La révolution des services est là !
Pour accompagner les entreprises dans leur transformation numérique, les aider à gagner en performance et en compétitivité, les services font leur révolution. Ressources humaines, informatique, maintenance industrielle, nettoyage, transport et logistique… quel que soit le domaine, les prestataires conçoivent des solutions plus techniques, innovantes, voire stratégiques. Revue de tendances.
Bonne nouvelle pour les activités concernées : “Depuis 2015, la croissance de la valeur ajoutée des services surperforme celle des autres secteurs.” Tel est le constat établi, en mai dernier, par le Groupement des professions de services (GPS) qui réunit 25 fédérations professionnelles. Par ailleurs, la création d’entreprises dans ce domaine très vaste ne cesse de croître : elles représentent 60 % des créations hors micro-entreprises, selon le même baromètre. “80 % des emplois créés demain le seront dans les services”, avance Christian Nibourel, président du GPS.
En 2018, l’activité dans le tertiaire marchand est restée dynamique (+4,4 %), selon la Banque de France. Les activités informatiques ont connu une croissance de 8,6 %, quand le domaine de l’ingénierie-études techniques progressait de 4,9 %. Le nettoyage a nettement remonté avec une hausse de 4,2 % de l’activité, contre +1,4 % en 2017. Le secteur des transports et de la logistique a, lui, davantage souffert en raison notamment du mouvement des gilets jaunes, mais il demeure en progression de +2,8 %.
L’optimisation, plutôt l’externalisation
Si le marché des services aux entreprises se porte bien, c’est que le recours à l’externalisation poursuit sa progression. Accueil, comptabilité, gestion de la paie, entretien des bâtiments, informatique… tout ce qui ne relève pas du cœur de métier de l’entreprise, le facility management, reste, dans la majorité des cas, confié à des fournisseurs extérieurs. “Nous assistons à une explosion de l’offre de services, avec une tendance à l’hyper segmentation des marchés, par exemple dans la restauration, le transport, le conseil, note Benoît Meyronin, directeur général de Care Experience, filiale de Domplus, à Meylan, et professeur à Grenoble École de Management. Le grand mouvement d’externalisation a cependant touché ses limites. La tendance est à l’optimisation de l’existant et, dans les grandes entreprises, certaines fonctions, telles le conseil et la formation, tendent même à être réinternalisées. En parallèle, dans les PME-PMI, voire dans les ETI, nous sommes dans une logique de mutualisation. Cela touche aussi bien la restauration que les services de conciergerie amenés à se développer à l’avenir.” L’objectif est de réduire les coûts, tout en gagnant en efficacité. Pour les prestataires, l’enjeu est de fournir des services à forte valeur ajoutée.
Des initiatives innovantes au service de la performance
Indispensables au fonctionnement des sociétés, les métiers traditionnels trouvent le moyen de se réinventer. L’agence grenobloise Neojobs s’est ainsi créée, en 2014, autour d’une autre vision du recrutement, privilégiant le jeu. Elle travaille notamment avec une société d’escape game sur Grenoble. “L’escape game est un jeu très complet qui fait appel au travail en équipe, à la gestion du stress, du temps, de la frustration et à une bonne communication, explique Margaux Raab, cofondatrice de Neojobs. C’est une première étape pour tester les candidats.” Une agence d’intérim comme Adecco a développé, quant à elle, une nouvelle offre baptisée Onsite pour répondre à la demande des grandes organisations. Un manager Onsite est hébergé directement sur le site de l’entreprise. Formé aux spécificités de l’activité de son client, il est ainsi plus à même de comprendre et d’anticiper ses besoins. Au-delà du recrutement, il s’occupe de la gestion administrative des contrats, de l’intégration des nouveaux collaborateurs, de la planification des besoins en main-d’oeuvre. Pour l’entreprise, cette solution permet de gagner en productivité tout en diminuant les contraintes. Adecco possède, par ailleurs, un réseau d’agences dédiées aux grands comptes et un spécifique pour les PME. “Nous allons jusqu’à la définition du poste, analysons l’environnement de travail, les relations attendues. Dans les métiers en tension, le savoir-être et les aptitudes comptent énormément, davantage que les compétences, explique Michel Fuchs, directeur des agences PME de Grenoble et Annecy. Adecco est ainsi amenée à former les candidats qui auraient des aptitudes pour tel ou tel poste.” En matière d’activité, le CDI intérimaire tend à se développer. Il s’agit d’un contrat entre l’agence et le candidat, ce dernier étant mis à disposition des entreprises. En cas d’absence de mission, il continue à percevoir un salaire de la part d’Adecco. “Tout le monde est gagnant, estime Michel Fuchs. Le candidat dispose de la sécurité de l’emploi, nos clients d’un vivier de compétences, et Adecco peut travailler sur la gestion des savoir-faire, former les personnes et investir dans la durée.”
