2017 : et si la bonne surprise venait de la “vieille économie” ?
Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble école de Management et directeur de la recherche de l’Irima.
Les prospectivistes l’avaient annoncé. La transformation est désormais bien réelle : digitalisation et numérisation viennent prendre le relais de la robotisation déjà à l’œuvre depuis quelques années, ce qui n’empêche pas le phénomène de se renforcer, notamment dans le domaine de la robotique anthropomorphe ou de l’intelligence artificielle. Souvent présentée comme moribonde, comme peut l’être en particulier l’industrie, la “vieille économie”, celle, traditionnelle, que nous connaissons depuis longtemps, demeure bien plus résiliente qu’il n’y paraît.
La “nouvelle économie” : une réalité de plus en plus présente
Au-delà de la diffusion des outils et nouvelles pratiques, un indicateur est particulièrement illustratif du changement en cours : 40 % des entreprises du CAC 40 ont désormais un “chief digital officer” siégeant au comex. Il est vrai que les évolutions en cours devraient, toujours selon la majorité des prospectivistes, renforcer considérablement la rentabilité des organisations, tout en reposant sur des changements importants et nécessitant des adaptations difficiles, surtout pour les plus grandes entreprises. Ces dernières ne sont d’ailleurs que dans une position de suiveuses en matière de numérisation, loin derrière nos nombreuses start-up, encore largement représentées le mois dernier au CES de Las Vegas, et dont on attend tellement (sans doute un peu trop) pour relancer l’économie française.
La belle résilience de la “vieille économie”
Trois secteurs de la “vieille économie” ont connu en 2016 une croissance surprise qui devrait se poursuivre, voire s’accélérer en 2017. L’automobile, qui a subi tant de déboires ces dernières années, a vécu une année faste en France où plus de 2,4 millions d’immatriculations ont été enregistrées, meilleur total depuis 2011, année caractérisée par les effets de la prime à la casse. Ces chiffres se traduisent, notamment, par une hausse des ventes de 8 % pour Renault et une augmentation de 4 % de la production de véhicules en France. Le BTP a également connu une croissance très importante, largement dynamisée par les marchés publics et la construction de logements. Enfin, le commerce en dur ne semble pas souffrir de l’e-commerce au regard d’une croissance qui n’était clairement pas attendue à ce niveau.
Vers une hybridation créatrice plutôt que vers une concurrence destructrice
En dépit de la réalité de la désindustrialisation en cours, l’industrie demeure un secteur moteur sur lequel les services viennent volontiers se greffer. Le numérique risque de ne pas générer la réindustrialisation qui lui est parfois associée. Il va en revanche radicalement modifier le fonctionnement de très nombreuses entreprises. Les Échos du 9 janvier dernier proposaient en première page le titre principal suivant : “L’automobile devient une industrie numérique”. Les projets de voiture autonome et le développement des services de mobilité amènent Google, Amazon ou Microsoft à développer des innovations directement destinées à l’industrie automobile. Il est donc en réalité question d’hybridation plutôt que de concurrence entre “nouvelle” et “vieille” économies. C’est cette symbiose qu’il importe de construire et de réussir, et le challenge est réel, pour réellement moderniser notre industrie. Et pour cela, n’enterrons surtout pas notre “vieille économie”.
Le numérique risque de ne pas générer la réindustrialisation qui lui est parfois associée
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