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Economie verte / Smart city - Accueil — Le 23 novembre 2017

Énergie : les filières se structurent

Dans le domaine des smart grids comme dans les énergies renouvelables, la région grenobloise apparaît en pointe et travaille sur des technologies innovantes pour accélérer la transition. Connexion à cet environnement en ébullition.

© Adobe Stock

Le bateau Energy Observer, doté d’une pile à combustible hydrogène, navigue ces jours-ci dans les eaux de la Méditerranée. Pendant six ans, il va sillonner les eaux du globe en démontrant au quotidien l’efficacité des solutions d’énergies décarbonées qui le propulsent. Conçu en grande partie par les équipes d’ingénieurs du CEA-Liten à Grenoble, le navire expérimental symbolise la performance de la recherche locale dans le domaine énergétique. Une performance au long cours, puisqu'elle s’inscrit tôt dans l’histoire industrielle de la région et s’accélère aujourd'hui avec le déploiement d’une filière ambitieuse. “Tous les ingrédients sont présents pour la réussite de la filière : les laboratoires de recherche, les écoles et l’Université, les grandes industries de l’énergie et les entreprises du numérique”, décrit Christian Felter, chargé de mission au sein du pôle de compétitivité Tenerrdis, dédié à l’accompagnement des projets innovants pour la transition énergétique.

Les smart grids montent encore en puissance

Le numérique ? Il est le maillon central dans la chaîne de valeur de l’énergie. D'abord parce qu’avec l’avènement des énergies renouvelables, intermittentes par nature, il devient impératif d’adapter le plus précisément possible la consommation à la puissance disponible. Les technologies de l’information intègrent les réseaux électriques pour leur offrir de l’intelligence (smart grids), un enjeu majeur auquel se consacrent des grandes entreprises telles qu’Atos Worldgrid et Schneider Electric, mais aussi des laboratoires comme celui de Grenoble – INP, G2ELab. L’environnement académique encourage aussi leur développement. Après la création par le distributeur Enedis de la chaire industrielle d’excellence sur les smart grids, en partenariat avec l’école ENSE3, un campus régional dédié a vu le jour à Grenoble et Lyon. Prolongeant cette dynamique, c’est aujourd’hui un institut qui s’apprête à naître : “Tout en s’appuyant sur le campus, l’institut s’attachera davantage à la valorisation industrielle et à la visibilité commerciale”, dévoile Christian Felter. Porté à l’origine par Enedis, RTE, le CEA, l’Université Grenoble-Alpes et l’académie de Grenoble, il devrait aussi intégrer les compétences de Schneider Electric et de jeunes pousses issues de l’écosystème grenoblois. L’objectif est de répondre ensemble à des appels d’offres internationaux.

Un soutien à chaque étape de développement

Ce succès repose sur un double facteur : la multiplicité des appuis (à l’innovation, à l’investissement, commercial) et leur proximité géographique. Représentée en France à Grenoble et dans sept autres pays voisins, la société InnoEnergy apporte son soutien à l’innovation du secteur en accompagnant et finançant des projets collaboratifs à l’échelle européenne, ainsi que des start-up de l’énergie dès leur phase d’amorçage, en vue d’un développement à l’export. Dans son portefeuille, 180 jeunes entreprises européennes, dont 35 en France bénéficient de ses services. Elles sont sélectionnées par un comité représenté au niveau local par Areva, Bpifrance, le CEA, Schneider Electric, Tenerrdis et Savoie Technolac. Depuis deux ans, InnoEnergy s’engage dans la stratégie go-to-market : “Quand nous avons soutenu des projets pendant deux années, il nous paraît normal de les accompagner jusqu’au marché et de soutenir aussi les efforts commerciaux des start-up”, souligne Pauline Vettier, responsable marketing et communication d’InnoEnergy. Des entreprises grenobloises telles que Stimergy, Sylfen ou encore eBikeLabs profitent actuellement de cette assistance. Gulplug également : cette start-up “excubée” de Schneider Electric a mis au point des capteurs d’énergie plug-and-play pour un monitoring optimal des consommations d’énergie dans les installations industrielles. L’outil s’adresse notamment aux entreprises engagées dans la certification ISO 50 001. “L’énergie dépensée par les équipements quand ils ne produisent pas représente jusqu’à 70 % de l’énergie globale consommée”, évalue ainsi Xavier Pain, cofondateur et président de Gulplug, qui envisage un développement européen dès les prochains mois.

Transition énergétique sans frontières

Confortées par cet environnement porteur, les entreprises de la transition énergétique accentuent donc leur présence à l’international. Elles s’y risquent quelle que soit leur taille. C’est le cas de Surtec (CA 2017 : 300 k€), à Jarrie, qui s’apprête à investir massivement le marché africain. Surtec s’est spécialisée dans les solutions sur mesure pour l’autonomie énergétique de sites “off-grids”, c’est-à-dire isolés, en France d’abord. Forte de cette expérience, elle concentre ses efforts vers de nouveaux horizons : “Nous avons mis le cap sur le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest, où seuls 20 % des foyers ont accès à l’électricité, souvent de mauvaise qualité”, observe Patrick Chaverot, gérant de la société. L’entreprise, qui réalise déjà 20 % de son chiffre d’affaires à l’export, devrait voir son activité plus que doubler dans ces pays dès l’année prochaine, attentive aux appels d’offres dans le cadre de programmes d’aides comme le Millenium Challenge Account, pour l’électrification du Bénin.