L’informatique, un secteur clé au cœur des enjeux à venir
Autre fonction largement externalisée : l’informatique, devenue hautement stratégique à l’heure de la transformation numérique des entreprises. Avec 7,3 % de croissance attendue pour 2019 d’après la Banque de France, il s’agit de l’un des secteurs les plus porteurs. Aux côtés d’un géant comme Capgemini (CA 2018 : 13,2 Md€ ; 200 000 collaborateurs dans le monde), leader mondial du conseil, des services informatiques et de la transformation digitale, gravitent de nombreuses ESN évoluant sur des marchés bien spécifiques. Fondée en 2006, Coservit (CA 2018 : 3M€ ; une quarantaine de collaborateurs, siège à Grenoble) développe des logiciels de supervision des serveurs, des systèmes d’information et de l’Internet des objets. La PME a réalisé 50 % de croissance l’an dernier et table sur la même tendance cette année. “Nous fournissons un état des lieux du fonctionnement des services informatiques, explique François Mateo, son président fondateur. Notre plateforme collecte les informations et envoie des alertes en cas de dysfonctionnement. Il s’agit d’un service de première importance : sans messagerie, Internet ni téléphonie, vous ne pouvez quasiment plus travailler ! Plutôt que de réaliser de la maintenance, nous faisons du prédictif afin de tendre vers une disponibilité à 100% des services informatiques.” Coservit travaille directement pour les ESN et les entreprises d’infogérance, mais également pour les ETI et grands comptes de tous secteurs d’activités, ainsi que pour les collectivités territoriales et les établissements de santé (le CHU de Grenoble, par exemple). Grâce aux data et à l’intelligence artificielle, les sites de production peuvent désormais prédire plus facilement les pannes, ou bien optimiser leur consommation énergétique et gagner ainsi en performance. La start-up Amiral Technologies (cinq collaborateurs), fondée à Grenoble il y a un an, se positionne sur le secteur de la maintenance prédictive, notamment pour l’industrie manufacturière, le transport et l’énergie. “Notre solution, basée sur l’intelligence artificielle, permet de réduire les arrêts de production de 50% et de diminuer les coûts de 40 %”, annonce le CTO, Sébastien Le Gall. Dans une logique servicielle, les clients n’achètent plus de la maintenance industrielle, mais une garantie de fonctionnalité pérenne de leurs outils de production.
La transformation numérique révolutionne les services
La transformation digitale des entreprises et l’arrivée de nouvelles technologies, comme le cloud, le big data, l’intelligence artificielle, l’IoT, bouleversent les phénomènes d’externalisation et engendrent la création de nouveaux services. “Le marché attend des solutions d’outsourcing en complète rupture avec ce qui lui a été offert jusqu’alors, révèle le cabinet Deloitte dans une étude parue en 2018 sur l’émergence de solutions d’externalisation disruptives. L’exécution des processus comptables, de paie ou d’administration du personnel, les déclarations fiscales doivent aujourd’hui impérativement intégrer les apports les plus récents de la technologie dans ses chaînes de traitement : RPA (automatisation des processus par la robotique), intelligence artificielle, digital…” Avant même la réduction des coûts, les sociétés recherchent de meilleures performances et un avantage compétitif. Les nouvelles solutions d’externalisation procurent ainsi “un avantage concurrentiel certain, en révolutionnant le fonctionnement des entreprises et en offrant davantage de souplesse, d’efficacité et d’efficience”, explique le cabinet Deloitte.
Accompagner la dématérialisation
En parallèle à cette quête de performance, les entreprises font face à la gestion croissante des données, et gèrent de nouvelles problématiques comme les cyber-risques ou encore les aspects réglementaires et juridiques liés à la mise en oeuvre de solutions numériques. Groupe spécialisé dans les services d’impression, dématérialisation, sécurité, maintenance informatique et téléphonie, C’Pro (CA 2018 consolidé : 300 M€ ; 1 500 salariés, dont 45 à Échirolles pour un chiffre d’affaires de 17 M€) accompagne ses clients dans leur transformation numérique. “Avec la digitalisation, les besoins évoluent, nous devons nous adapter : les entreprises impriment moins, elles ont dans le même temps besoin de conseil pour organiser leur passage à la dématérialisation, relate Pierre Carrio, responsable de l’agence Échirolles/Bourgoin-Jallieu. Nous les accompagnons dans la mise en place de ces nouveaux processus. Par ailleurs, nous avons un vrai rôle de conseil et d’explication de la nouvelle réglementation. Nous pratiquons ainsi des audits autour de la sécurité informatique et avons mis en place un service d’audit autour du RGPD. Enfin, nous assistons à une demande croissante en services informatiques managés. Nos clients n’achètent plus de postes informatiques, ils sont mis à disposition et nous nous occupons de tout : mise à jour, maintenance, sécurité, hébergement…” L’impression représente aujourd’hui 50 % de l’activité de C’Pro, l’infogérance informatique 30 % et la téléphonie 20 %.
