Urbanisme et développement économique : les grands sites à enjeux
Depuis le vote du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) l’an dernier, la métropole grenobloise s’est dotée d’une vision globale et cohérente de son développement pour les dix prochaines années. Bien engagés dans certains secteurs, comme sur la presqu’île scientifique, ou encore au stade d’études dans d’autres, les grands projets d’aménagement urbain remodèlent le paysage et participent à l’attractivité économique du territoire. Malgré un espace contraint par son relief, la métropole mise sur la requalification des friches industrielles et compose avec le risque inondation. Revue des principaux projets en cours, ou à l’étude.
De la Presqu’île à GrandAlpe, en passant par l’élargissement de l’A480 et la création d’un RER, le territoire de la métropole regorge de chantiers d’ampleur, dont le nombre peut désorienter. “Nous avons déjà sous les yeux 90 % de son aspect en 2030, explique Benoît Parent, directeur de l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise. Sauf qu’elle sera organisée différemment, autour de centralités et non d’une ville centre.” Le PLUI, entré en application en janvier dernier, s’appuie à la fois sur de grandes polarités et sur les centres historiques de 17 des 49 communes du territoire. Une démarche qui entend rendre les centres-villes plus accessibles, plus agréables à vivre, via notamment la piétonnisation, les accès cyclables, et la redynamisation de la vie commerciale. Achevée à Grenoble cette année et bien visible dans le centre historique autour des places Grenette ou Victor-Hugo, l’opération “Cœur de ville, cœur de territoire” se poursuit notamment à Vizille et à Vif jusqu’en juillet 2021. Accompagnant les communes en amont de leurs projets de requalification, le Conseil d’architecture d’urbanisme et de l’environnement de l’Isère propose par ailleurs un développement équilibré entre zones d’activités (ZA) et centres-bourgs, pour ne pas qu’ils se vident de leurs commerces. “Un développement des ZA à l’initiative de l’intercommunalité permet d’éviter un ‘saupoudrage’, où chaque commune veut installer la sienne sans concertation”, remarque sa directrice Florence Martignoni. Fin août, le Premier ministre a conforté ce nouveau paradigme en ordonnant aux préfets d’utiliser toutes les possibilités de recours pour interdire les projets de centres commerciaux qui artificialiseraient les sols, en vue d’un moratoire en 2021.
GrandAlpe, polarité majeure de l’agglo
En parallèle, le territoire métropolitain s’articule désormais autour de ses trois grandes polarités, qui sont des projets d’aménagement mixtes, associant activité économique, habitat, mobilités et loisirs. GrandAlpe, à cheval sur le sud de Grenoble, Eybens et Échirolles est celle qui a pris le plus d’ampleur. “C’est, avec ses 4 700 hectares, la future presqu’île de la métropole sur les 15 à 20 prochaines années, pronostique le président de Grenoble-Alpes Métropole, Christophe Ferrari. C’est là où il y a le plus de foncier et un important potentiel économique, comme le prouvent l’installation de géants de l’intelligence artificielle, la rénovation de Grand’Place ou la rénovation de la gare d’Échirolles, qui accueillera en 2025 le RER cadencé au quart d’heure sur l’axe Moirans-Brignoud. Il existe une dynamique partenariale forte avec les acteurs privés et publics pour redonner de la valeur aux logements et une image attractive à ce territoire.”
