Waga Energy transforme les déchets en or vert

De la naissance d’une idée à la société technologique à succès, quel bilan dressez-vous de votre parcours ?

Mathieu Lefebvre : Le concept initial, celui de transformer une source de pollution majeure, le méthane – l’un des pires gaz à effet de serre responsable de 40 % du réchauffement de la planète – en une ressource produite de façon rentable et compétitive, remonte à 2007. C’est à ce moment-là que, chez Air Liquide, nous avons commencé à entrevoir les solutions technologiques d’épuration et de filtration du méthane, dont les unités WAGABOX® sont issues. En 2014, une petite équipe est partie du groupe Air Liquide pour fonder Waga Energy. L’incubation en mode start-up a démarré en 2015, tout comme notre première levée de fonds. Une seconde a été réalisée en 2019. En 2021, nous sommes entrés en Bourse pour financer notre développement. Car Waga Energy finance, construit et exploite les unités WAGABOX® dans le cadre de contrats à long terme avec les opérateurs de sites de stockage pour la fourniture de gaz brut. La société génère ainsi des revenus en revendant le biométhane ou en fournissant un service d’épuration, ce qui demande beaucoup de financements au démarrage.

L’entreprise a tout juste dix ans. Nous n’avons jamais dévié de notre vision de départ – transformer un gaz terriblement polluant en une énergie renouvelable. Mais l’environnement extérieur, lui, a beaucoup bougé.

Ces changements externes ont-ils joué un rôle dans le décollage de Waga Energy ?

En dix ans, les crises se sont accumulées : Covid, conflits géopolitiques, crise des énergies, du transport… toutes ont agi comme des révélateurs. Les guerres ont presque toujours été des conflits de ressources. Au XXe siècle, beaucoup d'entre elles ont été liées à une répartition inégale des énergies fossiles. Des objectifs comme la réduction de notre dépendance énergétique, des approvisionnements lointains, ou de la dépendance à certains pays, ont émergé. Cela a donné du poids aux solutions de bon sens agissant pour la préservation du bien commun. La technologie de Waga Energy, qui permet de transformer les déchets en ressource d’énergie, en fait partie. C’est ce qui nous a conduits en janvier 2024 à être sélectionnés parmi les 20 sociétés accompagnant la délégation présidentielle française au sommet économique mondial de Davos. Mais il faut travailler fort pour imposer ces nouvelles idées. Sur les thèmes du climat et de l’énergie, les fake news continuent de proliférer.

Quels effets vertueux avez-vous déjà obtenus ?

À ce jour, Waga Energy détient et exploite 21 unités WAGABOX® en France, en Espagne, aux Etats-Unis et au Canada, et une quinzaine d'autres sont en construction en France, au Canada et aux Etats-Unis. Elles représentent près de 100 millions de mètres cubes de biométhane injectés directement dans les réseaux de distribution de gaz qui desservent particuliers et entreprises. Soit l’équivalent de 100 millions de litres d’essence économisés, et l’émission de 180 000 tonnes de CO₂ évitée ­– pour donner un ordre d’idées, chaque Français représente en moyenne l’émission de 8 à 10 tonnes de CO₂ par an. Et ceci pour une technologie apparue en 2017… Nous n’avons aucun concurrent à notre niveau de performance. Une autre source de fierté : Waga Energy emploie à présent 210 collaborateurs directs. Or, chaque emploi en génère environ trois à cinq en région grenobloise. Nous avons déjà des filiales en France, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, au Canada et aux USA (six grands contrats ont été signés aux États-Unis). Les perspectives de développement international de notre technologie, étroitement liées aux grands bassins de population, sont uniques à cette échelle dans le monde des start-up !

Quelles seront vos prochaines étapes ?

En France, les déchets stockés non dangereux représentent 20 millions de tonnes par an. Pour le monde, c’est 2 milliards de tonnes, et 3,5 milliards estimés en 2050, soit une augmentation de 70 %. L’essentiel du marché est hors de France. Il faut donc que l'on se développe rapidement là où notre impact sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre sera le plus important, dans un premier temps en Europe et en Amérique du Nord, ensuite en Amérique latine et en Asie. Nous avons d'ores et déjà sécurisé un chiffre d'affaires récurrent d'environ de 100 M€ par an dans les années à venir. L'objectif est de porter ce montant à 400 M€ par an en 2026, ce qui permettra d’éviter l’émission de 660 000 tonnes d’équivalent CO₂ par an. D’ici 2026, grâce notamment à la nouvelle augmentation de capital, nous élèverons les capacités de production à 24 WAGABOX® par an.

E. Ballery