La logistique, clé de voûte des industriels
Accélérer la transformation de la chaîne de valeur de ses clients, de leurs systèmes d’information et de leur supply chain, c’est la mission que s’est assignée Hardis Group (CA 2018 : 116,4 M€ ; 1 115 salariés, siège à Seyssinet). Société de conseil, de services numériques et éditeur de logiciels, elle vient de lancer une nouvelle offre de conseil en innovation et digitalisation de la supply chain. L’idée est de permettre aux entreprises de déployer les solutions les plus pertinentes en fonction de leurs besoins. Intelligence artificielle, objets connectés, réalité virtuelle, drones… autant de leviers technologiques visant à améliorer la performance logistique. Primée au CES de Las Vegas en 2018, Eyesee, son drone inventoriste, facilite, par exemple, l’inventaire en entrepôt. Autre acteur local sur le marché des logiciels dédiés à la supply chain : KLS Group (CA 2018 : 4,25 M€ ; 40 salariés, Meylan). Sa solution WMS Express a séduit dernièrement Serial Kombi, leader français dans la vente de pièces détachées automobiles en ligne, implanté au Versoud. Pour faire face à l’accroissement de son activité, Serial Kombi a repensé son organisation logistique et fait appel à KLS. L’objectif était de gagner en fiabilité, d’optimiser la préparation de commandes et d’augmenter la satisfaction client, tout en supportant les fluctuations dues à une activité saisonnière. Le transport et la logistique urbaine participent plus que jamais à la compétitivité des entreprises. “Les clients sont de plus en plus exigeants sur les délais”, commente Eddy Lepori, directeur de l’agence Geodis de Saint-Égrève (CA 2018 : 23 M€ ; environ 100 salariés). Leader en France sur le marché du transport et de la logistique, Geodis travaille historiquement pour les secteurs industriels. L’e-commerce connaît cependant un fort développement et représente aujourd’hui 10 à 15% du chiffre d’affaires. “Notre point fort par rapport à la concurrence : nous sommes multi-métiers, à savoir nous proposons de la messagerie, de l’express, de l’affrètement, du stockage et de la préparation de commande, de l’overseas et, depuis un an, un service de courses. Disponible 24 h/24, 7 j/7, avec prise en charge chez le client et livraison dans la foulée au destinataire, la course répond à un vrai besoin, notamment pour la livraison de produits à haute valeur ajoutée.” Partenaire de croissance de ses clients, Geodis assure un véritable rôle de conseil sur la meilleure solution à adopter pour résoudre leur problématique de transport et logistique.
L’enjeu de la livraison au dernier kilomètre
Les enjeux environnementaux ont complexifié la question de la livraison au dernier kilomètre et obligé les transporteurs à s’adapter. La création d’Urby (CA 2018 : 200 k€, cinq salariés, Fontaine) constitue un exemple de la manière de transformer une contrainte en opportunité. Filiale partielle du groupe La Poste, Urby est une plateforme de stockage et de logistique implantée en entrée de ville. “Nous assurons la livraison au dernier kilomètre de manière mutualisée en optimisant le remplissage des camions et en utilisant les véhicules les moins polluants, explique Anne-Sophie Louvat, sa présidente. Nous pratiquons aussi la logistique inversée, celle du premier kilomètre. Nos équipes collectent les marchandises ainsi que les emballages chez les commerçants du centre-ville de Grenoble. Pour ces derniers, c’est un gain de temps puisqu’auparavant, ils devaient par exemple se rendre eux-mêmes à la déchèterie.” Urby assure également le stockage de proximité pour de petites entreprises industrielles ou des artisans-commerçants. La société a récemment signé avec la savonnerie grenobloise Les Affranchis. Elle organise le stockage, la préparation de commandes et la livraison à vélo pour les courts trajets. Dans le but de limiter les emballages et d’intégrer encore davantage une logique environnementale, Urby esten train de mettre en place un système de caisses consignées. “Mon objectif est que notre activité génère de la valeur ajoutée pour nos clients”, affirme Anne-Sophie Louvat. Ce service de logistique urbaine répond à un réel besoin. Preuve en est, la société a dû agrandir, en juin, ses locaux, passant de 1 300 m² à 2 200 m². Grenoble a servi de site pilote pour expérimenter ce nouveau service. Fin 2019, Urby comptera une quinzaine de plateformes de ce type en France.
“C’est de l’excellence des services que dépend la montée en gamme de l’ensemble des secteurs économiques”, affirme Christian Nibourel. En alliant proximité, personnalisation de l’offre et forte valeur ajoutée, les sociétés de service sont prêtes à relever le défi.
F. Combier
Le secteur des services en chiffres
- Valeur ajoutée brute (2015) :
- en Auvergne-Rhône-Alpes : 144 Md€
- en France : 1 318 Md€ - Nombre d’établissements en Isère (2016) : 56 474, soit 60 % des établissements
- Part de l’emploi pour les services marchands en Isère (2016) : 45,5 %
- Création d’entreprises de services en Isère (2017) : 7 446, soit 68 % des créations
Source : Insee
A savoir
- En 2018, l’activité des services a progressé de +4,4 %
- Autre fonction largement externalisée : l’informatique, devenue hautement stratégique
- La transformation digitale engendre la création de nouveaux services
- De l’excellence des services dépend la montée en gamme de l’ensemble de l’économie
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