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— Le 15 juin 2018

Œnologie : la filière qui monte en Isère

En région Auvergne-Rhône-Alpes, les vins de l’Isère, rassemblant 15 % des producteurs français de la viticulture, jouent leur partition. Et de façon plus globale, c’est toute une filière qui affirme son dynamisme, porté par l’engouement autour de la dégustation de vins authentiques, exprimant les saveurs des terroirs. Les particuliers comme les entreprises en redemandent !

© AdobeStock

C’est une véritable renaissance, constatée par la Chambre d’agriculture et le syndicat des vins de l’Isère. Depuis le début des années 2000, le département a enregistré plus de 30 créations d’entreprises dans la culture de la vigne. Un renouveau qui coïncide avec la création d’une Indication géographique protégée, l’IGP Isère, en 2009. Elle couvre notamment les Coteaux du Grésivaudan et les Balmes dauphinoises. Deux zones en développement se distinguent également : le Trièves, dont le vignoble revit depuis quelques années grâce à l’installation de vignerons, et le Royans sur les contreforts du Vercors.

Le retour des terroirs

Si, disparition du vin de table aidant, le nombre d’hectares consacrés à la vigne a drastiquement diminué depuis 1 880 (40 000 ha à l’époque, 460 aujourd’hui) les vins de l’Isère, suivant les tendances nationales, montent en gamme. Tous progressent vers plus de qualité, de typicité et d’authenticité. “L’Isère se distingue par la diversité des terroirs. Les vins blancs sont majoritairement secs, frais, avec une finesse aromatique bien présente. Dans le Grésivaudan, l’amplitude thermique permet d’élaborer des vins blancs dont la minéralité s’associe aux arômes de fleurs blanches et d’agrumes. La palette aromatique des vins rouges, selon les cépages, va de notes franchement épicées à une structure tannique importante, à fort potentiel de garde”, analyse Annie-Françoise Crouzet, maître sommelier de l’Union de la sommellerie française. La professionnelle fait partie des 20 femmes parmi les 400 maîtres sommeliers, et détient une 4e place au concours mondial des nez du vin ! Implantée à Villard-de-Lans, elle intervient en Isère pour des formations et lors d’événements grenoblois. “La gastronomie et les vignobles ont toujours eu de l’importance dans notre région, ce qui explique la forte personnalité des vins produits ici”, soutient-elle.

Remettre au goût du jour des techniques et cépages ancestraux

Les autres particularités de la production locale ? Un attrait pour “les cépages anciens, autochtones de l’Isère”, comme la verdesse, l’étraire de la Dhuy, la jacquère, la mondeuse… Et des pratiques culturales et œnologiques orientées vers la naturalité et la biodynamie. Thomas Finot s’inscrit parmi ces précurseurs. “Je suis parti en 2008 avec la volonté de replanter dans le Grésivaudan des cépages enracinés de longue date : persan, verdesse… L’intérêt de la biodynamie est d’obtenir une jolie qualité de vins, plus naturels et avec de la profondeur.” Même démarche chez Sylvain Liotard, qui a repris le Domaine des 13 Lunes en 2017, à Chapareillan. “La biodynamie requiert de très grandes techniques agricole et viticole pour mener à bien la culture de la vigne sans recours aux engrais et aux pesticides. Notre vendange est réalisée exclusivement à la main. Tout cela permet de préserver les sols et de donner du goût au raisin.” Samuel Delus, à la tête du Domaine de l’Obiou, dans le Trièves, a lui aussi fait le choix du bio, depuis 2016. Et avec l’association Vignes et vignerons du Trièves (VVT), il a contribué à la réinscription au catalogue national de l’onchette, un cépage local qui a failli disparaître. “Après une dizaine d’années de travaux en collaboration avec le Centre d’ampélographie alpine Pierre-Galet et l’Inra, la réinscription est effective depuis le 19 avril 2017 !”, se réjouit le vigneron, ancien professionnel de l’audiovisuel.

