L’Escalier, toujours plus haut
Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre...
On connaît la formule, chère à Georges Pompidou qui, en succédant à la figure gaullienne du Commandeur, définit sa politique comme “le changement dans la continuité”. Sans doute Alexandre Aymard la ferait-il volontiers sienne. Ayant pris la suite, en mars 2016, de cette autre figure historique qu’est Alain Girod, il se retrouve aux commandes de ce beau navire amiral de la gastronomie grenobloise qu’est L’Escalier. Changement donc de directeur, mais non de direction, pour ce fils de restaurateur, grandi dans les marmites du restaurant familial à Saint-Martin-le-Vinoux, qui caressait depuis toujours le rêve d’acquérir un établissement où il pourrait développer ses propres goûts. Il a trouvé, pour le coup, la bonne adresse, entendant bien d’emblée y apposer sa marque. Pour cela, il a changé de chef, trouvant en Erwan Le Bourdonnec, formé en Alsace, et notamment auprès de ce cuisinier grand cru qu’est Richard Meier, l’artisan idéal pour développer sa carte. Celle-ci, tout en maintenant ce qui a fait la réputation de L’Escalier entre autres ce fameux menu Cuillère qui, malgré ses 20 ans d’âge, n’a pas pris une ride, évolue de manière discrète vers une cuisine plus allégée, en affinant l’assiette pour l’accorder aux nouvelles habitudes culinaires, sans pour autant toucher à la solidité du contenu.
Innovation culinaire
On retrouve donc bien l’esprit maison, tant dans l’art de recevoir que dans l’originalité de la carte. Mais on note un côté moins austère, de petites touches inédites que l’on sent à la façon d’associer les saveurs, de travailler les légumes, d’aérer les sauces. Le foie gras se décline ainsi en duo, roulé ici au pain d’épices, brûlé là à la flamme. Le homard bleu est au beurre citronné, et le magret de canard se caramélise au miel que récolte le maître des lieux, apiculteur lui-même. L’invention est partout dans la variété des menus, gourmet ou gourmette. Étonnant, par exemple, ce translucide de poisson mariné, où la daurade, émincée en fines tranches et vaporisée d’absinthe, est servie sur une assiette volcan où elle se réchauffe à la bougie, permettant de la savourer du cru au cuit, à son propre goût. Non moins réussies ces Saint-Jacques grillées sur leur lit de pousses d’épinards, que vient crémer une onctueuse, mais légère sauce corail. Quant au délice au chocolat, fourré de griottes, il n’a pas usurpé son nom. D’autant qu’un bourgogne blanc, chardonnay du domaine Camu, vient faire souffler sur l’ensemble l’esprit vif et floral de Vézelay. Un esprit saint, à coup sûr…
J. Serroy
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