Toute une philosophie : Le Rousseau
Une cuisine jeune et subtile, aux goûts renouvelés du jour.
Ce n’est pas parce que Jean-Jacques Rousseau adorait la nature et que son plaisir favori était d’herboriser que Hugo Bijaoui et Élie Michel-Villaz ont choisi son nom pour enseigne, quand bien même l’esprit de leur cuisine évolue de plus en plus vers le végétal. Plus prosaïquement, c’est le nom de la rue et la proximité de la maison – juste en face – où l’écrivain séjourna lors de son passage à Grenoble à l’été 1768, qui les ont amenés à donner à leur restaurant cette appellation. Elle ne saurait qu’attirer les promeneurs solitaires et, plus largement, tous les amateurs à l’esprit éclairé. Les deux amis, qui se sont connus en école hôtelière à Lesdiguières, n’ont guère attendu pour se lancer dans l’aventure de la restauration. À 23 et 24 ans respectifs, ils ont ouvert, en janvier 2016, cette petite table de centre-ville, où ils ont commencé par dérouler une cuisine respectueusement classique, autour d’une carte abondante aux propositions multiples. Mais là n’était pas vraiment leur désir profond, et bien vite leur est venue l’idée de se recentrer sur une carte resserrée, changeant en permanence : gage de fraîcheur, de diversité et de qualité des produits, temps de rotation des plats accéléré, et créativité sans cesse sollicitée pour ne jamais offrir les mêmes suggestions. Le résultat en est un service de midi où figurent deux entrées, deux plats et deux desserts, et un service du soir de même nature, mais élargi à trois plats, la carte évoluant à midi chaque semaine, et le soir toutes les trois semaines, sans que jamais le même plat, dans l’un ou l’autre cas, ne revienne.
Original, inventif, ingénieux
C’est dire que, pour le convive, la surprise de la découverte est forcément au rendez-vous. D’autant qu’Élie, le chef, passionné de cuisine, est de ceux qui aiment travailler le produit : poissonnier avec le poisson, boucher avec la viande, appréciant les belles pièces et se faisant obligation de les mettre en valeur. On le voit bien avec son foie gras, qu’il propose avec un faux-filet braisé, accompagné de céleri branche et parfumé d’un jus lié. Ou encore avec son crémeux de boudin noir qu’il sert avec une polenta que relèvent coriandre et parmesan. Et l’on a pu le vérifier en commençant avec un encornet farci aux carottes et au gingembre que sucrait un délicat jus tomaté, avant de poursuivre par un filet de truite saumonée sur un lit généreux de potiron et de pleurotes, et de finir par une stimulante cervelle des canuts à la poutargue, servie avec des giroles à la grecque : original, inventif, ingénieux. Comme la cuisine du Rousseau. Comme l’esprit de Jean-Jacques.
J. Serroy
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