Création d’entreprise : pourquoi pas vous ?
Nouvelle tendance de fond, ou simple épiphénomène ? La création d’entreprise a connu en 2016 une vraie embellie en France. L’Hexagone a en effet enregistré la plus forte hausse depuis six ans, avec une croissance de 6 % des immatriculations. Qu’en est-il en région grenobloise ? Comment les acteurs du territoire participent-ils, chacun dans leur partie, à la réussite des projets ? Regard sur un écosystème, là encore, gagnant !
En 2016, plus de 550 000 entreprises ont démarré leur activité en France. Et avec déjà 345 000 créations recensées au premier semestre 2017, la courbe des créations d’entreprises se maintient à haut niveau… De fait, ces chiffres situent l’Hexagone quasiment au niveau des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), les cinq pays reconnus comme les plus dynamiques de la planète (leur PIB cumulé en 2014 équivaut à celui des 28 pays de l’Union européenne).
L’entrepreneuriat, un ressort de l’économie
La vitalité de l’entrepreneuriat, mesurée notamment au nombre des créations et reprises d’entreprises, s’affirme comme l’une des manifestations de la bonne santé d’une économie. Elle conditionne aussi directement le nombre d’emplois proposés à moyen et long termes, ainsi que la compétitivité future d’un pays. Dans les territoires, un niveau élevé de créations constitue un facteur clé de renouvellement du tissu économique : il favorise l’émergence de nouvelles activités directement reliées aux attentes de la société, aux marchés à conquérir, ou aux ruptures technologiques en cours. La région grenobloise, à ce titre, foisonne d’exemples de créations de start-up opérant dans les domaines du numérique, du logiciel, de l’industrie du futur, des objets connectés, de la santé connectée ou robotisée, des smartgrids… Mais aussi de sociétés actives sur de nouveaux concepts de transport, de services à la personne, de restauration (food-truck, produits issus des circuits courts…). Une dynamique qui se traduit directement dans les statistiques régionales : en 2016, les entreprises créées en Isère ont représenté 16 % du nombre total de sociétés immatriculées en Auvergne-Rhône-Alpes…
Le nouveau visage de l’entrepreneuriat
Mais un autre phénomène marquant ressort des chiffres 2016 de la création. Les statistiques de l’Insee relèvent que, pour la première fois, les sociétés par actions simplifiées (SAS-SASU) deviennent majoritaires parmi les différentes catégories juridiques proposées (SARL, SAS, EURL, micro-entreprise…). Cette forme juridique ne cesse de croître (56 % en 2016, contre 48 % en 2015, 39 % en 2014, 30 % en 2013), au détriment des SARL, mais aussi et surtout, des microentreprises. Alors que les créations sous forme de sociétés augmentent de 10 %, les immatriculations de microentrepreneurs connaissent un recul de -0,3 % en France. Comment expliquer cette tendance ? “J’ai ouvert en janvier 2017 un cabinet B to B de conseil en propriété industrielle. J’ai préféré l’EURL à la micro-entreprise, parce que je voulais créer une “vraie” société. J’ai choisi cette forme juridique pour sa simplicité de gestion”, confie ainsi Christophe Pinot, dirigeant du cabinet Pinot Conseil à Grenoble. À l’inverse, la micro-entreprise peut être privilégiée lorsqu’un créateur souhaite encore confirmer la validité de son projet. “J’ai d’abord opté pour ce statut pendant trois ans avant de créer ma SARL en 2016. Me lancer comme charpentier à 40 ans était une totale reconversion. Travailler le bois était un rêve d’enfant et je voyais dans l’entrepreneuriat la possibilité d’être totalement autonome dans mon travail. Je voulais être certain que ce choix était viable”, confirme Armand Petit, dirigeant de la société Au Bois d’Armand à Grenoble. Plus de confiance en l’avenir, plus forte solidité des projets semblent caractériser ce nouvel élan de la création. La forme juridique de l’entreprise est par ailleurs souvent corrélée au profil des créateurs. L’entrepreneuriat reste très majoritairement l’apanage des hommes, à l’origine de 82 % des créations (hors micro-entreprises). La part des femmes est la plus élevée dans les sociétés individuelles (31 %), pour les secteurs du commerce de détail et des services aux particuliers, notamment. La micro-entreprise, en revanche, attire davantage les jeunes : son dirigeant a en moyenne 36,5 ans, alors que l’âge moyen des créateurs s’élève à près de 42 ans.
