Au roman du Vercors, une cuisine inspirée

C’est un lieu qui, à coup sûr, a beaucoup à raconter. En y transférant, en août 2021 l’établissement qu’ils tenaient, tout proche, à Saint-Romans, Isabelle et Hervé Duquesne ont eu toute raison d’en conserver l’enseigne : « Au roman du Vercors ». Non seulement parce que l’histoire y résonne encore du passé résistant du massif, mais plus encore, parce que l’implantation du restaurant sur le site patrimonial du Couvent des Carmes, dans l’enceinte même du château médiéval de Beauvoir-en-Royans, lui apporte une touche particulière qui s’accorde idéalement à l’esprit du lieu. Comme s’y accordent les parterres de simples qui vous y accueillent, vrai jardin de moine où le baguenaudier voisine avec la renouée bistorte. Le restaurant est installé dans une ferme qui jouxtait les bâtiments monastiques. La restauration du bâtiment en a conservé le caractère ancien : cour, murs de pierre, grand séchoir qui abrite ce qui est devenu une vaste terrasse. L’aménagement intérieur offre en contraste un décor aux lignes épurées, alliant bois clair, pierre blanchie et béton ciré : un design sobre, net, élégant, qui a quelque chose de scandinave. Allusion discrète de l’architecte au passé culinaire du chef, qui a officié longtemps au Danemark, avant de rejoindre plusieurs tables étoilées jusqu’à celle de l’Élysée.

Une cuisine raffinée, toute de goût et de saveurs

En venant s’installer ainsi au piémont du massif, le couple, elle en salle, efficace, attentive, lui aux fourneaux, passionné, inventif, a eu la bonne idée d’éviter la table rustique reconstituée et de concevoir une halte différente, élégante, à la hauteur du site. Pour y travailler une cuisine raffinée, gastronomique, toute de goût et de saveurs, à la recherche constante d’alliances ingénieuses et de propositions surprenantes. Qui s’attendrait, ainsi, à commencer par un duo de saint-jacques grillées et d’asperges prises dans une émulsion mousseuse au cresson, accompagné d’un étonnant sorbet au chèvre frais parfumé d’ail des ours ? Et qui aurait pensé suivre avec un quasi de veau juste rosé dans son jus crémé, avec dés de ris parsemés sur un lit d’épeautre au bouillon de truffe relevé à l’estragon ? Et qui, plus encore, imaginerait pour finir de marier un chocolat Ilanka de chez Valhrona avec des betteraves cuites en croûte de sucre, agrémentées d’un sorbet également betterave, garni de cacahuètes cristallisées et relevé au poivre sauvage ? Les jours d’été qui viennent réserveront, dans une carte qui change tous les deux mois, pareilles créations inattendues aux asperges, à la rhubarbe, à l’agneau, au saint-pierre, dont le chef mijote déjà dans sa tête les préparations. Pour poursuivre d’étonnante façon un récit culinaire dont on ne peut que savourer le refrain gourmand : c’est un beau roman, c’est une belle histoire…

Jean Serroy

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