Le numérique, levier de compétitivité
L’expression “transformation digitale” continue parfois de rebuter certaines entreprises traditionnelles. “Il faudrait plutôt parler d’enrichissement digital, au sens où elles adopteraient une culture enrichissante, à la fois pour les consommateurs et pour elles-mêmes”, nuance Denis Pommeray, dirigeant-fondateur d’E-Malaya, à Grenoble. Mener à bien cette évolution implique en effet pour les entreprises de s’entourer de professionnels qui vont les accompagner dans les différentes étapes de la digitalisation. En procédant avec méthode : “L’entreprise doit d’abord être capable d’expliquer sa vision et savoir exactement où elle veut aller, avant toute volonté de mutation”, prévient Philippe Dujardin, dirigeant de Covateam, à Grenoble (CA 2016 : 200 k€, 3 collaborateurs et réseaux d’experts). Cette jeune agence pilotée par des professionnels aide les PME à aligner leurs besoins sur les enjeux du numérique, depuis la définition de leur stratégie jusqu’à la gestion du changement, en passant par la mise en place d’indicateurs de mesure. “Nous nous appuyons d’abord sur un outil interne de diagnostic pour établir une cartographie numérique de l’entreprise. Nous aidons ainsi le client à mieux cerner son besoin.”
Le cabinet Mutae, à Grenoble, propose des programmes pour accélérer la prise en compte de sujets numériques par les dirigeants, en recourant à des ateliers notamment. “Les structures doivent s’efforcer d’adopter une démarche cohérente et globale, en évitant d’y aller par petits bouts, résume Isabel-Fanny Meyer, fondatrice de Mutae. C’est bien de penser outils et solutions, mais le numérique impose avant tout des changements d’ordre organisationnel et de veiller à ce que chaque individu s’intègre dans la nouvelle vision.” Partenaire de Grenoble École de Management, Mutae participe à la chaire de recherche “Talents de la transformation numérique”. Celle-ci s’attache notamment à identifier les nouveaux profils de l’économie digitale et à leur bonne intégration dans l’entreprise.
Des process en cours de digitalisation
La recherche d’un partage et d’un traitement optimisés de l’information représente souvent la première pierre de l’édifice numérique. On parle de solutions collaboratives, un créneau qu’occupe la Scop Alma : gestion électronique des documents (GED), dématérialisation des processus ou encore extranet clients à travers des applications en environnement Web. “L’une des principales problématiques rencontrées par les entreprises est d’être en mesure de faire travailler ensemble ses collaborateurs sur les bons documents dans leur bonne version, accessibles à tout moment”, observe Sylvain Cathébras, directeur commercial d’Alma. Pour le fournisseur de renforts textiles Chomarat, Alma a récemment travaillé sur trois axes : l’optimisation du travail sur des sites géographiques distants, la gestion numérisée des factures des fournisseurs (avec la mise en place d’un système d’alerte) et l’automatisation des processus itératifs dans le domaine des achats. Avec à la clé, des gains de productivité mesurables rapidement.
Si ces missions visent surtout des PME, même les entreprises de moins grande taille commencent à être concernées : “De plus en plus de TPE décident de digitaliser une part de leurs process, avec des besoins qui vont augmenter au fur et à mesure de leur croissance”, explique Sylvain Cathébras.
Une présence en ligne optimisée
Un autre volet essentiel de la transformation numérique concerne le renforcement de la présence en ligne dans l’objectif d’accroître la notoriété et de faire du business. “Les possibilités de développer et pérenniser son business grâce au digital n’ont jamais été aussi nombreuses. Et les méthodes pour y parvenir sont plus simples qu’avant” souligne Philippe Dujardin, de Covateam. Les réseaux sociaux, bien sûr, occupent une place de choix dans la stratégie d’influence des entreprises. Gagner en visibilité sur le Net, oui, à condition de tenir compte d’un certain nombre de paramètres. Denis Pommeray, d’E-Malaya, insiste sur la nécessité d’adapter les contenus de son site à l’identité de l’entreprise et à ses objectifs. Cet ancien d’Amazon et de Publicis observe encore de nombreuses lacunes sur les sites d'e-commerce : “Les contenus, d’une manière générale, restent très hétérogènes. Il y a tout un travail d’analyse sémantique à opérer, notamment pour créer une vraie valeur ajoutée aux pages et améliorer le référencement”, explique-t-il. C’est aussi un véritable plan marketing digital qu’il faut construire selon lui, à enrichir au fil du temps. “Ce plan doit intégrer chacune des étapes du parcours d’achat du client, avec un objectif impérieux : le rassurer au fil des pages”, détaille Denis Pommeray. E-Malaya, créée à Paris, s’est implantée à Digital Grenoble il y a deux ans. Elle intervient notamment pour enrichir le prochain site e-commerce de Caréo, filiale du groupe Samse spécialisée dans les carrelages, et auprès de la jeune entreprise Philémon 1889, qui propose la vente en ligne de produits cosmétiques masculins made in France.
Proposer de nouveaux services
Les outils Web (sites e-commerce, intranet, extranet) participent aussi à la créativité des entreprises qui souhaitent se rapprocher de leur clientèle dans le but de les fidéliser. Pour une PMI, Eolas a récemment mis en place un outil extranet qui permet aux clients de commander directement leurs produits habituels (correspondant à 80 % des ventes). Sans passer par la case “vendeur”, les clients ont apprécié des délais de traitement de commandes réduits. Mieux encore, une interface incite ces clients à donner leur avis et à interagir à tout moment. Résultat : l’entreprise a récupéré de précieuses données et dégagé d’importantes marges de manœuvre commerciales. “Une grande partie de la force de vente a été réorientée de la prise de commandes à la prospection de nouveaux clients, d’où une progression du chiffre d’affaires”, résume Frédéric Dulac.