Parti d’une volonté simultanée de Klépierre de requalifier Grand’Place, et de la Métro de décloisonner le secteur, parallèlement à la rénovation de la Villeneuve, GrandAlpe ne manque pas d’atouts. Le lieu possède une centaine d’hectares “mutables”, souvent des tènements cédés par les entreprises à la collectivité, ou des friches comme celle d’Allibert et ses 10 hectares, dont l’étude pour travaux d’aménagement a été lancée, avant la démolition de sa halle en 2021. Regroupant déjà des grands comptes, tels General Electric, Samse, ou HP, il accueille également des pépites high-tech, comme le spin-off du CEA-Leti Aledia, le spécialiste des LED 3D qui a ouvert l’an dernier, à Sud Galaxy, son nouveau siège de 4 000 m2, et s’apprête à recevoir Atos IE ainsi qu’Artelia, qui regroupent leurs équipes à deux pas de la gare d’Échirolles. Des opérations attendues aussi bien du côté des entreprises que de la collectivité. Ainsi, les 500 salariés d’Artelia n’occuperont qu’une partie des 7 hectares du site, le reste du tènement étant cédé à la Métro pour constituer une réserve foncière permettant la création d’un quartier d’habitations, d’activité économique et de services. Et la collectivité réfléchit avec Alpexpo à optimiser la surface des immenses parkings qui ne sont utilisés que ponctuellement par le Centre de congrès. Autant d’exemples qui illustrent la nécessité de requalifier les friches pour gagner du foncier. Au nord de GrandAlpe, le secteur des Alliés, près du site Richardson, pourrait bientôt accueillir un village d’activités lié à l’alimentation, l’économie circulaire ou au bâtiment. D’autres projets sont à l’étude sur une restructuration des bâtiments satellites au MIN, où l’aspect logistique est impacté par la zone à faibles émissions, et sur la création d’une station de GNV.
Requalifier les friches industrielles, une priorité face au manque de foncier
Confortée par le plan de relance dans sa démarche de requalification des friches industrielles et d’arrêt de l’artificialisation des sols, la Métro “étudie tous les appels à projets possibles pour les faire entrer dans ce cadre, car notre territoire est compact, et les terrains nus disponibles une denrée rare, rappelle Christophe Ferrari. La priorité est au renouvellement de ces friches, qui doivent retrouver leur vocation économique.” Le territoire de la Métro compte désormais 70 hectares de foncier disponible, contre 4 hectares en 2014. Des zones pour la plupart dépolluées, comme dans le Grand Sud grenoblois. C’est là, entre Vizille et Pont-de-Claix que se redessine aussi l’économie grenobloise. À Vizille, les 14 000 m2 de l’ancien site d’Alliance sont transformés par Elegia en des bâtiments à vocation mixte. À Champagnier, dans la zone industrielle du Saut-du-Moine requalifiée par la Métro, la Région et le Département, sur l’ex-site de l’usine Poliméri (20 hectares inoccupés depuis 2006), s’est installé l’an dernier SDCEM (sectionneurs et interrupteur haute tension) et doit arriver prochainement l’usine de production d’Aledia, qui pourrait générer 500 emplois. Enfin, à Pont-de-Claix, c’est le secteur des anciennes papeteries (fermées en 2008) qui va voir apparaître un village d’entreprises, en plus d’un programme d’habitat.
Dans l’est de l’agglomération, du côté de l’avenue Gabriel-Péri, à Saint-Martin-d’Hères, le centre commercial Neyrpic est désormais bien engagé. Sur 4 hectares de friches, il devrait à terme proposer 50 000 m2 de commerces, restaurants et de lieux de loisirs (employant 800 personnes). Ce projet de requalification entièrement privé représente un investissement de 250 millions d’euros, dont 200 pour le promoteur Apsys. L’ensemble est appelé à devenir un grand quartier urbain en lien avec le domaine universitaire, faisant la part belle à la mixité urbaine.
La Presqu’île voit enfin le bout des travaux
La polarité nord-ouest est pour l’instant le secteur le plus visible pour les acteurs économiques et le mieux desservi. Elle associe des grands comptes à de plus en plus de startup. Ici a été inauguré l’an dernier le Y. Spot Labs, 500 m2 de plateaux collaboratifs adossés au CEA, et le Y. Spot Partners, porté par le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes et la Caisse des Dépôts, livré dans un an. Tandis que le quartier Cambridge, près du pont d’Oxford, n’attend que la fin des travaux de l’A480 et du Métrocâble, en 2024, pour prendre son aspect définitif. C’est donc à présent dans le secteur Cambridge, dédié à l’habitat, et autour de la place Nelson- Mandela, que l’on construit. Face au Y. Spot Partners commencent à l’automne 2021 les travaux du People Connect, un bâtiment de forme similaire associant sur 90 000 m2 commerces, bureaux et hôtel quatre étoiles Radisson ; enfin, en 2022 débuteront ceux de l’immeuble Spring, collé à la Cité internationale, avec 10 500 m2 de bureaux. Et le secteur du Clos des fleurs devrait lui aussi muter avec probable requalification de terrains mutables, création d’un cœur de quartier autour de la place Paul-Huillier près de la gare et construction d’une passerelle entre la Presqu’île et le quartier de l’Esplanade. Ce dernier entre dans une nouvelle phase d’aménagement en 2021 avec la requalification de l’Esplanade elle-même et du boulevard longeant l’îlot Peugeot. Symbole de la réussite de la requalification de friches industrielles grenobloises, Bouchayer-Viallet est de son côté déjà réalisé à 75 %, avec 80 000 m2 d’activités. Il accueillera l’an prochain les salariés de la Caisse d’Epargne Rhône Alpes dans le nouvel immeuble Alp City (5 500 m2), tandis que ceux de Tessi emménagent cet automne dans l’Émeraude (2 900 m2). Cette zone d’aménagement concerté devrait à terme rejoindre celle de la Presqu’île, séparée par le quartier Vercors à l’horizon 2030. “Un secteur charnière, très bien placé”, observe-t-on à la mairie, qui entend “le revitaliser progressivement, avec du tertiaire, du commerce et de l’habitat”.