Une affaire de passionnés

Des efforts de différenciation payants, qui conduisent les cavistes et des tables renommées (Les Terrasses, Le Chalet…) à sélectionner ces vins de caractère. Antoine Dépierre, 7e génération au Domaine Mayoussier d’Auberives-sur-Royans, va plus loin encore : “La traction animale est un aspect essentiel de notre démarche, car ce procédé évite le tassement des sols, limite l’érosion et favorise la vie microbienne. Les parcelles sont entièrement entretenues à la main, de la taille aux vendanges. Notre production est aujourd’hui de 12 000 bouteilles.” Rien ne prédestinait l’ancien diplômé de l’institut Vatel, qui a parcouru le monde pour de grands établissements hôteliers, à ce retour aux sources, si ce n’est sa passion pour le domaine familial et une formation de sommelier.

Sur les coteaux de la Bastille, c’est une autre histoire qui se réinvente. Celle des vignes accrochées à un terrain abrupt, que Laurent Gras, 5e génération à la tête du restaurant Chez le Per’Gras, souhaite voir renaître. “En 1955, nos hectares de vignes produisaient jusqu’à 60 000 bouteilles de mousseux !” Une souscription a été lancée pour replanter la vigne et lancer une production 100 % bio. Première dégustation prévue en 2021 !

L’intérêt marqué des clients

Pour ces productions à petits volumes, nul doute possible : la clé est dans l’exclusivité et la rareté. L’IGP Isère rencontre précisément les tendances sociétales qui, chez les consommateurs, privilégient les circuits courts, l’attention portée à la réduction des impacts environnementaux et aux produits exprimant une identité de terroir. Les cavistes de la région constituent un observatoire privilégié de ce mouvement : “L’intérêt pour les vins isérois est très fort, autant de la part des touristes que de la clientèle locale. La demande excède même souvent l’offre !”, relève Éric Esnault, expert en vins de l’arc alpin dans sa cave du 20 rue de Strasbourg, à Grenoble. À ce titre, il organise régulièrement des rencontres avec les producteurs locaux. “Lors des ateliers de dégustation, les vins isérois plaisent énormément. La clientèle s’attache de plus en plus aux pratiques culturales et au travail du vigneron”, poursuit-il. “Nos références en vins bio représentent au moins 50 % des ventes”, confirme, de son côté, Marc Caratias, co-gérant de la société Dionysos&co, caviste-fromager avec ses deux magasins l’Échanson à Grenoble et à Crolles. “La demande se développe aussi pour les événements exclusifs de type rencontres avec des vignerons rares, des cours d’œnologie, des dégustations en afterwork ou le WE.” Un positionnement également choisi par Vinolea, qui dispose de quatre adresses en région grenobloise, ou le Caveau stéphanois, à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs. Avec un conseil et une expertise là encore soutenus par la passion : Raphaël Roux Sibilon a terminé demi-finaliste au concours du meilleur caviste de France 2014.

Une réappropriation du vin par la génération Y

Une autre caractéristique forte sur laquelle s’appuie toute la filière : le vin est redevenu diablement tendance ! Selon une étude IFOP, 73 % des Français parlent du vin à leur entourage, contre 43 % pour le foot ! Et selon le baromètre IFOP Vin et société 2014, 86 % des Français pensent que le vin permet de passer un bon moment, 69 % qu’il rend le quotidien plus agréable et plus festif. Un signe qui ne trompe pas : les vins et spiritueux se distinguent toujours en position numéro un des cadeaux d’entreprises, tout au long de l’année, ce qu’atteste notamment la cave Le Tastevin, à Saint-Égrève. Cette dimension plaisir est largement plébiscitée par la génération Y, autour de la notion de partage et d’échanges entre pairs. Selon le Credoc, “l’apéritif dînatoire est aujourd’hui devenu une nouvelle forme de repas autour du vin pour les jeunes Français de 18 à 30 ans”. Les cavistes grenoblois, tels Micand, enseigne fondée en 1897, la Cave de Bacchus, mais aussi les bars à vins comme Le Zinc, font le constat d’un renouvellement de clients, dont certains, même à moins de 30 ans, se révèlent extrêmement connaisseurs et passionnés.

