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Aménagement - Accueil — Le 19 octobre 2020

Immobilier d'entreprise : vers une mutation du marché

Après plusieurs années de forte dynamique, la crise de la Covid-19 a marqué une pause pour l’immobilier d’entreprise. Pourtant, les entreprises poursuivent aujourd’hui leurs projets d’aménagement, quitte à les repenser. Un sursaut amplifié par l’intérêt renouvelé des investisseurs pour l’écosystème de la région grenobloise.

© Adobe Stock

Une conjoncture entre effets post-Covid et résilience locale

L’année 2019 fut encore une année record pour l’immobilier d’entreprise à Grenoble : plus de 56 500 m2 de demande placée pour les bureaux (+7,5 % par rapport à 2018), avec une explosion du neuf de l’ordre de 75 %, et encore plus de 123 000 m2 pour les locaux d’activités, la troisième meilleure année en 10 ans. 2020 a démarré à la même cadence. L’arrêt à la mi-mars fut brutal : “Du jour au lendemain, le téléphone n’a plus sonné. Tous les dossiers en cours ont été stoppés”, se souvient Hugues de Villard, directeur d’Axite CBRE à Grenoble. L’activité fut à peu près nulle pendant six semaines. Dès le milieu du printemps, le marché a rebondi d’un trait. Et l’été n’a pas désempli. “Aujourd’hui, 90 % des dossiers avant Covid-19 arrivent à terme : ce ne fut pas un point de rupture comme en 2009, juste un round d’observation”, rassure Guillaume Woutaz, directeur d’Arthur Loyd à Grenoble. Même en l’absence de transactions, la recherche de locaux d’activités s’est poursuivie pendant le confinement : “Cette spécificité tient à la nature des commandes des PMI, qui voient à plus long terme que le tertiaire”, évoque Sylvain Michalik, directeur de l’agence BNP Paribas Real Estate, à Montbonnot, et président de la FNAIM Entreprises 38. Les professionnels du secteur restent toutefois prudents : le quasi-retour à la normale est peut-être provisoire, en partie soutenu par les aides de l’État. Les agences parient cependant sur la résilience de l’écosystème local : “Nous sommes un territoire innovant. La qualité de notre tissu et les stratégies engagées vont nous permettre de passer ce cap”, estime Sylvain Michalik.

ZA de la Grande-Île © DR
ZA de la Grande-Île © DR

Des bureaux prisés qui se reconfigurent

Beau fixe pour le marché tertiaire à Grenoble : la météo alpine est à rebours des tendances nationales. “Alors que l’on observe des baisses de 10 à 25 % pour la demande de bureaux dans les villes françaises, nous connaissons dans notre agence à Grenoble une hausse du nombre de transactions”, révèle Hugues de Villard. Avec une prédominance pour la location lorsque les superficies dépassent 2 000 m2 et une concentration forte du marché entre Grenoble et le Grésivaudan (75 % des demandes en 2019). Plusieurs entreprises ont toutefois consenti à réduire la taille de leurs projets depuis la crise Covid-19, parfois jusqu’à -30 %. Une conséquence du télétravail et du développement des bureaux partagés, estime-t-on, même si cette appréciation reste à nuancer. “Le télétravail va se développer, mais c’est un phénomène au cas par cas. Il est souvent compensé par le besoin de bureaux plus grands, car les dirigeants veulent aussi accroître la cohésion d’équipe et optimiser l’image de l’entreprise”, prédit Guillaume Woutaz. Le télétravail a d’ailleurs tendance à diminuer au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la ville-centre : “Les territoires non irrigués par la fibre optique restent peu enclins à adopter cette pratique.” La diminution très nette du nombre de programmes neufs est un autre fait marquant des 12 derniers mois. Il pourrait ralentir les transactions à l’avenir.