Quant au projet Portes du Vercors, à cheval sur Sassenage et Fontaine avec 100 hectares, 550 logements prévus et un pôle de loisirs, et relié à la Presqu’île et à Saint-Martin-le-Vinoux par le Métrocâble, il peine à se concrétiser. “C’est une opération sensible freinée par le risque d’inondation, explique Christophe Ferrari, car les cartes d’aléas de l’État et le plan de prévention du risque inondation (PPRI) réduisent les capacités de construction. La collectivité réfléchit à des bassins de rétention des eaux pluviales pour faire face à cette contrainte.”
La polarité nord-est mise sur le médical et un Inovallée 2.0
L’imposant chantier des nouveaux plateaux d’urgences de CHU, qui ouvriront en 2023 sur 12 000 m2, symbolise le renouveau du nord-est de l’agglomération. Autour du premier employeur du département, Grenoble-Alpes Métropole y a imaginé un quartier santé à rayonnement international, dont la première étape est la construction d’un hôtel d’activités du centre de recherche en santé intégrative (Cresi), à deux pas du Cadran solaire, l’ancien site du centre de recherche du service de santé des armées, une opération mixte qui doit être livrée en 2025.Comme dans la partie basse de La Tronche et de Meylan – à l’exception de certains tènements, comme celui d’Arteparc, dont les six bâtiments (sur 30 000 m2) seront livrés en 2022 –, la majeure partie d’Inovallée reste suspendue à la publication des nouvelles cartes d’aléas de l’État et à la révision du PPRI. “En attendant, nombre d’entreprises ne peuvent rien faire pour agrandir leurs bâtiments, notamment en hauteur, ou transformer leurs tènements, ce qui permettrait de densifier Inovallée, explique Christophe Ferrari. Pour que les acteurs puissent mener à bien cette requalification, nous anticipons l’arrivée des études hydrauliques de l’État en misant sur la notion de résilience, et en proposant des solutions techniques afin que des projets puissent sortir de terre d’ici deux, trois ans.”
F. Baert
Infos clés
- La polarité nord-ouest :
du parc Hyparc (attenant à Air liquide), à Sassenage, au quartier Bouchayer-Viallet, en passant par les zones de la Falaise, de l’Argentière, des Plans, les Vouillants, la Presqu’île, le parc d’Oxford, les Sagnes, Europole.
- GrandAlpe :
le périmètre se concentre principalement autour de Grand’Place et de l’A480 (Technisud, la Villeneuve, GE Hydro, les Essarts, Sud Galaxy, les Ruires, Alpexpo).
- La polarité nord-est :
elle comprend le campus santé autour du CHU, Inovallée et les Glairons.
A savoir
- Le territoire métropolitain s’articule désormais autour de trois grandes polarités
- C’est à GrandAlpe qu'il y a le plus de foncier disponible et un important potentiel économique
- L'arrêt de l'artificialisation des sols impose d'accélérer la requalification des friches industrielles
- Le quartier Cambridge attend la fin des travaux de l’A480 et du Métrocâble, en 2024, pour prendre son aspect définitif
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