Les bureaux opèrent leur mutation
Les transactions sur le marché du tertiaire se sont poursuivies à un bon rythme en 2021. La dynamique reste soutenue cette année, s’accordent à constater les professionnels du secteur. Bien qu’insuffisante en termes de surfaces neuves, l’offre qualitative d’immeubles de bureau, face à une transformation accélérée des besoins des entreprises, évolue rapidement.
L’activité des bureaux se porte très bien à Grenoble et dans les environs. La FNAIM Entreprises 38 a enregistré l’an passé une demande placée de 67 712 m2, soit une progression de 20 % par rapport à la moyenne décennale, avec notamment une grande part de neuf (près de 25 000 m2). Surtout, le nombre de transactions, en pointe à 163 en 2021, a bondi de 66 %. « Cette situation est corrélée à la bonne santé de l’économie locale, et notamment pour plus de 90 % des entreprises du tertiaire, qui embauchent et donc modifient leurs perspectives », souligne Hugues de Villard, président de la FNAIM Entreprises 38 et PDG d’Axite CBRE Grenoble. Le premier semestre 2022 a amplifié le mouvement. La FNAIM Entreprises a enregistré 74 transactions en six mois, contre 59 l’an passé sur la même période : « C’est une augmentation de plus de 25 % par rapport à 2021, qui était déjà une très bonne année », confirme Hugues de Villard. Les inquiétudes liées au Covid sont donc bien loin : « Le marché s’est arrêté deux ou trois mois au printemps 2020, puis a largement compensé ce retrait par la suite. »
Répondre à l’évolution des organisations
Toutefois, la crise sanitaire aura joué un rôle décisif dans l’évolution des besoins immobiliers des entreprises. On se souvient qu’à l’occasion du premier confinement, l’irruption du télétravail avait encouragé celles-ci à revoir leur mode d’organisation. « Cette période a été propice à une profonde réflexion sur la rationalisation des espaces de travail, compte tenu des demandes exprimées par les collaborateurs, et notamment les plus jeunes, en faveur du télétravail. En réduisant le temps de présence sur les postes de travail personnels, le télétravail a aussi accéléré le passage aux bureaux partagés et au flex office », explique la FNAIM Entreprises 38. D’où l’intérêt, pour une part croissante des acteurs économiques, d’envisager de nouveaux locaux qui tiennent compte de ces changements.
Le déménagement récent d’HP France d’Eybens vers la Presqu’île témoigne de cet élan. Ses 600 salariés n’occupent que 40 % des 10 000 m2 de l’immeuble Y Spot Partners, alors que leurs bâtiments historiques s’étendaient sur 11 000 m2. Chez HP, on peut désormais travailler debout, sur des bureaux montés sur vérins : « L’heure est à la modernisation et à l’upgrading. Les grands groupes déménagent pour réduire la surface et donc les coûts, tout en optimisant la qualité de vie au travail, avec du mobilier de standing, des coins café et des zones de détente, propices à la communication et à la créativité », développe Hugues de Villard. C’est d’ailleurs à ce prix que se trouve renforcée l’attractivité des entreprises auprès des jeunes collaborateurs, de plus en plus difficiles à attirer et à fidéliser.
Intégrés à la ville-centre
Les nouveaux programmes tertiaires sur l’agglomération incarnent ces exigences. À Meylan, sur la technopole Inovallée, le complexe Artea (25 000 m2 en six bâtiments) inauguré l’an passé, conjugue un maximum de services. Il est non seulement doté d’un restaurant inter-entreprises et d’un espace de coworking, mais aussi d’une salle de gym où l’on peut suivre des cours, d’une crèche pour tous les enfants des usagers et d’une conciergerie. Des prestations que l’on retrouve également dans l’opération People Connect sur la Presqu’île de Grenoble. Présenté comme un « combo unique » de 13 550 m2, l’immeuble joue la carte de la mixité. Il associe un hôtel Radisson 4 étoiles d’une centaine de chambres à 3 300 m2 de bureaux et plus de 5 000 m2 de services, dont une salle de fitness, un spa et une piscine, des salles de séminaires et de coliving, etc. Un projet représentatif de la ville compacte et fluide, qui réussit à mixer les usages en un même lieu, à proximité des grands axes de transport.
Le tertiaire se recrée aussi sur lui-même, et jusque dans l’hypercentre de Grenoble. La tour qui abritait l’Hôtel des Postes Chavant depuis 1967, boulevard Maréchal-Lyautey, associera bientôt 4 000 m2 de bureaux et espace de coworking à une centaine de logements (avec terrasses imprenables sur Belledonne). Présenté comme un « village » à part entière, le Blue Bird (c’est son nom) offrira en son cœur un large espace végétalisé. Une salle d’escalade indoor en sous-sol et un rooftop animé d’événements artistiques et d’un restaurant assureront un avenir nouveau à ce lieu déjà emblématique (il fait partie du patrimoine urbain olympique). En face, l’ancien bâtiment de la CCI devrait lui aussi évoluer vers un destin mixte, mêlant services, commerces et logements.