Réduire les risques de la création
Entreprendre et créer une société, c’est prendre des risques. D’après l’Insee, seule la moitié des entreprises est encore en activité cinq ans après une création, et un quart ne dépasse pas les deux premières années d’activité. Le long process de création, de l’idée jusqu’au lancement de l’activité, revêt donc toute son importance. Recourir en amont aux services proposés par les chambres consulaires s’avère ainsi indispensable. Elles proposent à la fois des ateliers dédiés, des formations, en groupe ou individualisées, mettent à disposition des outils pour la réalisation des documents financiers, ainsi que des interlocuteurs experts sur des démarches plus poussées (international, innovation, etc.). “La CCI de Grenoble est le lieu de l’entrepreneuriat et le fil conducteur de l’accompagnement en création. Elle est résolument et depuis toujours aux côtés des entrepreneurs. L’Espace Entreprendre, le service dédié à la création/transmission/reprise d’entreprises, accompagne les porteurs de projet dans toutes les étapes, de façon individuelle et professionnelle. Et la CCI est courroie de transmission vers les autres acteurs de l’écosystème grenoblois dédiés à la création : financeurs, hébergeurs, coachs…”, atteste Jean Vaylet, président de la CCI. Cet écosystème complet permet de préparer au mieux le futur dirigeant au lancement de son entreprise et de son activité, et de limiter les risques d’échec. “Avant la création de la société, j’étais infirmière, et les quatre autres associés étaient ingénieurs en informatique. Nous étions tous âgés de moins de 25 ans, et aucun d’entre nous n’avait les compétences de base nécessaires à l’aventure entrepreneuriale. Il y avait un vivier d’idées, certes, mais cette jeune équipe n’avait pas les outils pour se lancer dans de bonnes conditions. Nous avons donc opté pour des formations et un accompagnement individuel spécifiques à la création proposés par la CCI. Cela a permis de structurer le projet, de mettre en évidence ses points forts et ses points faibles, d’élaborer le plan de financement… Nous avons pu aussi rencontrer des professionnels par thématique et commencer à mettre en place notre réseau”, confirme Lise Richard, dirigeante du Fil du dédale, un espace d’Escape game ouvert à Grenoble en juin dernier.
Au cœur du projet, les prévisionnels financiers
Pendant la phase de développement du projet, l’élaboration des comptes prévisionnels, du business model et du business plan représente une étape cruciale. Elle est déterminante pour la viabilité future de l’entreprise et incontournable pour l’élaboration du dossier de demandes de prêts auprès des organismes de financement. Les simulations se doivent d’être les plus réalistes possible, mais s’avèrent cependant largement surestimées : plus de 80 % des bilans prévisionnels seraient en effet trop optimistes. Pour éviter cet écueil, les chambres consulaires, les cabinets d’experts-comptables, de conseil, d’études de marché proposent des solutions facilitant la réalisation de ces documents. La CCI de Grenoble met par ailleurs à disposition des créateurs un outil numérique, le CCI Business Builder, accessible en ligne (https://business-builder.cci.fr). Il permet, en complément d’un accompagnement individuel sur mesure, d’élaborer les simulations financières en ligne d’un projet.
