VERKOR : pour une Europe souveraine des batteries
D’ici 2030, l’Europe ambitionne de représenter 25 % de la production mondiale de batteries, contre 3 % en 2020. Un défi de taille, sur un marché appelé à croître de 30 à 40 % par an. En créant une Gigafactory à Dunkerque, l’acteur grenoblois Verkor entend contribuer à cet objectif. Explications par Benoît Lemaignan, président du directoire, et Gilles Moreau, directeur innovation.
Annonce de la Gigafactory à Dunkerque, création du Verkor Innovation Centre à Grenoble en mars… Où en êtes-vous dans le déroulement de votre stratégie industrielle ?
Benoît Lemaignan : Nous sommes complètement dans les temps ! Verkor vise une capacité de production de batteries équivalente à 16 GWh à partir de 2025, permettant d’équiper 300 000 véhicules électriques par an. Or dès ce mois d’avril, le premier prototype de batterie sort de notre ligne industrielle pilote, à Grenoble. Il préfigure les batteries produites à grand volume dans la future Gigafactory de Dunkerque, dès 2025. Le choix de ce site, annoncé en février, était de loin le plus optimal parmi les 40 sites européens en compétition, sur tous nos critères : superficie du terrain, logistique, raccordement énergétique, bassin de main-d’œuvre qualifiée, proximité avec les grands clients de l’industrie automobile, dont notre partenaire Renault Group. L’ensemble des acteurs installés dans cet écosystème permettront d’obtenir une vraie efficacité industrielle. En parallèle, les atouts en R&D et en formation scientifique à Grenoble, nous ont incité à retenir l’ancien site de Schneider Electric, sur la Presqu’Ile, pour implanter le Verkor Innovation Centre (VIC). Il a vocation à accueillir le siège de l'entreprise, un laboratoire de R&D, une ligne industrielle pilote et un centre de formation indispensable à cette nouvelle filière industrielle.
L'Europe réaffirme aussi une volonté de sécuriser les approvisionnements en énergie et matières premières. C'est important pour Verkor ?
BL : C’est clé ! Et c’est la raison même de notre engagement en tant que fondateurs de l’entreprise. Nous sommes convaincus que sortir de la civilisation du pétrole demande plus que de petits gestes. Réussir la transition énergétique requiert de grandes décisions, exigeant un alignement entre États, collectivités, et les entrepreneurs que nous sommes. Pendant 150 ans, le monde a utilisé les énergies fossiles qui émettent un déchet, le CO2, en brûlant. Une batterie, à l’inverse, ne disparaît pas. En fin de vie, au bout de 15 ans environ, tous ses matériaux – nickel, cobalt, lithium, cuivre… – restent présents, sont recyclables et réutilisables. Une batterie permet d’assurer la mobilité de demain dans les transports. Mais elle peut aussi servir d’unité de stockage autonome, lorsqu’elle se trouve reliée à des panneaux photovoltaïques, par exemple. Mais c’est tout un écosystème, et de nouvelles filières, qu’il faut créer.
Pour gérer ses approvisionnements, Verkor a annoncé un partenariat stratégique avec un géant mondial de l’exploitation minière et du traitement des métaux, le groupe Sibanye-Stillwater. C’est fondamental pour avoir la maîtrise de la qualité des matériaux et de la capacité à les recycler. Ce groupe garantit également une exploitation minière selon des normes sociales et environnementales compatibles avec les exigences européennes.
Des entreprises voient leur développement entravé par le manque de personnel. Est-ce aussi votre cas ?
BL : Non, Verkor est passé en un an de 20 à 100 personnes. Nous n’avons aucune peine, à Grenoble, à rassembler les talents dont nous avons besoin, parfois venus du monde entier. Nous réunissons plus de 20 nationalités, attirées par l’activité de Verkor, les valeurs de l’entreprise et par les atouts de la région. Il en va tout autrement sur des profils de techniciens, d’opérateurs, que les entreprises ici, se disputent.
Gilles Moreau : Dès sa création, Verkor s’est inquiété d’une bataille des talents à venir dans le domaine des batteries. Un domaine que je connais bien : nous n’étions que 10 ingénieurs dans une promo de l’INP Grenoble à se former en électrochimie au début des années 2000. Or les gigafactories exigeront des besoins massifs d’experts, de techniciens et d’opérateurs formés. C’est la raison pour laquelle nous proposerons un campus de la batterie au sein du VIC. Très ouvert, il aura aussi vocation à répondre aux besoins d’autres entreprises grenobloises du secteur, en fort développement. Il associe également l’Afpa, l’IMT, l’Udimec, et Grenoble INP, avec lesquels nous répondons à un appel à manifestation d’intérêt national sur le sujet, sur une enveloppe de plusieurs millions d’euros. L’enjeu est de structurer une filière complète de formation, du CAP à bac +8.
BL : Nous ne pouvons qu’encourager des jeunes à choisir des études techniques, pas forcément longues d’ailleurs : le recrutement d’élèves de certains BTS est quasi instantané ! Verkor mise aussi fortement sur l’apprentissage. Pour réussir la transition énergétique et reconquérir une souveraineté, la France doit miser sur l’industrie dans la formation des jeunes !
E. Ballery
Infos clés
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Développement et production industrielle de batteries bas-carbone
- Création en 2020
- 100 personnes
- Grenoble
- Investissements : 1,5 Md€, avec le soutien de fonds européens, du Plan France Relance, de collectivités, et des partenaires de Verkor (EIT InnoEnergy, Groupe Idec, Schneider Electric, Capgemini, Renault Group, EQT Ventures, Arkema, Tokai Cobex, FMET géré par Demeter)Perspectives à 2025
- 250 à 300 emplois au Verkor Innovation Centre (12 ha) à Grenoble
- 1 200 emplois directs, 4 000 emplois indirects, dans la Gigafactory de Dunkerque (150 ha). Démarrage de la construction en 2023. Début de la production en 2025.
A savoir
- Verkor porte un projet de formation chiffré à plusieurs millions d’euros, pour faire émerger une filière française des batteries.
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