Une profusion de programmes pour 2023 et 2024
Ces opérations ne sauraient à elles seules résumer le foisonnement actuel dans le secteur. « Sur l’ensemble de l’agglomération, pas moins de 33 programmes de bureaux sont en cours de développement », observe Hugues de Villard. Le nord-ouest de Grenoble reste très actif, avec, sur la Presqu’île, les projets Wood (6 345 m2 de bureaux d’ici 2024), Xylo, qui jouxtera fin 2023 le siège de la FBTP38 (3 159 m2), ou encore Craft (2 200 m2). À la rentrée 2024, le Spring parachèvera l’aménagement du quartier Europole, avec son architecture en croissant de lune et sa toiture végétalisée. Ce bâtiment de 14 000 m2 en R+6 sera notamment occupé par BD France, sur 4 000 m2. Deux autres entreprises, une société d’informatique et un centre d’affaires, y ont déjà réservé leurs espaces. Le rez-de-chaussée accueillera quant à lui 1 300 m2 de commerces, dont un restaurant. Tout près de là, la ZAC Bouchayer-Viallet s’achemine également vers sa conclusion. Réalisé par 6e Sens, le Néo proposera d’ici deux ans près de 3 800 m2 de bureaux, entre l’A480 et la salle de spectacles de La Belle Électrique. La double peau métallique de sa façade noire, ornée de lames brise-soleil verticales, devrait ajouter à l’élégance du quartier d’affaires. Lequel se parera, côté rue Ampère, de l’un des tout derniers immeubles d’affaires restant à construire ici : le Zento, où l’aménageur Elegia a prévu d’installer son siège social en 2024.
Optimiser l’espace et les bâtiments existants
Comment imaginer la poursuite des investissements immobiliers des entreprises lorsque l’ensemble de ces pôles tertiaires seront occupés ? À la Métropole de Grenoble, on veut envisager l’avenir sereinement, en pariant sur l’optimisation de l’espace par « une mixité croissante du tertiaire et des logements », ainsi que par la reconstruction de la ville sur la ville. De leur côté, les professionnels vont valoir que le stock de bureaux de qualité fond trop vite. « Sur un stock disponible de 151 000 m2, nous n’avons que 10 600 m2 de neuf à proposer sur le réseau FNAIM », indique-t-on chez BNP Paribas Real Estate, à Montbonnot. La vétusté menace une grande part de ce stock, nécessitant des travaux d’ampleur pour trouver preneur. En choisissant l’option rénovation, l’entreprise de conseil et de promotion en immobilier d’entreprise CGI Real Estate illustre elle-même cette problématique. Elle vient d’emménager dans des locaux existants qu’elle a reconfigurés selon ses besoins, au 39 chemin du Vieux-Chêne à Meylan, tout près de son ancien site. « De plus en plus, notre métier se tourne vers la réhabilitation de bâtiments anciens, à cause de la pénurie de biens », livre Tanguy Péterlé, associé gérant de CGI Real Estate. À l’instar de Kis Photo-Me, à Échirolles, l’un des leaders mondiaux des équipements d’impression photographique, dont le promoteur recrée le siège près de la patinoire PoleSud (4 000 m2 occupés par le groupe, 4 000 autres disponibles à la location) dans d’anciens bâtiments requalifiés, en le flanquant d’un nouveau centre de recherche et de production ainsi que de bureaux et de locaux d’activités. Le tout dans un décor arboré et sous des toitures végétalisées ou couvertes de panneaux photovoltaïques. Comme Kis Photo-Me, les clients de CGI, sociétés de toutes tailles, sont de plus en plus vigilants sur les données énergétiques, l’environnement et la qualité de vie au travail. « C’est aussi une question d’image », indique Tanguy Péterlé.
Un décret qui peut tout changer
Il leur faut aussi se conformer aux directives nationales du « Décret tertiaire ». Ce Dispositif Éco Efficacité Tertiaire (DEET) impose aux propriétaires et locataires de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 de baisser drastiquement les consommations d’énergie : – 60 % d’énergie finale d’ici 2050 (par rapport à 2010), avec une première échéance de – 40 % en 2030. Cela signifie qu’une grande quantité de bâtiments, trop difficiles et coûteux à rénover, seront bientôt libérés au profit de nouveaux… Un appel d’air bienvenu pour le secteur de la construction. « Mais la raréfaction du foncier renchérit le coût du neuf, si bien que la réhabilitation de bâtiments pas trop anciens peut devenir une bonne opération », observe-t-on à la FNAIM Entreprises 38. « Ce “Décret tertiaire” crée du mouvement, car il incite les entreprises à investir dans des bureaux neufs. L’inconvénient, c’est que l’on va se retrouver avec un stock de bâtiments inoccupés, que les bailleurs et les professionnels de l’immobilier devront réhabiliter à grands frais pour qu’ils soient à nouveau utilisables », relève Tanguy Péterlé. Les projets de déménagement en cours sont aussi impactés par l’annonce de ce décret. « Des dirigeants reviennent sur leurs décisions initiales de déménagement, car ils craignent de devoir engager des travaux plus importants que prévu », craint-on au sein de CGI. Le stock de seconde main le moins qualitatif devrait augmenter, sauf à trouver une seconde vie dans d’autres usages.
Perspectives 2022 pour les bureaux
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Des demandes toujours nombreuses émanant des PME et TPE
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Des demandes de grandes surfaces plus rares et orientées sur le neuf
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Pénurie générale (mais provisoire ?) de biens de qualité notamment à la vente
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Des valeurs vénales qui progressent dans le neuf compte tenu de la hausse du prix des matières premières
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Des valeurs locatives stables en seconde main (environ 150 € le m2 à Grenoble, 120 € en périphérie), en hausse dans le neuf (jusqu’à 190 € le m2 à Grenoble, 165 € en périphérie)
Source : FNAIM Entreprises 38
A savoir
- La vétusté menace une grande part du stock de bureaux disponibles, nécessitant des travaux d’ampleur pour trouver preneur.
- Le Dispositif Éco Efficacité Tertiaire impose aux propriétaires et locataires de bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 de baisser drastiquement les consommations d’énergie.
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