Le financement, pierre angulaire de la création
Surévaluer ou sous-évaluer ses besoins en financement peut rapidement avoir des répercussions financières négatives pour le devenir de l’entreprise. Un accompagnement à cette phase apparaît donc d’autant plus nécessaire. Le secteur bancaire en a bien pris conscience. “Nous assistons à une réelle dynamique dans la création et reprise d’entreprises sur le territoire. Il est vrai que ces dernières années, les banques, tout en encourageant la création d’entreprises, ont de plus en plus un rôle de conseil, d’alerte, de préparation des dossiers, et de suivi global des futurs chefs d’entreprises. Nous avons pour mission de leur fournir tout l’éventail des outils financiers afin de maximiser les chances de réussite et de survie de l’entreprise en création. Environ la moitié des entreprises qui démarrent font appel à nos services, en général sur des montants assez faibles”, analyse Rodolphe Ferrier, président du Comité local des banques. Les besoins de financement restent effectivement limités dans les premiers mois de la création. L’enquête de l’Agence pour la création d’entreprise, réalisée en 2013, relève que la moitié des entrepreneurs ont eu besoin de moins de 16 k€ pour lancer leur activité, un tiers ont engagé entre 16 et 80 k€, et seuls 7 % ont investi au moins 160 k€.
Financements à la carte
Les sources de financement sont aujourd’hui diversifiées, adaptées en fonction du projet et du profil des créateurs. Dans une forte majorité des cas (86 %), selon l’enquête de l’Agence France Entrepreneur, le financement de base est constitué par l’apport personnel et la “love money” (l’argent des proches). La nature de l’apport est en outre étroitement liée au statut du créateur. Parce qu’une entreprise sur deux est créée par un demandeur d’emploi, Pôle Emploi s’implique via l’Arce, l’Aide à la reprise et à la création d’entreprise. Les demandeurs d’emploi handicapés de l’Agefiph peuvent obtenir une subvention en s’adressant à la CCI de Grenoble ou à la CMA Isère. La subvention d’investissement du programme Cap’Jeunes de France Active est, elle, destinée aux jeunes de moins de 26 ans demandeurs d’emploi. Les salariés peuvent accéder pour leur apport de base aux plans d’épargne salariale et/ou collective (PEE, PERCO, PEI). Depuis quelques années, les plateformes de crowdfunding (financement participatif) sont apparues comme une source d’apport complémentaire aux ressources traditionnelles. D’après le baromètre du crowdfunding en France, il en existe plus de 80 aujourd’hui, et les fonds collectés sont passés de 167 M€ en 2015 à près de 234 M€ en 2016.
Le prêt bancaire, un grand classique
Mais le financement par les institutions bancaires se révèle nécessaire dans plus de la moitié des cas de création d’entreprise. “La plupart des structures en création que nous finançons le sont dans le cadre d’une reprise sous LBO, des montages financiers qui permettent le rachat d’une entreprise existante par le biais d’une société holding. Les banques suivent facilement ces demandes de financement, car il existe une antériorité de l’entreprise. À l’inverse, les créateurs d’entreprises ex nihilo commencent par créer une petite structure avec peu de frais, avant de faire appel à un prêt à une étape ultérieure de développement. Pour ces porteurs de projet, nous sommes en revanche très présents dans la mise en place des outils financiers”, précise Rodolphe Ferrier. En général, une banque accorde un prêt s’il est assorti d’un apport en fonds propres de 30 % et accompagné d’un dispositif de garantie Bpifrance. Cette décision est également suspendue à la crédibilité des éléments présentés dans le business plan. Des structures dédiées proposent en outre d’autres formes de financement. Les réseaux France Initiative ou Entreprendre octroient ainsi des prêts d’honneur sans intérêt et sans garanties. L’obtention d’un prêt d’honneur, comme la constitution d’un pool bancaire, représentent de bons leviers pour l’obtention d’un prêt bancaire. Le microcrédit ou crédit solidaire est accessible aux personnes n’ayant pas accès au prêt bancaire. Il est régi par la NEF Finance Éthique (réservé aux entrepreneurs sociaux), ou par l’Adie, l’Association pour le droit à l’initiative économique, ou encore les caisses solidaires.
