Thierry Court et Jérémie Izarn font briller Grenoble
C’était l’événement du printemps dernier : les professionnels des métiers de bouche, Jérémie Izarn, chef de La Tour des sens à Tencin, et Thierry Court, pâtissier-chocolatier à Grenoble, étaient consacrés par Top Chef et Le meilleur Pâtissier, les émissions de M6. Présences a réuni ces deux anciens élèves de l’IMT pour une interview bien méritée !
Vos victoires ont été très suivies. Quel a été l’impact de l’effet “vu à la télé” ces derniers mois ?
Thierry Court : C’était juste incroyable. La finale a été regardée le 23 mai, jour de mes 40 ans, par 3 millions de téléspectateurs. Le soir même, j’ai reçu des centaines de messages venus de partout. Nos 40 clients quotidiens de la boutique, rue de la Poste à Grenoble, sont devenus 180 à 200 dans les deux semaines qui ont suivi. En mai et juin, le chiffre d’affaires a doublé. Sur les desserts mis en avant lors des émissions – millefeuille, baba au rhum, religieuse, gâteaux de la finale – il me fallait en réaliser 400 par jour pour répondre à la demande. Les Grenoblois étaient très fiers, me le faisaient savoir, tout comme d’autres amateurs venus de loin pour visiter la boutique.
Jérémie Izarn : J’ai aussi connu un véritable raz-de-marée. Ma reprise de La Tour des Sens remontait seulement à mars 2016, et même si le bouche-à-oreille avait bien joué depuis, le public grenoblois ne nous connaissait pas bien encore. Maintenant, j’ai l’impression que tout le monde repère Tencin sur la carte de France ! Beaucoup d’étrangers sont venus nous découvrir. L’effet télévision est indéniable ! Il a au moins triplé les demandes de réservation. Comme nous n’avons que 40 couverts, le restaurant était déjà complet avant l’émission, mais trois à quatre jours à l’avance. Le délai est maintenant d’un à deux mois selon les dates demandées…
Quelle expérience en avez-vous tiré ?
JI : Pour tout cuisinier passionné, c’est un moment fort de la vie. Sur les plans humain, culinaire, j’ai beaucoup appris, et à 28 ans, cela m’a surtout aidé à donner du crédit à mon univers. J’aime faire redécouvrir des produits simples – l’œuf, la volaille, les poissons de lac… – avec une vision décalée de la modernité sans tomber dans le moléculaire. La reconnaissance de grands chefs m’a permis d’aller au bout de mes envies, d’explorer de nouveaux horizons, de m’émanciper en travaillant mon propre style.
TC : De mon côté, je voulais très jeune me diriger vers la pâtisserie, quand tout l’environnement, scolaire notamment, m’encourageait plutôt à aller vers un bac et des études généralistes. J’ai donc passé seulement à 22 ans un CAP à l’IMT de Grenoble, en même temps que Martial Lecoutre, maintenant formateur en pâtisserie à l’IMT. J’ai repris une affaire très jeune, presque en autodidacte. J’ai passé plusieurs concours pour apprendre et pris le virus de la compétition, en participant à une demi-finale de Meilleur ouvrier de France chocolatier en 2014 et à une sélection de coupe du monde de pâtisserie. L’émission a constitué une étape clé. Avec Franck Jouvenal, chocolatier à La Côte-Saint-André, et Martial, nous nous sommes régalés sur le plateau. Tout était multiplié par trois : l’envie, l’énergie, la créativité… On s’est surpris nous-mêmes ! Cela reste une formidable aventure collective !
Loin des paillettes, comment se gère un établissement comme le vôtre au quotidien ?
JI : J’ai la chance de faire ce que j’ai choisi – 40 couverts, soit un volume volontairement restreint –, dans un écrin de verdure, qui permet de bien valoriser les produits locaux. Le revers de la médaille existe : il ne faut pas espérer à la fois ouvrir un restaurant gastronomique et gagner de l’argent. Nous sommes juste à l’équilibre, car les matières premières, l’équipe et les charges associées, reviennent cher. Mais avec mon épouse, juriste, qui m’a rejoint depuis six mois, nous nous faisons réellement plaisir dans ce projet et nos clients suivent.
TC : Cette émission est venue au bon moment. Nous exerçons un métier de sacrifice, qui exige, à la forte saison, jusqu’à 90 heures de travail par semaine. Il faut que l’entourage familial comprenne et suive. L’équation économique d’un pâtissier chocolatier est complexe à résoudre. J’ai tracé une voie particulière, en réinventant, de façon artisanale, des produits bien connus de notre enfance, avec des recettes gourmandes et plus saines. Mon credo est « créateur de petits bonheurs ». Je sors désormais un gâteau par week-end, la liste en est connue à l’avance, et si les clients en souhaitent un autre, ils le commandent. Sans compter l’animation des réseaux sociaux et la vente en ligne qui occupent une place de plus en plus importante dans notre stratégie d’entreprise et notre communication.
Quels sont vos nouveaux projets, maintenant ?
TC : Je m’ouvre à la formation, au conseil, auprès d’autres artisans-pâtissiers. Ma première expérience chinoise m’a beaucoup plu ! La pâtisserie française détient un leadership mondial dont nous pouvons bénéficier. Ce mois d’octobre voit aussi la parution d’un livre de 75 recettes maison avec M6 Éditions, et le Printemps Haussmann ouvre un corner qui référence près d’une quinzaine de nos produits… Nous avons donc un pied
à Paris !
JI : D’ici 2019, nous mènerons des travaux d’embellissement et d’agrandissement en salle, pour mieux circuler. Mais je ne veux pas brûler les étapes. La structure est encore trop jeune pour que je me disperse.
E. Ballery
Je souhaite rester fidèle à une cuisine du cœur, sans artifice
La passion de la pâtisserie m’a construit en tant qu’homme
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