Quand l’œnologie crée l’événement !

À lui seul, le vin devient donc support d’événements et vecteur de convivialité. Sans superficialité, toutefois, puisque 56 % des Français cherchent à en savoir plus sur le vin – cépages, millésimes, modes de production – démontrant que la démarche fait appel aux ressorts de la culture et du patrimoine. Et les sociétés spécialisées témoignent de cet engouement. Hervé Pasquet, à la tête de l’agence Effervescence, réalise des événements réunissant plusieurs centaines de personnes pour des entreprises, des associations, des clubs sportifs. Pour le FCG Rugby, au Stade des Alpes, lors des 13 matchs à domicile, il a ainsi assuré les accords mets-vins lors des repas assis, en ajustant la provenance selon le menu du traiteur et surtout l’équipe reçue… De même, la société French Paradoxe, implantée au MIN de Grenoble, développe des événements centrés sur l’univers des vins. “Nous organisons des cours d’œnologie, des jeux comme le casino du vin, des animations visuelles et olfactives, des soirées accords mets-vins chez des restaurateurs…” relate son dirigeant Éric Montaut. Pour célébrer l’anniversaire du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, l’entreprise a conçu un bar à vins aux couleurs des trois départements où la banque est présente, avec des vins de la Drôme, d’Ardèche et d’Isère… 

L’attrait de l’œnotourisme

Dernier prolongement d’activité, l’œnotourisme, lui aussi en forte croissance (voir encadré). Certains cavistes comme l’Échanson n’hésitent pas à sauter le pas en proposant des survols de régions viticoles en montgolfière, des voyages à thème exclusifs, parfois très lointains… “C’est un tourisme d’agrément et d’exception, pour 20 participants en général à chaque destination. Nous avons déjà réalisé le Japon, l’Écosse pour les distilleries de Whisky, la Grèce, la Champagne, etc. La demande est très forte”, souligne Marc Caratias. La région grenobloise mise aussi sur cet attrait en organisant des événements bien calibrés. Tel le Millésime, festival œnologique et musical de Grenoble, dont la 24e session se tiendra du 6 au 21 octobre prochains, ou encore le salon du Vin à cheval.

Ce dernier connaîtra sa 3e édition, les 10 et 11 novembre 2018. Une trentaine de vignerons français et européens ayant choisi la traction animale sont invités à faire déguster leur production. “Cette manifestation unique en France attire en moyenne 700 personnes à Pont-en-Royans, venues de tous les horizons”, souligne Alain Buisson, président de l’UC locale. L’ensemble des producteurs de l’Isère bénéficient des retombées économiques de ce tourisme spécialisé lorsque les Français ou des étrangers découvrent la région. Le ticket d’achat peut alors se révéler conséquent. Une savante alchimie et un avenir prometteur pour la filière, qui appellent ce constat d’Hervé Pasquet : “Aujourd’hui, il n’y a plus de petite région pour le vin en France !”

E. Ballery

Le vignoble en Isère

• 1 252 exploitations (dont structures familiales)
• 460 hectares environ
• 3 000 hectolitres en IGP Isère, IGP Collines rhodaniennes, Coteaux du Grésivaudan, Balmes dauphinoises, Allobrogie.
• 2 IGP parmi les 13 IGP de la région Auvergne-Rhône-Alpes
• Une palette complète de couleurs, goûts, saveurs et caractères.

Source : Chambre d’agriculture et syndicat des vins de l’Isère.
Les enjeux de l’oenotourisme

• 10 millions d’oenotouristes en France en 2016.
• Une croissance forte : + 33 % entre 2009 et 2016 (+ 29 % de Français, + 40 % d’étrangers)
• 1 256 € en moyenne dépensés pour un séjour oenotouristique, comprenant une activité liée au vin et la découverte des vignobles.
• 240 € consacrés à l’achat de vin sur place.
• 5,2 Md€ : estimation de la dépense globale des oenotouristes.

Source : Atout France

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