Les effets de levier du financement
Afin de faciliter la prise de risque inhérente à la création, la France a mis en place des outils de garantie via Bpifrance (anciennement Oseo). La Banque publique d’investissement a trois missions de base : le financement et le cofinancement, la garantie bancaire, l’aide à l’innovation. “Notre outil le plus utilisé et le plus adapté, c’est la garantie bancaire. Nous sommes là pour minorer les risques pris par les banques. Nous pouvons nous porter caution jusqu’à 60 % du montant du prêt. C’est un effet de levier garanti”, précise Sébastien Chenal, délégué Isère à la direction régionale de Grenoble. Les antennes locales du réseau France Initiative sont elles aussi devenues un acteur majeur de financement : prêts à taux 0 % sans garantie pour la création et la reprise, garanties bancaires, octroi de prêts complémentaires pour les projets innovants (Inovizi)… Depuis 12 ans, l’association des Grenoble Angels fait le choix de l’investissement de capitaux privés dans la création d’entreprise. Près de 150 membres – un réseau de 350 personnes – qui sont ou ont eux-mêmes été dirigeants financent les projets jugés prometteurs. “Chaque année, nous recevons entre 250 et 280 dossiers de candidature d’entreprises en phase d’amorçage, et nous soutenons au final entre 12 et 15 futurs chefs d’entreprises. Chaque projet est financé par une dizaine d’entre nous. En 2016, les Grenoble Angels ont investi 1,1 million d’euros dans 13 projets. Cela a permis de d’obtenir 6,5 millions d’euros en cofinancements. L’effet de levier est bien réel pour le financement des entreprises en création”, précise Jean-Louis Brunet, président des Grenoble Angels. Si le risque zéro n’existe évidemment pas en matière de création d’entreprises, les futurs dirigeants du territoire grenoblois ont ainsi à leur disposition tous les moyens pour concrétiser leur projet et des garde-fous pour minimiser les risques. Le territoire organise aussi des événements d’ampleur consacrés à la création (cf. encadré). Ils sont l’occasion de confronter le projet de chacun à la réalité des nombreux spécialistes présents.
B. Merle et E. Ballery
Un guide pratique au service des porteurs projet
- Un guide de la création d’entreprise réalisé par la CCI, en partenariat avec la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, vient de paraître. Il recense les étapes importantes de la création et les acteurs du territoire dédiés à l’accompagnement des futurs chefs d’entreprises. Il constitue un outil indispensable pour guider la réflexion des porteurs de projet, tout au long de leurs démarches :
• accompagner l’idée ;
• se former ;
• se financer ;
• définir les aspects juridiques ;
• trouver son hébergement ;
• s’immatriculer ;
• bien choisir son équipe ;
• se faire connaître ;
• s’internationaliser d’emblée.
Plus d’infos sur www.grenoble.cci.fr
A savoir
- Les créations sous forme de sociétés augmentent de 10 % en 2016, quand les micro-entreprises baissent de 0,3 %, en France
- Le financement par les institutions bancaires se révèle nécessaire dans plus de la moitié des cas de création d’entreprise
La création en région grenobloise
En janvier 2017, la région grenobloise compte 31 700 établissements inscrits au RCS (registre du commerce et des sociétés), employant plus de 174 000 salariés. • 42 % de ces établissements ont moins de cinq ans. • 3 019 entreprises ont été créées en 2016, soit 10 % du tissu économique local. • 870 sociétés créées, soit 29 %, disposent du double statut de commerçant et d’artisan (double immatriculation). • Les secteurs les plus plébiscités : le commerce de détail hors réparation automobile, les activités spécialisées / scientifiques / techniques et la construction. Le secteur des servicesaux entreprises concentre à lui seul 40 % des créations. |
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