Le stockage en plein mouvement

Si les smart grids constituent une innovation décisive pour la transition énergétique, des solutions de stockage appropriées seront nécessaires pour accroître leur efficacité. “C’est notamment dans la mise au point de solutions de stockage de l’énergie que la Région se distingue”, observe justement Pauline Vettier. Le stockage rassemble en effet sur le territoire grenoblois des start-up prometteuses. Lancey Energy Storage, déjà bardée de récompenses nationales, équipe les logements sociaux avec son système de radiateur intelligent, doté de batteries de stockage. Attachée à exploiter les ressources de son berceau, la jeune entreprise fait notamment appel à l’usine crolloise de STMicroelectronics pour une partie des composants de son système. Elle vise l’écoulement de 10 000 produits dès l’année prochaine. Grenoble abrite aussi des fleurons, exportateurs à grande échelle. La société McPhy Energy, qui a conservé son centre R&D au cœur de l’écosystème local, utilise l’hydrogène pour valoriser les surplus d’énergie renouvelable. L’entreprise s’apprête à livrer ces prochaines semaines une usine de production d’hydrogène en Allemagne pour le compte du groupe Energiedienst. D'une puissance de 1 MW, cette usine produira cinq tonnes d’hydrogène par jour.

Les déchets mettent les gaz

Le biogaz, issu de la méthanisation des boues de stations d’épuration, des rejets agricoles ou des déchetteries, devrait également connaître un bel essor ces prochaines années, en suivant l’exemple allemand. Après quelques atermoiements, les pouvoirs publics encouragent cette filière : les réseaux de gaz naturel de ville devront acheminer 10 % de biogaz d’ici 2030. Alors que moins de 1 TWh est injecté chaque année sur le réseau, cette quantité devrait être multipliée par dix dans les cinq ans qui viennent, selon les experts. Une filière du biogaz est-elle en train de naître à Grenoble ? Des entreprises comme Air Liquide et la start-up meylanaise Waga Energy se positionnent déjà sur la purification du biogaz, étape nécessaire avant sa livraison dans les réseaux du gaz de ville, en cherchant à se rapprocher des lieux de production. D'autres acteurs, comme Apix Analytics, s’activent dans les services associés, et notamment dans la mesure de la qualité du biogaz. “Nous avons beaucoup investi dans la filière biométhane. La prise en charge de 40 % des coûts de construction par l’État va permettre de multiplier les points d’injection, ce qui ouvre des perspectives considérables”, observe Ludovic Debusschere, directeur général d’Apix.

Les tourbillons porteurs de l’hydroélectricité

Historique à Grenoble, l’hydroélectricité est loin d’avoir dit son dernier mot. Elle devrait au contraire conserver une pole position dans les énergies renouvelables ces prochaines décennies, en France, et à l’international. “Seul un tiers du potentiel hydroélectrique est exploité dans le monde, et à peine 7 % en Afrique”, estime Roland Vidil, président d’Hydro 21. Cette association représente l’ensemble des industriels de la filière de la région grenobloise. Elle compte aujourd'hui une trentaine de membres et se destine notamment à offrir au secteur une meilleure visibilité, à travers des événements tels que Business Hydro. La 2e édition en juin dernier au WTC a attiré plus de 500 visiteurs. Elle a démontré par la diversité des acteurs présents l’importance des effets d’entraînement de l’hydraulique sur l’économie locale. Pour Roland Vidil, l’hydroélectricité est d’autant plus précieuse qu’elle est une énergie à la fois “stockable, compétitive et contribuant à l’économie du tourisme, avec la création de plans d’eau de loisirs”. Quatrième secteur d’activité industrielle dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’énergie de l’eau est présente en Isère via EDF, qui produit ici plus d’un tiers de son hydroélectricité française grâce à un parc très varié d’installations, et construit actuellement à Saint-Martin-le-Vinoux son grand Pôle Hydraulique. Quant à GEG, le fournisseur d’énergie grenoblois, il poursuit le verdissement de son offre dans le bleu. Pariant sur la production décentralisée, il construit actuellement sa 11e centrale hydroélectrique, à quelques kilomètres de la station de Courchevel. La centrale de Bonrieu, qui représente un investissement de 4,5 M€, sera mise en service début 2018. Elle produira alors près de 7 GWh par an, l’équivalent de la consommation de 1 500 foyers.

L’intelligence de l’eau

Cent cinquante ans après son invention, l’hydroélectricité se renouvelle sous l’effet du numérique. “Le digital arrive dans ce secteur et les principaux acteurs doivent en tenir compte”, résume Christian Felter. Notamment dans le monitoring, avec la création d’outils prédictifs de maintenance des ouvrages, y compris les conduites forcées, particulièrement complexes d’accès. Battakarst, née à Voreppe des forces vives des deux PME locales Battaglino et Hydrokarst, a imaginé des robots miniatures pour contrôler et rénover de telles installations, sur des diamètres allant de 0,2 à plus de 2,5 mètres. L’innovation du secteur de l’hydroélectricité réside aussi dans la conception de petites machines : “Ce sont des installations hydroélectriques de dimension réduite pour un moindre impact sur l’environnement, et qui gagnent en même temps en fiabilité et en rendement”, évoque Christian Felter. C’est un champ qu’investit Save Innovations, à Grenoble, depuis 2012, grâce à ses “picoturbines”. Initialement appliquées à l’éolien, ces petites machines se destinent à présent au réseau d’eau potable : “Nos pico-turbines sont capables de générer de l’énergie à très faible flux d’eau, dès 0,5 mètre par seconde”, explique Olivier Salasca, directeur marketing et commercial de Save Innovations (CA 2016 : 220 k€, 10 salariés). Mieux encore, ces engins deviennent intelligents en intégrant des capteurs susceptibles de détecter les fuites et contrôler la qualité de l’eau. Save Innovations a également conçu une version de ses hydrogénérateurs dédiée au nautisme pour alimenter les instruments de bord. Décidément, l’énergie à Grenoble a choisi de prendre le large…
R. Gonzalez

 

 

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