Laurent Reynaud, délégué général Domaines skiables de France : « Certaines stations finiront la saison dans le rouge »
L’envolée des prix de l’électricité en fin d’été avait fait craindre le pire pour les stations de ski. En définitive, toutes ouvriront en Isère*. Mais certaines pourraient subir de fortes pertes, selon les aides de l’État et l’augmentation du prix des forfaits. Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France, fait le point.
Les tarifs de l’électricité se sont envolés début septembre jusqu’à 1000 euros le MWh. Les stations qui renégociaient leur contrat ont-elles obtenu de meilleures conditions ?
Laurent Reynaud : oui, heureusement. Les prix sont redescendus entre 400 et 450 euros le MWh, ce qui est déjà plus raisonnable. Mais il faut rappeler que les contrats antérieurs avaient été établis entre 50 et 80 euros le MWh : la hausse est colossale. En intégrant les dépenses fixes des abonnements, on arrive grosso modo à un budget énergie quatre fois plus élevé pour les stations qui ont renouvelé leur contrat en 2022.
Or, l’électricité pesait jusqu’ici entre 3 à 5% du chiffre d’affaires des exploitants. On passe à une fourchette de 12 à 20%, ce qui est bien supérieur aux marges de la profession. Ce qui conduira à beaucoup d’exercices 2022 – 2023 déficitaires.
Toutes les stations iséroises sont-elles impactées ?
LR : Non, car les contrats de fourniture d’électricité sont pluriannuels. La renégociation concernait un peu moins de la moitié des stations iséroises, les autres s’en sortent sans dommage pour cette année.
En revanche, la renégociation fera mal dans les petites stations : souvent déjà déficitaires, elles verront leurs pertes se creuser, ce qui devrait les fragiliser davantage.
Peut-on espérer des aides de l’État pour ces stations en difficulté ?
LR : Les aides aux électro-intensifs existent, mais couvrent au mieux 15% de l’écart entre ancien et nouveau tarif. Nous nous battons pour qu’aucun type d’exploitant n’en soit exclu, mais on est loin du compte. L’autre levier, c’est la hausse du prix des forfaits. Elle est de 5% en moyenne, ce qui ne compense même pas l’inflation, et les augmentations les plus fortes atteignent 9%. Là encore, c’est très insuffisant pour faire face aux dépenses d’électricité.
Quelles sont les mesures possibles en termes de sobriété ?
LR : La profession a signé avec l’État une charte dans laquelle elle s’engage à réduire la consommation électrique de 10% en deux ans. Tout l’incite de toute façon à le faire. Les exploitants peuvent par exemple ralentir la vitesse des remontées ; ou si deux appareils desservent une même piste, en mettre un à l’arrêt. C’est presque transparent pour les skieurs et il est possible de revenir à plein débit en période de forte fréquentation.
Autre action : produire la neige de culture de manière plus ciblée, en équipant les dameuses de GPS qui évaluent l’épaisseur du manteau existant au centimètre près. L’économie potentielle est considérable : pour obtenir la neige de culture, on emploie de puissants compresseurs qui représentent 25% de la consommation électrique des domaines skiables.
Avez-vous d’autres marges de manœuvre, quitte à impacter davantage les skieurs ?
LR : En cas d’alerte Écowatt rouge, nous prendrons en effet des mesures plus visibles. Par exemple, retarder l’ouverture des pistes ou arrêter la production de neige de culture pendant les heures les plus tendues.
Les exploitants ont compris que nous changions d’époque. Certains se battront cette saison pour limiter leurs pertes, d’autres pour s’habituer à consommer moins, sans attendre leur renégociation de contrat. Tous commencent à prendre des décisions fortes ; par exemple, il ne devrait plus y avoir cet hiver de ski nocturne, entre 17h et 20h, dans les stations iséroises.
* à l’exception de Saint-Hilaire du Touvet, dont la fermeture cet hiver n’est pas liée aux prix de l’électricité
Propos recueillis par Benoit Playoust
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