie et chimie apparaissent comme les plus directement touchées.
Les entreprises y font face à des délais de livraison croissants et à une flambée des prix rarement connue sur autant de matières et composants en même temps. Avec, par exemple, des hausses comprises entre 50 et 80 % pour les principaux métaux comme l’aluminium ou l’acier. Et ce qui n’arrange rien à l’affaire : les coûts de transport ont également été multipliés par six ces derniers mois. Au-delà de l’érosion des marges qui menace directement les entreprises les plus fragiles, le phénomène ravive les tensions historiques entre clients et fournisseurs et ranime les vieux réflexes fondés sur une vision concurrentielle et conflictuelle des relations entre entreprises. Le retour des stratégies basées sur le pouvoir et la dépendance, alors que de réels progrès relationnels avaient été accomplis, sera sans doute l’effet le plus délétère à long terme, quand les solutions ne peuvent être que collaboratives. À une autre échelle, c’est la transition énergétique qui risque d’être freinée par la pénurie de métaux critiques comme le nickel ou le lithium, sur lesquels de nombreuses solutions techniques sont fondées.
Distinguer les multiples origines du phénomène
Imaginer et mettre en oeuvre les meilleures solutions, au niveau micro des entreprises comme au niveau macro des États, nécessite de poser un diagnostic précis sur les origines des pénuries. Les origines liées à la crise sanitaire et économique (réduction des échanges commerciaux, hausse rapide de la demande chinoise, en plein redémarrage, mise à l’arrêt de certaines productions…) ne doivent pas faire oublier les causes de plus long terme, liées notamment à la raréfaction de certaines ressources et au tarissement des réserves, voire à leur répartition très inégale dans le monde. La prise en compte de ce dernier point permet de porter un regard lucide sur la pertinence des solutions envisagées par les acteurs économiques.
Des solutions à la pertinence relative
Si, pour certaines industries, une partie de la solution peut résider dans l’utilisation de matériaux de substitution comme les produits biosourcés issus de matières premières végétales (huiles, amidon, algues…), cette partie ne saurait être suffisante. Elle apparaît même clairement marginale au regard des besoins et enjeux. Comme toute forme de soutien, et ils sont bienvenus, en provenance des pouvoirs publics, la chimie du végétal, pour porteuse d’espoirs qu’elle puisse être, ne contribuera que modestement à la solution sur le long terme. La réduction des consommations, dont des potentiels importants demeurent sous-mobilisés, et une meilleure efficacité des matériaux utilisés, doivent permettre de répondre au mieux aux défis posés. La sobriété et les fameux « trois R » (Réduire, Réemployer, Recycler) seront forcément au cœur des solutions. Par leurs divers leviers, y compris celui de l’engagement sur le long terme et de la visibilité donnée aux industriels, les pouvoirs publics se doivent de les promouvoir. Et par des stratégies collaboratives plus que conflictuelles, les entreprises se doivent de les mettre en œuvre.
Commentaires
Ajouter un commentaire