Le Chalet, vert et salvateur
Entre Vercors et Trièves, une cuisine de plein air et de pleine nature.
C’est rond, comme un gros flan ventru, d’un vert tendre juste ourlé d’une traînée brune de poudre de chocolat. Et à peine y a-t-on mis les lèvres qu’on ressent une fraîcheur à la fois crémeuse et légère, avec ce goût vif de la chartreuse qui vous emplit le palais et qui reste longtemps en bouche, et peut-être même en mémoire, comme une vraie madeleine proustienne. En tout cas, pas besoin d’aller chercher ailleurs le vert que met aujourd’hui en avant la mode bio. Il est là tout entier, dans ce soufflé glacé à la chartreuse que Christophe Prayer propose dans ce qui est une des tables de pleine nature, bien connue des familiers du Vercors et du Trièves. Elle se situe au cœur de l’un des plus beaux décors qui soient : ce petit hameau de Gresse-en-Vercors, juste sous les hautes falaises du massif, où l’on respire à plein, à 50 minutes de Grenoble, l’air pur de la montagne.
La route qui y monte, depuis Monestier-de-Clermont, serpente au milieu des sapins. Lorsqu’on débouche au sortir de la petite vallée de la Gresse, le calme du village est rythmé par le clocher de l’église, avec ses clochetons d’angle. Sous le coq qui prend le vent sur sa pointe, ses quatre horloges égrènent lentement les heures. Le Chalet est là, tranquille, à l’entrée du bourg.
Une cuisine de pleine nature, traditionnelle et épurée
Christophe et Cécile Prayer s’y sont installés il y a tout juste 30 ans. Ils s’étaient connus tous deux au lycée hôtelier, à Lesdiguières. Après avoir complété leur formation auprès de plusieurs tables de prestige, ils ont repris l’établissement qu’avait créé, en 1946, Henri Prayer, le grand-père, lequel l’avait lui-même transmis à son fils Paul, avant que Christophe, 3e génération, ne vienne donc prendre la suite.
D’emblée, tout en conservant le fond de cuisine traditionnelle de la maison, le chef a choisi d’en proposer une version épurée, en s’appuyant largement sur les produits locaux. Les poissons de la Truite d’Archiane, l’agneau du Trièves, les fromages de la Ferme du grand Veymont, les champignons des forêts voisines, les légumes et les herbes du potager maison, tout ça donne à la carte une allure familière. La rouge cœur de bœuf au fromage blanc de chèvre, le filet de cristivomer sur sa duxelles de pleurotes, la souris d’agneau à l’abricot confit, le tournedos de bœuf aux morilles : pas de doute, la nature est là, par le circuit le plus court qui soit, dans l’assiette. On le sent bien en choisissant un châtillon-en-diois rouge de la cave de Jaillance, frais mélange de gamay et de pinot noir, pour accompagner un pâté de canard en croûte finement pistaché, puis une cuisse de lapin fourrée aux herbes fraîches sur ses blondes crêpes parmentier. Avant de finir, donc, par le fameux soufflé glacé à la chartreuse.
Jean Serroy
Cécile et Christophe Prayer : la douceur du Chalet…
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