Les espaces de travail, leviers de la transformation des entreprises
La réorganisation des équipes au travail et la nouvelle donne sanitaire tracent des perspectives et modifient les projets d’aménagement. Jusqu’à quel point ?
La période de confinement du printemps dernier a modifié les perspectives d’organisation au travail. Aujourd’hui, les chefs d’entreprise s’interrogent sur l’opportunité de développer l’expérience du télétravail, au moins dans le secteur tertiaire et pour certaines fonctions support, sur une à deux journées par semaine. À telle enseigne que Cowork In Grenoble a décidé de réserver un espace spécial aux salariés travaillant à distance, en leur proposant des conditions plus adaptées que celles de leur domicile. Pour Marine Simon, dirigeante de Cowork In Voiron, la situation n’est toutefois pas nouvelle. “Quelques semaines après l’ouverture de notre site fin 2016, une grande entreprise industrielle est venue nous voir pour étudier nos conditions d’accueil, évoquant son projet de réduire le nombre de mètres carrés de bureaux”, explique-t-elle. Certaines entreprises, selon elle, cherchent depuis quelques années à rationaliser les coûts d’occupation de leurs bureaux, estimés en moyenne à près de 15 000 euros par an et par équivalent temps plein (baromètre OCI, Aos Studley). Ainsi, Cowork In Voiron s’est développé en intégrant un nombre croissant de ces télétravailleurs. Aujourd’hui, le site propose une nouvelle offre-test d’apprentissage du coworking aux entreprises qui s’interrogent : “Nous accueillons les collaborateurs pendant deux ou trois mois. À l’issue de cette période, un bilan est établi avec l’appui de conseillers spécialisés dans ce domaine.” Marine Simon a complété l’offre de Voiron avec Work In Centr’alp fin 2019, pour accueillir travailleurs nomades, entrepreneurs et équipes, y compris sur des postes fixes. “Le bureau de demain, c’est choisir où l’on a envie de travailler : l’entreprise apprend peu à peu à l’intégrer avec des nouvelles générations qui revendiquent le partage et les échanges avec l’extérieur”, confirme-t-elle.
Des espaces qui conjuguent rationnel et émotionnel
Le bureau comme lieu d’échange : le spécialiste de la réalisation et de l’aménagement d’espaces professionnels Korus s’approprie aussi cette vision. “Le bureau évolue très rapidement, il est en passe de devenir un lieu social”, confirme son directeur R&D Nicolas Noir. Des espaces modulables et hybrides apparaissent pour favoriser l’échange tout en valorisant la culture d’entreprise. Pour autant, Korus refuse d’envisager un changement total des pratiques. “Même si la tendance est au développement du télétravail, le bureau restera le lieu où s’expriment les valeurs d’une organisation”, argumente-t-il. Quitte à parier sur les bureaux partagés : “Dans les nouveaux aménagements, le nombre de salles de réunion et d’espaces conviviaux tend à dépasser le nombre de bureaux”, pointe Hugues de Villard, directeur d’Axite CBRE. Le groupe CBRE, qui compte 1 000 salariés en France, réussit à économiser 3 M€ chaque année en réorganisant ses bureaux. De l’argent réinvesti dans du mobilier haut de gamme, qui fait la part belle au confort, au bien-être et à l’optimisation énergétique. Korus a mis au point la démarche Home pour permettre aux entreprises de mieux prendre en compte les dimensions humaine et financière dans leurs projets de bureaux. Ce dispositif intègre des logiciels propres tels que K’Scan, un outil qui recueille et analyse les données utilisateurs, sur des aspects de bien-être, d’usages des locaux ou encore de flux et d’interactions avec l’extérieur. Pour Nicolas Noir, l’organisation d’une entreprise “doit être pensée dans un équilibre intelligent entre physique et digital, entre autonomie et lien social : ce n’est plus une réflexion immobilière, mais une décision stratégique globale pour la performance de l’entreprise”.
"Le bureau devient un lieu social"
L’open space passé de mode ?
Reste qu’aujourd’hui le bien-être des collaborateurs va de pair avec la sécurité sanitaire. Depuis la crise Covid-19, l’hygiène n’est plus un simple composant de la qualité de vie au travail. HB Office, à Claix, l’a bien mesuré à travers la demande des entreprises. Le spécialiste du mobilier et de l’aménagement des espaces de travail a constaté une réflexion de plus en plus poussée des dirigeants en amont de leurs projets : “Toutes les idées qui ont prévalu à l’avènement de l’open space sont aujourd’hui remises en cause. L’open space ne disparaît pas, mais il est considérablement réaménagé et allégé”, observe Cyril Jacquillard, cogérant d’HB Office. Et cela va bien au-delà des écrans de séparation : “Les entreprises diminuent le nombre de collaborateurs sur un même plateau. Et le restructurent en créant des capsules de travail pour des petites équipes en brainstorming ou des réunions en vis-à-vis,par exemple.” Ces sortes d’alcôves sont alors intégralement fermées par des parois en verre ou couvertes de tissu lavable antibactérien. Les couloirs s’élargissent, et pour éviter les circulations, les espaces pour le café se rapprochent des bureaux. La grande salle de réunion n’y échappe pas : “On sort des schémas carrés et froids pour introduire un confort nouveau, avec des végétaux par exemple, très prisés par les nouvelles générations.” Fait marquant : ces besoins ne sont plus exprimés par le seul secteur tertiaire. “Les entreprises industrielles, réputées moins sensibles à ces aspects, travaillent aujourd’hui dans ce même sens, en cherchant à introduire de la créativité et de la chaleur, à la fois pour le quotidien des collaborateurs et l’accueil des clients”, conclut Cyril Jacquillard. D’évidence, la crise sanitaire inspire une nouvelle humanité à l’organisation de l’entreprise.
R. Gonzalez
"Le bien-être des collaborateurs va de pair avec la sécurité sanitaire"
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