En générant de nouveaux services, le Web encourage lui-même la transformation numérique des utilisateurs. Positionnée sur l’accompagnement des PME, start-up et grands groupes dans leur croissance, Team Co (CA 2016 : 250 k€, 5 collaborateurs + réseau d’affiliés, Montbonnot) a pris de l’avance en concevant une plateforme online de ressources managériales, TeamcoNet. Facilement accessible, celle-ci contient notamment des baromètres exclusifs pour suivre l’évolution d’un certain nombre d’indicateurs : performance commerciale, bien-être des collaborateurs, alignement stratégique, etc. Autant d’outils favorisant l’agilité, et que les clients apprennent à construire et manier eux-mêmes. “Nous avons réalisé notre road map technologique dès 2012, tout en préservant notre culture terrain, témoigne Jean-Pierre Rénier, président fondateur de Team Co. Cette digitalisation de notre offre accompagne nos clients dans leur propre mutation numérique. Nous sommes heureux de constater que toute une génération de managers y adhère fortement.”
Plein soleil pour le cloud
Signe de confiance accrue dans la dématérialisation des données, le cloud est un marché en plein essor. Cette solution offre un accès économique et sécurisé à des services disponibles sur des serveurs distants. On peut y placer d’abord une application de gestion de notes de frais, puis une messagerie instantanée ou un réseau social d’entreprise. Et c’est finalement tout l’ERP, soit le système de gestion de l’ensemble de l’information et des services opérationnels, que la PME installe dans le cloud. “Il y a encore trois ans, 30 % des nouveaux clients investissaient dans des systèmes cloud, constate Sylvain Cathébras, chez Alma. Les comportements ont basculé en 2015, avec 70 % de nos nouveaux clients conquis par le cloud. Ils sont à présent près de 100 %.”
Pour les entreprises, le pas est parfois difficile à franchir : “Des systèmes informatiques complexes au sein de certaines PME ne permettent pas d’y aller complètement. Une partie des données doit parfois aussi rester en interne. On parle alors de cloud hybride, qui combine un prestataire de cloud public pour les données les moins sensibles, et un serveur privé”, résume Philippe Dujardin, de Covateam. “Un service collaboratif sur la durée avec le prestataire informatique est la clé pour avancer sereinement dans le cloud, précise Nathalie Navarro, cogérante d’Axone Group, à Saint-Martin-d’Hères. En veillant surtout à ne pas se créer de “dette technologique” : les PME doivent évoluer dans le numérique au fur et à mesure de leurs besoins, plutôt que de rattraper leur retard à un moment critique.”
Changements humains en vue
Signe d’accélération de cette mutation, les professionnels observent des changements de comportements majeurs à la tête des entreprises. “Elles investissent de plus en plus dans le numérique sur les aspects BtoB, afin de gagner en agilité et de pratiquer la co-création, souligne Frédéric Dulac. Les ETI en particulier se développent massivement sur ces sujets-là. Depuis deux ou trois ans, ces entreprises nomment aussi des comités de direction de la transformation digitale.” Avec un changement de prisme à la clé : “Ce sont désormais les directions marketing, commerciales et des ressources humaines qui prennent les commandes de l’entreprise, aux dépens des techniciens”, résume le directeur d’Eolas. Les RH veilleront notamment à aligner les différents niveaux hiérarchiques de l’entreprise sur les mêmes connaissances digitales.
Cette mise à niveau sur les grands enjeux du numérique n’est pas sans mobiliser d’importants moyens, car elle replace la dimension humaine au cœur de l’entreprise. La création du Campus numérique In The Alps se veut une réponse à ces besoins, comme aux nouvelles compétences requises par un secteur en pleine croissance. Le projet a été porté par Digital Grenoble et le Cnam, en association étroite avec la CCI de Grenoble, Pôle Emploi et l’Afpa. Labellisé Grande École du Numérique, le campus propose au titulaire du Bac une formation pour développeurs numériques en dix-huit mois, dont douze en alternance. Depuis février 2017, le campus s’adresse aussi aux non-titulaires du Bac en proposant le Passe numérique, un parcours de six mois en amont de la formation. “Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le digital exige d’investir dans l’humain. Des métiers vont peut-être disparaître, mais de nouveaux se créent en permanence”, conclut Isabel-Fanny Meyer.
R. Gonzalez
Journée Ecobiz “Relation client : ce que le digital va changer”
Le 14 avril, de 9 h à 14 h, à la CCI de Grenoble.
• Comment accélérer sa transformation digitale pour augmenter son business ?
• Savoir se démarquer en adoptant de nouveaux outils et de meilleures pratiques.
• Unifier sa relation client en abolissant les frontières online et offline.
Pour toutes les entreprises BtoB et BtoC.
Une offre d'accompagnement à la carte
La Région Auvergne-Rhône-Alpes a lancé le dispositif Numérique PME, dans le but d’accélérer les pratiques du numérique dans les TPE et PME du territoire. Ce programme d’accompagnement comporte du conseil individuel et des formations collectives, assurées par des experts. Financé à hauteur de 65 % du coût global, il se décline en plusieurs offres selon l’envergure du projet de l’entreprise et sa maîtrise du numérique. Qu’il s’agisse par exemple d’optimiser sa relation clients, de gagner en productivité ou de sécuriser son système d’information, Numérique PME s’adresse prioritai-rement aux entreprises du secteur industriel et du service à l’industrie. Plus de 1 000 d’entre elles en ont déjà bénéficié.
Contact : 04 76 28 25 03 - fabrice.vial@grenoble.cci.fr
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