David Lestoux : « Réinventer le commerce de demain »

David Lestoux, agence Lestoux & Associés  : « Nous vivons un choc sociologique. Le modèle de consommation change profondément parce que nous changeons de modèle sociétal. Il faut repenser l’attractivité du commerce. La France sort d’une décennie (2010-2020) où nous n’avons jamais autant construit de mètres carrés de surface commerciale : + 26 % en dix ans, soit une progression dix fois supérieure à celle de la population.

L’offre commerciale étant supérieure à la demande, le commerce se doit d’être encore plus innovant et de travailler la différenciation.

Le digital, tendance de fond

Selon la Fevad, en 2021, 21 % des achats de prêt-à-porter se faisaient sur le digital. La tendance est encore supérieure en 2022. Pour l’équipement de la maison, cela concerne 36 % des achats, pour le mobilier, 21 %. Un commerçant se doit au minimum d’avoir une vitrine digitale car, aujourd’hui, 80 % des achats se préparent sur le Net. Concernant l’alimentaire, le digital représentait 3 % des achats, avant le Covid. En 2021, ce chiffre était de 11 %.

L’une des grandes tendances que l’on observe est la montée de la livraison à domicile ou sur le lieu de travail, y compris de la part des commerces de proximité. Pour quelle raison ? Parce que le consommateur veut gagner du temps ! Autre grande tendance : la montée de la seconde main. Elle représentait 0,1 % des dépenses il y a dix ans. Elle affichait 8 %, fin 2022, et les prévisions pour 2025 sont de 15 %. Le Bon Coin est le deuxième site e-marchand, derrière Amazon. Parallèlement, de plus en plus de ressourceries s’implantent au cœur des villes.

Un consommateur digitalisé, mais avide de lien social

Autre grand changement : l’augmentation du nombre d’établissements de restauration sur les cinq dernières années. Nous connaissons un boom de la restauration hors foyer, notamment de la vente à emporter. Il s’agit d’inventer de nouveaux concepts de restauration, de réaménager les centres-villes. Un constat : plus nous vivons dans un monde digitalisé et plus nous avons besoin de lieux de convivialité. Et cela commence par les bars-restaurants.

L’arrivée de la génération Z, ceux nés entre 1996 et 2014, marque une rupture dans les modes de consommation. C’est une génération qui, loin d’être individualiste, recherche, bien au contraire, des lieux de convivialité. En 2030, la génération Z représentera 20 % de la population, et les plus de 60 ans, 40 % des habitants des métropoles. Cette population senior est déjà digitalisée et le sera de plus en plus. Ce sont deux générations qui ne fréquentent pas, ou plus, les hypermarchés.

Le consommateur moyen n’existe plus !

La France des années 1980-1990 était construite autour de la classe moyenne. Aujourd’hui, le marché est binaire avec, en haut, une population au niveau de vie aisé et, en bas, celle au niveau de vie réduit et contraint qui progresse beaucoup plus vite. Pour les commerçants, cela signifie un positionnement soit premium, soit entrée de gamme. Or, 80 % des commerçants ont actuellement un positionnement moyen de gamme qui leur permettait auparavant de s’adresser à une large population. Ils doivent désormais opérer de vrais choix stratégiques. »

F. Combier