"L'effet télétravail est souvent compensé par le besoin de bureaux plus grands"

ZA de la Buissière dans le Grésivaudan © DR
ZA de la Buissière dans le Grésivaudan © DR

Vers une pénurie de locaux d’activités

Concernant les locaux d’activités, l’heure reste aussi à l’optimisme. “Le marché a très bien résisté à l’épisode sanitaire”, confirme Hugues de Villard. D’abord parce qu’après des années de mouvements de délocalisation, les grands comptes changent leur fusil d’épaule. “Certaines grandes entreprises du secteur industriel ont été contraintes de réviser leur stratégie internationale. Elles sont invitées à relocaliser tout ou partie de leurs activités”, note Guillaume Woutaz. Des secteurs restent toutefois trop exposés à la conjoncture pour prendre le train de la reprise : les entreprises sous-traitantes pour l’aéronautique, par exemple, ont dû stopper tout projet d’aménagement. À l’inverse, les activités technologiques et de stockage voient aujourd’hui leur demande exploser. Les stocks de biens disponibles suffiront-ils à satisfaire ces besoins ? Rien n’est moins sûr. “D’une part, ces stocks se sont effondrés, avec une chute historique de 37 % en 2019, passant de 122 000 à 76 000 m2 à peine, en comptant les surfaces à construire. D’autre part, les trois quarts de ces biens sont disponibles à la location, quand les dirigeants souhaitent acheter”, pointe la FNAIM Entreprises 38. Spéculer sur un découragement de la demande demeure cependant risqué : “Les valeurs ont atteint un prix plancher. Les sociétés qui parient sur une dévalorisation supérieure font un mauvais calcul, car le marché devient tendu”, prévient Sylvain Michalik.

Les investisseurs toujours présents

La dynamique globale du marché reste aussi encouragée par la demande des investisseurs, qui montrent toujours une réelle appétence sur la région. L’intérêt se renforce même, les investisseurs étant rétifs à laisser des liquidités sur leurs comptes : “L’immobilier d’entreprise reste aujourd’hui une valeur en hausse quand les autres formes de placement perdent en attrait”, estime Guillaume Woutaz. En 2019, les montants investis s’élèvent à près de 138 M€ dans la région grenobloise, soit la deuxième plus forte valeur depuis dix ans. Les hausses conjuguées des taux de crédit et des garanties en fonds propres n’ont pas réussi à freiner les ardeurs des investisseurs, qu’ils soient privés ou institutionnels. Avec une préférence pour les bureaux d’abord (65 %), puis les locaux d’activités (32 %), quand les commerces en pied d’immeuble restent boudés. “Les investisseurs seront là tant que demeurera la qualité à tous les niveaux. Leurs exigences pourraient se renforcer, notamment dans le domaine énergétique : la RT2012 ne suffit plus, ils attendent maintenant des labels de l’ordre du BREEAM Very Good”, analyse Sylvain Michalik. À noter qu’en raison des problématiques de circulation dans l’agglomération, “certains investisseurs reportent volontiers leur intérêt sur la région voironnaise”, remarque-t-on à la FNAIM Entreprises 38.
R. Gonzalez

“L’immobilier d’entreprise reste une valeur en hausse"

Des commerces en transition
Les locaux commerciaux constituent la typologie d’actifs la plus fragilisée par la crise de la Covid-19. Et les professionnels restent réservés sur un retour rapide à une dynamique positive. Les achats en ligne et l’”ubérisation” du commerce (on préfère consommer chez soi) avaient déjà bouleversé le secteur. La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle ne se limite plus aux commerces indépendants : “Les grandes enseignes sont également touchées par les difficultés. De même que les loueurs de véhicules”, précise Hugues de Villard. Pourtant, Grenoble conserve son attractivité : la ville-centre a réalisé 48 % des transactions de locaux commerciaux en 2019, contre 36 % l’année précédente, avec des valeurs locatives relativement stables. 2020 maintient ces tendances. “La fin des travaux d’aménagement de l’espace urbain devrait permettre aux commerçants de reprendre leur souffle. D’autant que le rendu est plutôt agréable”, témoigne François Gagliardi, conseiller spécialisé commerces au sein d’Axite CBRE. Pour amplifier ce frémissement, les professionnels plaident également pour un coup de frein sur les projets des centres commerciaux en périphérie, souvent accusés de “vider” les centres-villes. “Des études révèlent que la France est le pays d’Europe qui connaît le plus fort taux de construction de centres commerciaux. Ce marché est aujourd’hui mature.”
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